Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COFADIS, dont le siège est ... à La Seyne-sur-mer (83500), représentée par son gérant en exercice; la SOCIETE COFADIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 novembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part, annulé les articles 1, 2, 3 et 4 du jugement du 6 février 1997 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a accordé à la requérante la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1985 à 1989, d'autre part, rétabli la SOCIETE COFADIS au rôle de l'impôt sur les sociétés dans l'intégralité des impositions déchargées, en droits et pénalités, par ledit jugement ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Le Roy, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE COFADIS,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête relatives à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1985 à 1989 :
En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération et de la réduction d'impôt sur les sociétés prévues par les articles 44 bis et 44 quater du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues à l'article 44 bis II, 2° et 3°, et III, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montantà ; et qu'en vertu du III de l'article 44 bis du même code auquel renvoie l'article 44 quater, l'exonération ou la réduction d'impôt prévue par ce dernier texte ne peut être accordée aux "entreprises créées dans le cadre d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités" ;
Considérant, en premier lieu, qu'en relevant, pour juger que le bénéfice des dispositions précitées avait été refusé à bon droit à la SOCIETE COFADIS, que cette société créée le 28 juin 1984, et la société préexistante Morel avaient un objet social qui n'était pas différent et une activité partiellement identique d'importation et de commercialisation de produits en matière plastique et qui s'exerçait partiellement par l'une pour le compte de l'autre, la cour administrative d'appel, qui, contrairement à ce que soutient la requérante ne s'est pas bornée à apprécier l'identité des activités visées par l'objet social des deux sociétés mais a retenu l'activité effectivement exercée par chacune d'elles, a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêt attaqué relève également souverainement que la société Morel a assuré l'essentiel de la charge de fonctionnement de la SOCIETE COFADIS, dont les associés, tous trois fils de l'associé majoritaire de la société Morel, étaient en même temps des associés ou des cadres dirigeants de cette dernière ; qu'en déduisant de l'ensemble de ces circonstances que la SOCIETE COFADIS devait être regardée comme une entreprise créée dans le cadre d'une restructuration d'activités préexistantes au sens du III- 2° de l'article 44 bis du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a donné une exacte qualification juridique des faits soumis à son examen ; que la SOCIETE COFADIS ne peut utilement critiquer le motif surabondant de l'arrêt tiré de ce qu'elle devrait être également regardée, compte tenu de ces circonstances, comme créée pour la reprise d'activités préexistantes au sens des mêmes dispositions du même article du code ; qu'ayant ainsi jugé mal fondées les prétentions de la SOCIETE COFADIS à bénéficier du régime d'imposition prévu par les articles 44 bis et 44 quater précités, la cour a pu, sans erreur de droit, écarter le moyen inopérant tiré par la société de ce que les impositions supplémentaires mises à sa charge auraient été établies par l'administration en méconnaissance des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, relatives à l'abus de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE COFADIS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a annulé le jugement en date du 6 février 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice lui avait accordé le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions des articles 44 bis et 44 quater du code général des impôts ;
En ce qui concerne la réintégration de commissions versées à un intermédiaire pour des opérations d'importation :
Considérant que la SOCIETE COFADIS avait expressément présenté, devant la cour administrative d'appel de Marseille, des conclusions tendant à ce que soient déduites de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 1988, les commissions versées à la société Antonio's Import Export en rémunération de ses interventions pour l'importation de marchandises en provenance de l'Asie du Sud-Est, et à ce que soit réformé en ce sens le jugement attaqué ; qu'en écartant comme irrecevable la demande incidente de la SOCIETE COFADIS relative à ces commissions, au motif qu'elle n'était assortie d'aucune conclusion dirigée contre ledit jugement ni d'aucune conclusion en décharge ou en déduction, la cour a dénaturé les écritures de la requérante ; que, par suite, la SOCIETE COFADIS est fondée à demander l'annulation sur ce point de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts, notamment des articles 39-1, 54, 238 et 240 que le droit de déduire des commissions versées à des intermédiaires à l'occasion d'opérations commerciales est subordonné à la double condition que ces sommes aient été régulièrement déclarées et soient justifiées dans leur principe et leur montant ; que si la SOCIETE COFADIS produit divers courriers émanant de la société Antonio's Import-Export, ainsi que l'avis de virement bancaire du versement desdites commissions au représentant de la société à Manille, ces documents se rapportent en tout état de cause à des dépenses exposées au cours d'années antérieures à l'année 1988 au titre de laquelle le redressement litigieux est intervenu ; que la société ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des décisions prises par l'administration sur le caractère déductible de commissions de même nature versées par la société requérante à d'autres intermédiaires, ou perçues par elle de la part de sociétés tierces ; qu'ainsi la SOCIETE COFADIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a jugé que les commissions en cause n'étaient pas déductibles de ses résultats imposables au titre de l'exercice clos en 1988 ;
