Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin 2000 et 5 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 12 mai 2000 par laquelle le ministre de la défense a déclaré l'activité lucrative qu'il envisageait d'exercer au sein de la société Sema Group Telecom incompatible avec les dispositions de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 40 000 F par mois à compter du mois de juin 2000 en réparation du préjudice que lui crée l'interdiction d'être employé par la société Sema Group Telecom ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée portant statut général des militaires ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le décret no 96-28 du 11 janvier 1996 relatif à l'exercice d'activités privées par des militaires placés dans certaines positions statutaires ou ayant cessé définitivement leurs fonctions ; Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bouchez, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... conteste la décision en date du 12 mai 2000 du ministre de la défense constatant que l'activité qu'il envisageait d'exercer au sein de la société Sema Group Telecom moins de cinq ans après la cessation des fonctions qu'il occupait dans l'armée avec le grade de capitaine de vaisseau n'était pas compatible avec les dispositions de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972 ;
Considérant que la décision attaquée constitue une décision individuelle défavorable qui impose des sujétions à M. X... ; qu'elle entre, par suite, dans le champ des décisions administratives individuelles qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en l'espèce la décision prise à l'égard de M. X... se réfère à l'avis, qu'elle cite intégralement, retenu par la commission, instituée à l'article 3 du décret du 11 janvier 1996, qui énonce lui-même les considérations de droit et de fait qui en sont le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;
Considérant que la circonstance que les dispositions de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972, dans la rédaction que leur a donnée la loi n° 94-530 du 28 juin 1994, sont entrées en vigueur après l'engagement de M. X... dans l'armée ne fait pas obstacle à leur application à l'intéressé, qui, en tant que militaire de carrière, est placé dans une position légale et réglementaire ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972 : "Conformément aux dispositions du code pénal, les militaires de carrière ne peuvent avoir par eux-mêmes ou par personne interposée, sous quelque forme que ce soit, tant qu'ils sont en activité et pendant un délai de cinq ans à compter de la cessation des fonctions, dans les entreprises soumises à leur surveillance ou à leur contrôle ou avec laquelle ils ont négocié des contrats de toute nature, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1996 susvisé : "Sont tenus d'informer sans délai par écrit l'administration militaire de la nature de l'activité privée lucrative qu'ils se proposent d'exercer ... les militaires qui, dans les cinq ans précédant leur cessation de fonctions, ont été soit désignés comme responsables de marchés ou pour siéger à la commission centrale ou dans l'une des commissions spécialisées des marchés, soit chargés de négocier des contrats avec des entreprises, soit d'exprimer un avis sur de tels contrats ou sur les opérations effectuées par des entreprises" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 432-13 du code pénal : "Est puni ( ...) le fait, pour une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire public ou agent ou préposé d'une administration publique, à raison même de sa fonction, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée, soit d'exprimer son avis sur les opérations effectuées par une entreprise privée, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la cessation de cette fonction" ; qu'il résulte clairement de la combinaison des dispositions précitées de l'article 432-13 du code pénal, de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972, dans sa rédaction issue de la loi no 94-530 du 28 juin 1994, qui fait lui-même référence aux dispositions précitées du code pénal, et de l'article 1er précité du décret du 11 janvier 1996 que, sans qu'il soit nécessaire de se référer aux travaux préparatoires de la loi du 28 juin 1994, le militaire de carrière ne peut, pendant un délai de cinq ans à compter de la cessation de ses fonctions, exercer une activité lucrative dans une entreprise qui a présenté une offre de contrat sur le mérite de laquelle s'est prononcée une commission d'appel d'offres à laquelle l'intéressé a participé ; qu'il est constant que M. X... a, dans l'exercice de ses fonctions au ministère de la défense, participé à une commission d'appel d'offres qui a retenu l'offre que présentait la société Sema Group Telecom ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le ministre de la défense a, par la décision du 12 mai 2000 attaquée, constaté l'incompatibilité de l'exercice par M. X... d'activités lucratives au sein de la société Sema Group Telecom, pendant un délai de cinq ans à compter de la cessation de ses fonctions au ministère de la défense, avec les dispositions de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 12 mai 2000 du ministre de la défense ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser, sur le terrain de la faute, du préjudice que lui aurait causé cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Christian X... et au ministre de la défense.