Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 29 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE D'ANGERS, agissant par son maire en exercice ; la VILLE D'ANGERS demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt du 18 novembre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande présentée par Mme Annie Cantel tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 1995 du maire d'Angers révoquant l'intéressée de ses fonctions de professeur d'enseignement artistique au conservatoire national de région d'Angers et la radiant des cadres de la fonction publique territoriale à compter du 7 juin 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la VILLE D'ANGERS et de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Cantel, professeur de danse au conservatoire national de région d'Angers, a saisi le tribunal administratif de Nantes de conclusions aux fins d'annulation, d'une part, de l'arrêté du 1er juin 1995 par lequel le maire d'Angers l'a révoquée pour motifs disciplinaires et, d'autre part, du refus implicite de rapporter cet arrêté ; que, par jugement du 16 octobre 1995, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme Cantel tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ; que, par un avis du 15 mai 1996, devenu définitif, le conseil de discipline de recours de la région des pays de la Loire a estimé que les faits invoqués à l'encontre de l'intéressée étaient couverts par la loi d'amnistie du 3 août 1995 et ne pouvaient plus faire l'objet d'une procédure disciplinaire ; que, par une ordonnance du 13 janvier 1997, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Nantes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de Mme Cantel dirigée contre l'arrêté de sanction ; que, par un arrêt du 18 novembre 1999, la cour administrative d'appel de Nantes, a rejeté la requête formée par la VILLE D'ANGERS contre cette ordonnance et estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête présentée par Mme Cantel tendant à l'annulation du jugement susmentionné du 16 octobre 1995 ; que la VILLE D'ANGERS ne pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant que les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué ; que, par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance ; que, de même, le défendeur en premier ressort n'est pas recevable à interjeter appel du jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur ;
Considérant que dans l'hypothèse où le juge du premier degré décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande dont il a été saisi par suite de la disparition de l'objet de cette dernière, l'intérêt à relever appel d'un pareil jugement doit être apprécié au regard des conclusions des parties à l'instance ; que si la partie ayant elle-même conclu en cours d'instance à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur la demande est sans intérêt à contester un tel jugement, il en va différemment pour la partie qui n'a pas présenté de conclusions en ce sens ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant irrecevable pour défaut d'intérêt l'appel formé par la VILLE D'ANGERS contre l'ordonnance en date du 13 janvier 1997 par laquelle le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Nantes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de Mme Cantel dirigée contre sa révocation, alors que la VILLE D'ANGERS avait conclu en premier ressort au rejet de la demande présentée par l'intéressée ; que son arrêt doit donc être annulé en tant qu'il a rejeté pour ce motif l'appel de la ville contre cette ordonnance ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1987 : "Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes, peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours" ;
Considérant que l'avis émis en application des dispositions ainsi rappelées par le conseil de discipline de recours, s'il peut, le cas échéant, contraindre l'administration à rapporter, d'office ou à la demande de l'agent, la sanction initiale est sans influence sur la légalité de ladite sanction, laquelle doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes, après avoir estimé que l'avis émis par le conseil de discipline de recours avait frappé de nullité la sanction provisoire du 1er juin 1995, a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de Mme Cantel ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Cantel devant le tribunal administratif de Nantes ;
Considérant qu'il ne ressort pas du dossier que Mme Cantel ait favorisé les élèves qui suivaient ses cours particuliers ou ait manqué à la déontologie en mettant certains élèves en relation avec l'éditeur d'un catalogue pour tenues de danse ; que ni le désaccord pédagogique qui l'opposait au directeur du conservatoire sur l'enseignement de la danse ni le fait que Mme Cantel n'a pas signalé des absences d'élèves pendant quelques mois de l'année scolaire 1994/1995 ne suffisaient à justifier la révocation de ce professeur ; que, par suite, Mme Cantel est fondée à soutenir que cette sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les conclusions de Mme Cantel présentées tant en cause d'appel qu'en cassation tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la VILLE D'ANGERS à payer à Mme Cantel la somme de 3800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 18 novembre 1999 est annulé en tant qu'il a rejeté l'appel de la VILLE D'ANGERS contre l'ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Nantes en date du 13 janvier 1997. Cette ordonnance est également annulée.
Article 2 : L'arrêté en date du 1er juin 1995 par lequel le maire d'Angers a révoqué Mme Cantel est annulé.
Article 3 : La VILLE D'ANGERS est condamnée à verser à Mme Cantel la somme de 3800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de la VILLE D'ANGERS est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE D'ANGERS, à Mme Annie Cantel et au ministre de l'intérieur.