Sur les conclusions relatives aux pénalités :
Considérant que dans ses écritures tant devant le tribunal administratif que devant la cour, la société a assorti ses conclusions tendant à la décharge des pénalités dont avaient été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés contestés pour l'ensemble des années en litige d'une argumentation tirée de ce que l'administration n'établissait pas sa mauvaise foi en se bornant à faire valoir qu'elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du régime de faveur consenti aux entreprises nouvelles ; que, toutefois la cour a d'une part fait droit à la demande du ministre de remettre à sa charge l'intégralité des pénalités dont la décharge lui avait été accordée par le jugement attaqué, sans se prononcer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, d'autre part, rejeté les conclusions incidentes de la société tendant à la décharge des pénalités maintenues par le jugement attaqué en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés laissés à sa charge au titre de l'exercice clos en 1988, au motif que ces conclusions n'étaient assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'elle a ainsi dénaturé les écritures qui lui étaient soumises et omis de répondre à tous les moyens dont elle était saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel ; que, par suite, la société est également fondée à demander l'annulation de son arrêt sur ce point ; qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'en se bornant à se prévaloir de ce que la contribuable ne pouvait de bonne foi ignorer qu'elle ne remplissait pas les conditions du bénéfice de l'exonération et de la réduction d'impôt sur les sociétés prévues par les dispositions des articles 44 bis et 44 quater du code général des impôts, l'administration n'établit pas la mauvaise foi de l'intéressée en ce qui concerne les redressements notifiés au titre de ces dispositions, que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accordé à la SOCIETE COFADIS la décharge des pénalités pour mauvaise foi qui lui ont été appliquées au titre des années 1985, 1986, 1987 et 1989 à raison des redressements en cause ; que la SOCIETE COFADIS est fondée à soutenir, par la voie du recours incident, que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des pénalités pour mauvaise foi qui lui ont été appliquées à raison du même chef de redressement au titre de l'année 1988 ; qu'il y a lieu d'accorder à la SOCIETE COFADIS la décharge desdites pénalités ;
Sur les conclusions relatives à la retenue à la source au titre des exercices clos en 1987 et 1988 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE COFADIS a saisi la cour, par la voie du recours incident, de conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci avait rejeté ses conclusions relatives à la retenue à la source sur les revenus réputés distribués à des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987 et 1988 ; qu'il est constant que la cour a omis d'y statuer, que, par suite, la SOCIETE COFADIS est également fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que l'appel du ministre n'est dirigé contre le jugement attaqué qu'en tant que celui-ci statue sur les conclusions de la société relatives à l'impôt sur les sociétés ; que les conclusions incidentes de la société sont dirigées contre le même jugement en tant qu'il statue sur les redressements mis à sa charge en matière de retenue à la source sur les revenus réputés distribués à des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France, en application des dispositions combinées des articles 109, 111 et 119 bis du code général des impôts ; que ces conclusions, présentées dans des mémoires enregistrés les 5 avril et 25 octobre 2000, après l'expiration du délai dont disposait la contribuable pour former un appel principal contre le jugement dont elle avait reçu notification le 24 février 1997, sont relatives à un impôt différent de ceux qui ont fait l'objet de l'appel du ministre et ne sont, par suite, pas recevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE COFADIS une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt en date du 20 novembre 2000 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la SOCIETE COFADIS a été assujettie à raison de la réintégration de commissions versées à des intermédiaires au titre de l'exercice clos en 1988, sur les pénalités pour mauvaise foi dont ont été assortis les redressements résultant au titre des exercices clos de 1985 à 1989 de la remise en cause du régime de faveur consenti aux entreprises nouvelles, sur la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987 et 1988.
Article 2 : La société COFADIS est déchargée des pénalités pour mauvaise foi auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1985 à 1989, à raison de redressements à l'impôt sur les sociétés résultant de la mise en cause du régime de faveur consenti aux entreprises nouvelles.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE COFADIS, de son appel incident devant la cour administrative d'appel de Marseille et de sa demande devant le tribunal administratif de Nice, ainsi que le surplus de l'appel du ministre de l'économie et des finances devant la cour administrative de Marseille, sont rejetés.
Article 4 : Le jugement en date du 6 février 1997 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : L'Etat versera à la SOCIETE COFADIS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COFADIS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.