Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai 2000 et 8 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 7 mars 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 21 mai 1996 du tribunal administratif de Nantes et à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquels il a été assujetti au titre des années 1991 et 1992 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle A. Robineau, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Marcel X...,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 7 mars 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté comme irrecevable l'appel qu'il a formé contre le jugement du 21 mai 1996 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991 et 1992, et des pénalités y afférentes ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R *. 197-4 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions sont applicables aux requérants devant les cours administratives d'appel en vertu de l'article R* . 200-17 du même livre : "Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l'acte qu'il autorise ou enregistré avant l'exécution de cet acte. Toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leurs fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable" ; qu'il résulte de ces dispositions que toute personne qui présente une requête au nom d'un contribuable et qui ne tient pas de ses fonctions ou de sa qualité le droit d'agir au nom d'autrui doit, en principe, à peine d'irrecevabilité, justifier d'un mandat enregistré avant l'introduction de la requête ; que, toutefois, un mandataire qui a introduit une requête sans que son mandat ait fait l'objet d'un enregistrement préalable peut ensuite, tant que l'instruction n'est pas close, effectuer cet enregistrement, puis procéder à la régularisation de cette requête en produisant le mandat enregistré ; que dès lors, en jugeant que la requête d'appel de M. X... était irrecevable au seul motif que son mandataire ne justifiait pas de l'enregistrement de son mandat avant l'introduction de cette requête, sans rechercher si cet enregistrement était intervenu entre l'introduction de la requête et les productions ultérieures du requérant, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ; qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que M. X... est représenté dans la présente instance par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre ne saurait, par suite, être accueillie ;
Sur le montant des déficits imputables sur le revenu des années 1991 et 1992 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été établies sur la base de déclarations rectificatives remplies par le contribuable les 26 février et 2 mai 1993, mentionnant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux un déficit de 196 616 F au titre de 1991 et 25 110 F au titre de 1992 ; que si, dans de nouvelles déclarations rectificatives remplies le 5 mai 1993, M. X... faisait état de déficits globaux d'un montant de 505 240 F pour 1991 et 352 662F pour 1992, il ne produit aucune pièce de nature à justifier ces nouveaux montants ; que la circonstance que l'avis d'imposition pour 1993 mentionne des déficits globaux des années antérieures de 857 902 F n'a pas d'influence sur le bien-fondé des impositions émises au titre des années 1991 et 1992 ;
Sur les revenus d'origine indéterminée taxés d'office à l'impôt sur le revenu :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. ( ...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. ( ...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et fixer à l'intéressé, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur au délai de trente jours prévu à l'article L. 11" ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même code : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16" ; qu'il résulte de l'instruction que, par lettre reçue par l'intéressé le 16 mai 1994, l'administration a adressé à M. X... une demande de justifications en application des dispositions précitées de l'article L. 16, en lui indiquant qu'il disposait d'un délai de trente jours pour présenter les précisions souhaitées ; qu'il est constant que M. X... n'a répondu à cette demande que le 8 juillet 1994 ; que faute pour l'intéressé d'avoir répondu dans le délai de trente jours indiqué par l'administration, celle-ci a pu légalement recourir à la procédure de taxation d'office ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que quatre chèques émis en 1991 par la SCI Vierge Noire et la SCI La Croisette en faveur de M. X..., pour un montant total de 287 771 F, correspondent au remboursement partiel d'apports faits par M. X... à ces sociétés en 1989 ; que ces sommes doivent, par suite, être déduites des revenus d'origine indéterminée taxés d'office à l'impôt sur le revenu au titre de 1991 ; qu'il y a lieu de réformer en conséquence le jugement du 21 mai 1996 du tribunal administratif de Caen ;
Sur le bénéfice de l'abattement en faveur des personnes âgées :
Considérant qu'aux termes de l'article 157 bis du code général des impôts : "Le contribuable âgé de plus de soixante-cinq ans au 31 décembre de l'année d'imposition, ou remplissant l'une des conditions d'invalidité mentionnées à l'article 195, peut déduire de son revenu global net une somme de 5 260 F si ce revenu n'excède pas 32 500 F, 2 630 F si ce revenu est compris entre 32 500 F et 52 600 F. ( ...) Les abattements et plafonds de revenus mentionnés au premier alinéa sont relevés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu ( ...)" ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, pour l'imposition des revenus de 1992, l'abattement est de 9 120F si le revenu n'excède pas 56 400 F et 4 560 F si le revenu est compris entre 56 400 F et 91 200 F ;
Considérant que le revenu global net de M. X... atteint 267 632F en 1992 ; que l'intéressé ne peut par suite prétendre, pour cette année d'imposition, au bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions précitées ;
Sur les pénalités afférentes aux impositions demeurant en litige :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que les minorations de revenus auxquelles a procédé M. X... dans ses déclarations s'élèvent à 202 725 F pour 1991 et 199 250 F pour 1992 ; qu'il résulte de l'instruction que M. X... ne pouvait ignorer le caractère imposable de ces sommes ; que par suite, l'administration a pu légalement appliquer à l'intéressé la majoration de quarante pour cent instaurée par l'article 1729 du code général des impôts pour les cas où la mauvaise foi du contribuable est établie ;
Article 1er : L'arrêt du 7 mars 2000 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à M. X... au titre de l'année 1991 sont réduites de 287 771 F et M. X... est déchargé des droits et pénalités impliqués par cette réduction d'assiette.
Article 3 : Le jugement en date du 21 mai 1996 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Marcel X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.