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29/10/2001 | FRANCE | N°221713

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 29 octobre 2001, 221713


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 4 octobre 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michèle-Laurence X..., ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 avril 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation d'un commandement de payer décerné à son encontre le 30 juillet 1991 par le trésorier principal de Ni

ce pour avoir paiement de la somme de 1 289 277 F dont elle est redeva...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 4 octobre 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michèle-Laurence X..., ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 avril 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation d'un commandement de payer décerné à son encontre le 30 juillet 1991 par le trésorier principal de Nice pour avoir paiement de la somme de 1 289 277 F dont elle est redevable en sa qualité de dirigeante de fait de la société "Impact Immobilier Ingénierie" au titre des années 1986 et 1987 ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer cette imposition ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur ;
- les observations de la SCP Le Prado, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 31 juillet 1991, le trésorier principal de Nice a notifié à Mme X... un commandement de payer, pour avoir paiement de la somme de 1 289 277 F, correspondant à des amendes fiscales prévues à l'article 1763 A du code général des impôts, en sa qualité de dirigeant de fait solidaire de la société "Impact Immobilier Ingénierie" ; que la requérante a saisi le 26 août 1991 le trésorier-payeur général des Alpes-Maritimes d'une contestation que ce dernier a rejeté par une décision du 21 octobre 1991 ; qu'une nouvelle contestation adressée au comptable le 13 août 1992 a été de nouveau rejetée le 28 octobre 1992 ; que Mme X... se pourvoit contre l'arrêt du 5 avril 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 1996 rejetant sa demande comme étant tardive et par suite irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre un acte de recouvrement, le trésorier-payeur général se prononce dans le délai de deux mois à partir du dépôt de la demande qui lui est adressée et dont il accuse réception ; que, lorsqu'aucune décision n'a été prise par ce chef de service ou que la décision ne donne pas satisfaction au redevable, celui-ci doit porter devant le tribunal administratif, s'agissant des impositions relevant de sa compétence, les contestations fondées sur une cause autre que l'irrégularité en la forme de l'acte de poursuite ; qu'aux termes de l'article R. 281-4 susmentionné, le redevable dispose pour cela, à peine de forclusion, de deux mois à partir : a) Soit de la notification de la décision du chef de service ; b) Soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision" ; que les décisions prises par le trésorier-payeur général en application de cet article sont soumises aux dispositions de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983 susvisé, reprises à l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et ultérieurement codifiées à l'article R. 421-5 du code de justice administrative, aux termes desquelles les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision du 21 octobre 1991 par laquelle le trésorier-payeur général des Alpes-Maritimes a rejeté la contestation de Mme X... d'avoir à payer la somme de 1 289 277 F en sa qualité de dirigeante de fait solidaire de la société "Impact Immobilier Ingénierie" ne portait pas mention des voies et délais de recours dans lesquels cette décision pouvait être déférée devant le tribunal administratif compétent ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que le délai de recours contentieux était, nonobstant les dispositions de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983, opposable à Mme X... et que, par conséquent, sa requête déposée le 11 décembre 1992 devant le tribunal administratif de Nice devait être regardée comme tardive ; que l'arrêt attaqué doit être annulé pour ce motif ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler immédiatement l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif, se fondant sur ce que l'absence de mention des voies et délais de recours entachant la décision du trésorier-payeur général en date du 21 octobre 1991 était sans incidence sur le délai prévu à l'article R. 281-4 pour déférer cette décision au juge, a rejeté la demande que Mme X... lui avait présentée au motif qu'elle était tardive ; qu'ainsi, l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 1996 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 1763 A du code général des impôts applicable en l'espèce : "Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°°°°°°et 3° du b) de l'article 80 ter, ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité qui est établie et recouvrée comme en matière d'impôt sur le revenu" ;

Considérant que la requérante conteste la qualité de dirigeante de fait de la société "Impact Immobilier Ingénierie" en faisant valoir que, si elle détenait 25 % des parts du capital de cette société, elle n'a jamais assumé de fonctions de direction en son sein et n'a jamais eu le pouvoir d'engager par sa signature cette dernière ; qu'en se bornant à faire état de la qualité d'associé minoritaire de Mme X..., sans apporter aucun élément permettant de démentir les indications de l'intéressée sur l'absence de rôle actif joué par elle dans la direction de cette entreprise, l'administration n'établit pas que la requérante pouvait être regardée comme dirigeante de fait de la société "Impact Immobilier Ingénierie" ; que dès lors, Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a poursuivie en cette qualité pour avoir paiement de la pénalité fiscale mise à la charge de cette société et à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 289 277 F qui lui a été réclamée ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 20 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 5 avril 2000 et l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 1996 sont annulés.
Article 2 : Mme X... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 1 289 277 F.
Article 3 : L'Etat versera à Mme X... une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Michèle-Laurence X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 221713
Date de la décision : 29/10/2001
Sens de l'arrêt : Annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-01-05-01-02,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTES DE RECOUVREMENT -CADécisions du trésorier payeur général sur contestation d'un acte de recouvrement - Opposabilité des délais de recours - Condition de la mention des délais et voies de recours dans la notification des décisions.

19-01-05-01-02 Il résulte de l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre un acte de recouvrement, le trésorier-payeur général se prononce dans le délai de deux mois à partir du dépôt de la demande qui lui est adressée et dont il accuse réception. Lorsqu'aucune décision n'a été prise par ce chef de service ou que la décision ne donne pas satisfaction au redevable, celui-ci doit porter devant le tribunal administratif, s'agissant des impositions relevant de sa compétence, les contestations fondées sur une cause autre que l'irrégularité en la forme de l'acte de poursuite. Aux termes de l'article R. 281-4, le redevable dispose pour cela, à peine de forclusion, de deux mois à partir : a) Soit de la notification de la décision du chef de service ; b) Soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision". Les décisions prises par le trésorier-payeur général en application de cet article sont soumises aux dispositions de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983, reprises à l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et ultérieurement codifiées à l'article R. 421-5 du code de justice administrative, aux termes desquelles les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision (1).


Références :

CGI 1763 A
CGI Livre des procédures fiscales R281-4
Code de justice administrative R421-5, L821-2, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R104
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 9

1. Comp. CE Sect., 1993-02-26, Serfaty, Mme Cohen et Dalbos, p. 36.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2001, n° 221713
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Wauquiez-Motte
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:221713.20011029
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