Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 septembre 1998 et 19 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE VANNES ; la COMMUNE DE VANNES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 9 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 septembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du maire de Vannes refusant de procéder à l'abrogation des dispositions de l'arrêté du maire du 28 décembre 1990 relatives au stationnement des taxis aux abords de la gare SNCF ;
2°) condamne les parties perdantes dans la présente instance à lui verser solidairement la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 22 mars 1942 sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt général et d'intérêt local ;
Vu le décret n° 73-285 du 2 mars 1973 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Logak, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la COMMUNE DE VANNES, de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la Fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. de X...,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 22 mars 1942 susvisé : "les mesures de police destinées à assurer le bon ordre dans les parties des gares et de leurs dépendances accessibles au public sont réglées par des arrêtés du préfet du département ( ...)./ Ces mesures visent notamment l'entrée, le stationnement et la circulation des voitures publiques ou particulières ( ...) dans les cours dépendant des gares de chemins de fer" ;
Considérant qu'en jugeant qu'alors même que la cour de la gare de Vannes avait été incorporée au domaine public communal elle conservait son caractère de dépendance d'une gare de chemin de fer, au sens des dispositions précitées, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la fins de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE VANNES devant le juge du fond :
Considérant que M. de X..., artisan taxi titulaire d'une autorisation de stationner dans une commune limitrophe de Vannes et la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) ont qualité pour agir dès lors que la réglementation du maire de Vannes limitait la capacité de M. de X... et de certains membres de cette fédération à faire stationner leurs véhicules dans la cour de la gare de Vannes sur les emplacements réservés au taxis, afin d'y prendre en charge des clients ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 2 mars 1973 susvisé : "le maire fixe, s'il y a lieu, le nombre de taxis admis à être exploités dans la commune, attribue les autorisations de stationnement et délimite les zones de prise en charge" ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la cour de la gare, dont la propriété a été transférée par la société nationale des chemins de fer français, à la commune le 24 juin 1952, et qui a été incorporée à la voirie communale, par délibération du conseil municipal en date du 26 octobre 1953, n'appartient plus au domaine public ferroviaire ; que, par suite, les lieux n'avaient plus le caractère de dépendance de la gare au sens des dispositions précitées du décret du 22 mars 1942 ; que, dès lors, le préfet n'était pas compétent pour prendre des mesures de police relatives au stationnement des taxis sur les emplacements réservés devant la gare ; qu'en revanche il appartenait au maire, en application des dispositions précitées du décret du 2 mars 1973, de prendre de telles mesures ; que, par suite, la COMMUNE DE VANNES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 25 septembre 1996, le tribunal administratif de Rennes a annulé, en se fondant sur l'incompétence du maire, la décision implicite de ce dernier rejetant la demande de la Fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de X... tendant à ce que soient abrogées les dispositions de l'arrêté du 28 décembre 1990 du maire de Vannes réservant aux seuls taxis de la commune le stationnement sur les emplacements réservés devant la gare de Vannes ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la Fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de X... devant le tribunal administratif de Rennes ;
Considérant que l'arrêté du maire de Vannes en date du 28 décembre 1990 modifié interdit aux taxis extérieurs à la commune de Vannes le stationnement sur les emplacements réservés aux taxis devant la gare de Vannes ; que, eu égard à l'importance de la restriction ainsi apportée à l'exercice de cette activité professionnelle et au fait que la fonction de desserte de la gare de Vannes dépasse largement le cadre de cette commune, le maire n'a pas pu légalement réserver aux seuls taxis de sa commune le stationnement sur ces emplacements ; que par suite la commune de Vannes n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le refus implicite opposé par le maire de Vannes à la demande formée par la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de X... que soient abrogées les dispositions de l'arrêté du 28 décembre 1990 du maire de Vannes réservant aux seuls taxis de sa commune le stationnement sur les emplacements réservés devant la gare de Vannes ;
Sur les conclusions de M. de X... relatives à l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative sous astreinte de 1 000 F par jour de retard :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
Considérant que l'annulation de la décision de refus du maire de Vannes implique nécessairement que celui-ci procède à l'abrogation sollicitée par la fédération susmentionnée et par M. de X... ; que dès lors il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la ville de Vannes de procéder à cette abrogation ; que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, il y a lieu de prononcer contre la ville, à défaut pour elle de justifier de l'intervention d'une telle mesure d'abrogation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 500 F par jour jusqu'à la date à laquelle le présent arrêt aura reçu exécution ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la COMMUNE DE VANNES à verser 15 000 F à la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et 15 000 F à M. de X..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de X... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer à la commune de Vannes la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 2 à 6 de l'arrêt du 9 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Vannes de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'abrogation de l'arrêté du maire de Vannes du 28 décembre 1990 en tant qu'il réserve aux seuls taxis de la commune le stationnement sur les emplacements réservés devant la gare de Vannes.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Vannes si elle ne justifie pas de l'intervention, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'une décision de son maire portant abrogation, dans les conditions fixées à l'article précédent, des dispositions susmentionnées de l'arrêté municipal du 28 décembre 1990, et jusqu'à la date de son intervention ; le taux de cette astreinte est fixé à 500 F par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : La ville de Vannes versera à la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La ville de Vannes versera à M. de X... la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE VANNES, à la Fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne), à M. de X... et au ministre de l'intérieur.