Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 3 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Luc X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 6 février 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, après avoir constaté le non-lieu motivé par les dégrèvements prononcés en cours d'instance, rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation 1°) du jugement n° 94-3188 du 3 mars 1998 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 à 1989, 2°) du jugement n° 94-3187 du 26 mars 1998 du même tribunal rejetant sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 1987 au 31 décembre 1989 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Le Roy, Conseiller d'Etat-;
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. X..., - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête relatives à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1987 :
Considérant que, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 3 mars 1998, rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge pour les années 1987 à 1989, M. X... soutenait que, pour l'année 1987 comme pour les années 1988 et 1989, la procédure d'évaluation d'office de ses bénéfices industriels et commerciaux, pour défaut de déclaration dans les délais légaux, était irrégulière, faute pour l'administration d'avoir justifié de la notification des mises en demeure prévues par les articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales ; que la cour a rejeté l'appel formé devant elle sans se prononcer, pour l'année 1987, sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, M. X... est fondé pour ce seul motif à demander l'annulation de l'arrêt du 6 février 2001 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a rejeté sa demande relative à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en ce qui concerne les conclusions susanalysées ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 73-1° et L. 68 du livre des procédures fiscales, peut être évalué d'office le bénéfice imposable d'un contribuable relevant du régime de bénéfice réel qui perçoit des revenus provenant d'entreprises commerciales lorsque la déclaration des résultats n'a pas été déposée dans le délai légal et que le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours d'une première mise en demeure ; qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui n'avait pas souscrit dans le délai légal, au titre de l'année 1987, la déclaration de résultats prévue par l'article L. 73-1° du livre des procédures fiscales, a reçu le 13 juin 1988 une première mise en demeure, suivie d'ailleurs d'une deuxième mise en demeure dont il a accusé réception le 1er septembre 1988, et n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de ces mises en demeure ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la procédure d'évaluation d'office qui lui a été appliquée au titre de l'année 1987 était irrégulière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'aucune cotisation primitive d'impôt sur le revenu n'a été établie au titre de l'année 1987 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de prise en compte d'une telle cotisation pour l'établissement du redressement litigieux manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, que pour évaluer le bénéfice imposable au titre de l'année 1987, l'administration a admis le bien-fondé de l'intégralité des charges déclarées par le contribuable ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas tenu compte des frais réellement exposés par lui ne peut être accueilli ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré, à l'appui des conclusions dirigées contre les pénalités appliquées en vertu des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, de ce que le défaut de souscription dans les délais prévus par les articles L. 73-1° et L. 68 du livre des procédures fiscales de la déclaration des résultats de l'année 1987 ne serait pas établi, doit être rejeté par voie de conséquence de ce qui a été dit ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1987 ;
Sur les conclusions de la requête relatives à l'impôt sur le revenu au titre des années 1988 et 1989 :
Considérant, qu'en se fondant, pour juger que le moyen tiré, à l'appui des conclusions dirigées contre les cotisations litigieuses d'impôt sur le revenu au titre des années 1988 et 1989, de ce que le vérificateur avait réintégré à tort une partie des charges déduites de son résultat imposable, n'était pas assorti des précisions permettant de l'examiner utilement, sur ce que le requérant se bornait à faire valoir qu'il avait présenté au vérificateur l'ensemble de ses factures et que celui-ci n'avait pas "tenu compte des frais mixtes", la cour n'a pas omis de se prononcer sur les éléments de preuve qui lui étaient fournis, et a suffisamment motivé son arrêt ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre des années 1988 et 1989 ;
Sur les conclusions de la requête relatives à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que pour juger que le contribuable n'établissait pas que certains de ses crédits bancaires avaient été inclus à tort dans ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée arrêtées pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989, la cour a porté sur la valeur probante des pièces qui lui étaient soumises une appréciation souveraine exempte de dénaturation et qui n'est par suite pas susceptible d'être discutée en cassation, sous la seule réserve du versement d'indemnités reçues pour un montant de 24 555 F d'un cabinet d'assurances en remboursement de deux sinistres ; que la cour n'a pu, sans la dénaturer, juger non probante l'attestation de ce versement datée du 9 octobre 1996 produite devant elle par le requérant ; que, par suite, M. X... est, dans cette seule mesure, fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (.) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'attestation datée du 9 octobre 1996 d'un cabinet d'assurances, que la somme de 24 555 F, que l'administration a réintégrée dans les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de M. X... au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989, correspond au montant de deux indemnités reçues en remboursement de deux sinistres ; qu'en vertu de l'article 256 du code général des impôts, de telles indemnités ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en réduction des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de ladite période à raison dudit versement ; qu'il y a lieu d'accorder à M. X... cette réduction et de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;
Article 1er : L'arrêt en date du 6 février 2001 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il a statué sur les demandes de M. X... relatives, d'une part, au supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987, d'autre part, aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989 à raison de la réintégration dans le chiffre d'affaires taxable d'une somme de 24 555 F.
Article 2 : Il est accordé à M. X... décharge de la différence entre le montant des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989 et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement en date du 26 mars 1998 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. X... devant la cour administrative d'appel de Douai et de ses conclusions devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Luc X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.