Vu le recours, enregistré le 5 août 2002, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'OUTRE-MER, dont le siège est 27, rue Oudinot à Paris (75358) ; le MINISTRE DE L'OUTRE-MER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 22 juillet 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Papeete a suspendu l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. Thierry X... la reconnaissance du centre de ses intérêts moraux et matériels en Polynésie française, ensemble les décisions en date du 26 juin 2002 par lesquelles le haut-commissaire de la République en Polynésie française a mis fin à l'affectation de l'intéressé à la direction de la réglementation et du contrôle de la légalité du haut-commissariat et ordonné la cessation de paiement de sa rémunération à compter du 1er juillet 2002 ;
2°) de rejeter les demandes de suspension présentées contre ces trois décisions par M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blondel, avocat M. X...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;
Considérant que, par une ordonnance en date du 22 juillet 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Papeete a suspendu l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. X... de reconnaître la localisation du centre de ses intérêts moraux et matériels en Polynésie française, ensemble les décisions en date du 26 juin 2002 par lesquelles le haut-commissaire de la République française a mis fin à son affectation à la direction de la réglementation et du contrôle de la légalité et ordonné la cessation de paiement de l'intéressé à compter du 1er juillet 2002 ; que le juge des référés du tribunal administratif de Papeete s'est fondé, pour estimer que la condition d'urgence de l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, sur la circonstance que l'ensemble des décisions prises à l'égard de M. X..., agent administratif du ministère de l'intérieur détaché du corps d'Etat pour l'administration de la Polynésie française, avait "pour objet de l'évincer du territoire où pourtant ses droits à un deuxième séjour ne sont pas expirés ..." ; que M. X..., qui avait été détaché dans ce corps pour une période de deux ans courant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2002, n'avait, à l'expiration de cette période, aucun droit au renouvellement de son détachement ; que, par suite, en relevant, pour estimer remplie la condition d'urgence, que les droits à un deuxième séjour n'étaient pas expirés, le juge des référés du tribunal administratif de Papeete a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'OUTRE-MER est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. X... ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
En ce qui concerne le refus de la reconnaissance de localisation en Polynésie française du centre des intérêts moraux et matériels de M. X... :
Considérant que la demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 23 juin 2002 du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur la demande à lui adressée par M. X... en vue de la reconnaissance de la localisation en Polynésie française du centre de ses intérêts moraux et matériels doit être regardée comme dirigée contre la décision de rejet qui lui a été notifiée par la lettre en date du 3 juin 2002 par laquelle le haut-commissaire de la République en Polynésie-française l'a informé du rejet de cette demande par le ministre de l'outre mer ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 26 novembre 1996 : "Le présent décret est applicable, sous réserve des dispositions de l'article 3 ci-après, aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat, ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire, affectés dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, qui sont en position d'activité ou détachés auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension civile ou militaire de retraite. Il ne s'applique ni aux personnels dont le centre des intérêts moraux et matériels se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions, ni aux membres des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, ni aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale." et qu'aux termes de l'article 2 du même décret : "La durée de l'affectation dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna est limitée à deux ans. Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectationà" ;
Considérant que, pour justifier de l'urgence de l'affaire, M. X... fait valoir que le refus de reconnaissance par le ministre de la localisation du centre de ses intérêts moraux et matériels en Polynésie française le priverait d'un droit à un deuxième séjour dans le territoire et préjudicierait ainsi gravement à sa situation ;
Considérant que le requérant, qui avait été détaché pour une durée de deux ans dans le corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, n'avait, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun droit au renouvellement de son détachement à l'expiration de celui-ci ; que, toutefois, le refus de reconnaissance de la localisation en Polynésie française de ses intérêts moraux et matériels n'avait ni pour objet, ni pour effet de l'empêcher de solliciter le renouvellement de ce détachement ; qu'il suit de là que la condition de l'article L. 521-1 du code de justice administrative relative à l'urgence n'est pas remplie ; que, dès lors, la demande de suspension présentée par M. X... au tribunal administratif de Papeete ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne la décision du haut-commissaire de la République en Polynésie française en date du 26 juin 2002 mettant fin à l'affectation de M. X... à la direction de la réglementation et du contrôle de la légalité du haut-commissariat :
Considérant qu'eu égard à l'argumentation du requérant et à l'objet du litige, les conclusions présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Papeete et tendant à l'annulation de la décision susanalysée, doivent être regardées comme également dirigées contre la décision du MINISTRE DE L'OUTRE-MER de ne pas renouveler son détachement, décision qui lui a été notifiée par une lettre du 3 juin 2002 du haut-commissaire de la République en Polynésie française ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant, en premier lieu, que les décisions attaquées étaient fondées, notamment, sur la circonstance que M. X... avait "fait preuve de duplicité" et fourni des informations inexactes à l'administration concernant sa situation conjugale en vue d'obtenir son détachement en Polynésie française puis le renouvellement de celui-ci ; qu'alors même que M. X..., qui arrivait au terme de la période de deux ans prévue pour son détachement, n'avait aucun droit au renouvellement de celui-ci, les décisions contestées ont ainsi été prises en considération de la personne ; qu'elles ne pouvaient dès lors légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de demander la communication de son dossier ; que par suite le moyen tiré de ce que M. X... n'aurait pas été invité à prendre connaissance de son dossier est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces décisions ;
Considérant, en second lieu, qu'eu égard à la nature de ces mesures, lesquelles impliquent la réintégration de M. X... dans son corps d'origine et son affectation immédiate en métropole, et à la gravité de leurs conséquences pour M. X... et ses enfants, la condition de l'article L. 521-1 du code de justice administrative relative à l'urgence est remplie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander la suspension de la décision du MINISTRE DE L'OUTRE-MER, qui lui a été notifiée par lettre du 3 juin 2002, de ne pas renouveler son détachement et de la décision du haut-commissaire de la République en Polynésie française, en date du 26 juin 2002, mettant fin à son affectation ;
En ce qui concerne la décision du haut-commissaire de la République, en date du 26 juin 2002, mettant fin au versement de la rémunération de M. X... à compter du 1er juillet 2002 :
Considérant, en premier lieu que, par la décision susanalysée, l'administration s'est bornée à tirer les conséquences pécuniaires des décisions de ne pas renouveler le détachement de M. X... à compter du 1er juillet 2002 et de mettre fin à son affectation à compter de la même date ; que compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus quant à la légalité de ces deux décisions, le moyen tiré de ce que la décision mettant fin au versement de la rémunération de M. X..., serait entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité entachant les deux décisions susmentionnées est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant, en second lieu, que la privation sans préavis de son traitement pour une durée indéterminée, est de nature à bouleverser les conditions d'existence de M. X... ; qu'ainsi la condition de l'article L. 521-1 du code de justice administrative relative à l'urgence est remplie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander la suspension de la décision du haut-commissaire de la République en date du 26 juin 2002 mettant fin au versement de sa rémunération ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Papeete en date du 22 juillet 2002 est annulée.
Article 2 : La décision du MINISTRE DE L'OUTRE-MER de ne pas renouveler le détachement de M. X..., ensemble les décisions du haut-commissaire de la République en Polynésie française en date du 26 juin 2002 de mettre fin à l'affectation de M. X... et d'interrompre le versement de sa rémunération à compter du 1er juillet 2002 sont suspendues.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'outre mer et le surplus des conclusions de M. X... sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'OUTRE-MER et à M. X....