Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai 2001 et 1er octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Catherine X..., ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé les jugements des 26 mars 1998 et 7 juillet 1999 du tribunal administratif de Lyon et a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du maire de Châtillon-en-Michaille du 9 octobre 1998 prononçant son licenciement ;
2°) de condamner la commune de Châtillon-en-Michaille à verser à la SCP Bachellier-Potier de la Varde la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme Catherine X... et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Châtillon-en-Michaille,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X..., agent de police municipale nommée sur un emploi à temps non complet à raison de 24 heures par semaine, a été licenciée pour inaptitude physique définitive par arrêté du maire de Châtillon-en-Michaille du 26 décembre 1995 ; que cet arrêté ayant été annulé pour irrégularité de procédure par jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 26 mars 1998, l'intéressée a été réintégrée dans ses fonctions ; que, toutefois, le maire a, par arrêté du 9 octobre 1998, licencié à nouveau Mme X..., pour le même motif, à compter du 4 avril 1996 ; que ce second arrêté a été à son tour annulé par jugement du 7 juillet 1999 ; que Mme X... se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 7 juillet 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé les deux jugements susmentionnés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 108 de la loi du 26 janvier 1984 tel que modifié par la loi du 27 décembre 1994 : "Les fonctionnaires nommés dans des emplois permanents à temps non complet qui sont employés par une ou plusieurs collectivités ou établissements pendant une durée supérieure ou égale à la moitié de la durée légale du travail des fonctionnaires territoriaux à temps complet sont intégrés dans les cadres d'emploi. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'intégration de ces fonctionnaires dans la fonction publique de l'Etat" ; qu'aux termes de l'article 107 de la même loi : "Le fonctionnaire nommé dans un emploi à temps non complet doit être affilié à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, s'il consacre à son service un nombre minimal d'heures de travail fixé par délibération de cette caisse" ;
Considérant qu'aux termes d'une part, de l'article 40 du décret du 20 mars 1991 susvisé : "A l'expiration de ses droits à congé de maladie ou de grave maladie, le fonctionnaire temporairement inapte pour raison de santé à reprendre son service est placé dans la position de disponibilité dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 19 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 susvisé", et d'autre part, de l'article 41 du même décret : "Le fonctionnaire qui est définitivement inapte physiquement à l'exercice de ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, ( ...) ou de la période de disponibilité accordée au titre de l'article 40 ci-dessus et qui ne peut être reclassé en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé est licencié" ; que ces deux articles sont applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet qui, intégrés dans un cadre d'emplois en application de l'article 108 précité de la loi du 26 janvier 1984, ne sont pas affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales en application de l'article 107 précité de la même loi ;
Considérant que l'avis du comité départemental du 19 décembre 1995 et le rapport médical déposé au terme de l'expertise ordonnée le 27 mars 1997 par le tribunal administratif de Lyon ont conclu à l'inaptitude physique définitive de Mme X... à l'exercice de ses fonctions sans indiquer que son état physique lui interdisait d'exercer toute activité dans la fonction publique territoriale ; qu'au surplus, il ressort de l'avis du comité médical départemental du 25 janvier 2000 qu'un reclassement était proposé par le comité pour Mme X... qui en avait fait la demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1985 susvisé : "Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984" ; que, dès lors que les avis médicaux antérieurs à l'arrêté de licenciement du 9 octobre 1998 n'avaient pas exclu toute possibilité de reclassement, le maire de Châtillon-en-Michaille ne pouvait, sans méconnaître ces dispositions, licencier Mme X... sans lui avoir proposé préalablement soit un détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, soit le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; que, dès lors, Mme X... est fondée à soutenir qu'en jugeant par l'arrêt attaqué en date du 26 juin 2000 que le maire de Châtillon-en-Michaille n'était pas tenu de lui proposer un reclassement, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que si l'article 37 du décret du 30 juillet 1987 prévoit la consultation de la commission de réforme préalablement à l'admission d'office à la retraite, ces dispositions ne sont pas applicables au cas de Mme X... qui n'a pas été placée d'office à la retraite mais a été licenciée pour inaptitude physique ; qu'ainsi, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que les jugements des 26 mars 1998 et 7 juillet 1999 du tribunal administratif de Lyon se sont fondés sur la prétendue violation des dispositions du décret du 30 juillet 1987 pour annuler les arrêtés de licenciement du 26 décembre 1995 et 26 mars 1998 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par Mme X... devant le tribunal administratif ;
Considérant que, comme il a été dit précédemment, le maire de Châtillon-en-Michaille ne pouvait licencier Mme X... sans lui avoir proposé préalablement soit un détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, soit le bénéfice d'un reclassement ; qu'ainsi, la commune de Châtillon-en-Michaille n'est pas fondée à se plaindre de l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 1995 et des articles 2 et 4 de l'arrêté du 26 mars 1998 par les jugements attaqués ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que si Mme X... demande la condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice subi, ces conclusions sont dépourvues de précision permettant d'en apprécier la portée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que l'article 43 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les mêmes conditions, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que : " ( ...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant que la SCP Bachellier-Potier de la Varde, avocat de Mme X... a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir les conclusions de la requête tendant à la condamnation de la commune de Châtillon-en-Michaille, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à la SCP Bachellier-Potier de la Varde la somme de 2 200 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Article 1er : L'arrêt du 26 juin 2000 de la cour administrative de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête de la commune de Châtillon-en-Michaille devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : La commune de Châtillon-en-Michaille versera à la SCP Bachellier-Potier de la Varde une somme de 2 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Catherine X..., à la commune de Châtillon-en-Michaille et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.