Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 juillet 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. Mohamed X...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par M. X... :
Considérant que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE POLICE le 31 décembre 2001 ; que, par suite, l'appel du préfet, enregistré le 30 janvier 2002, a été formé dans le délai d'un mois imparti par le IV de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que la requête a été signée par M. Pascal Y..., adjoint au chef des affaires juridiques et du contentieux, qui disposait d'une délégation de signature du PREFET DE POLICE par arrêté du 9 avril 2001 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 13 avril 2001 ; qu'il suit de là que la requête d'appel du PREFET DE POLICE est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite attaqué :
Considérant que, pour annuler l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 23 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X..., le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ne s'est pas fondé sur l'illégalité dont cet arrêté serait entaché au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques encourus par le requérant en cas de retour en Algérie, mais a fait droit à l'exception invoquée par M. X... et tirée de ce que la décision du préfet lui refusant un titre de séjour méconnaîtrait les stipulations dudit article 3 ;
Considérant que si M. X... soutient être exposé à des risques graves en cas de retour en Algérie, en se fondant notamment sur des attestations émanant du ministre de l'intérieur algérien faisant état d'attentats dont auraient été victimes en 1993 des membres de sa famille, ces pièces ne sauraient se voir reconnaître un caractère probant en raison, d'une part, des contradictions qui ressortent des allégations du requérant, lequel a successivement affirmé à propos de l'une de ces victimes qu'il s'agissait de son cousin puis de son frère, et d'autre part, du retour de l'intéressé en Algérie de 1996 à 1999 ; qu'il suit de là que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif susrappelé pour annuler l'arrêté contesté ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que M. X... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 26 juin 2001 refusant son admission au séjour ; qu'il était ainsi dans le cas où, sur le fondement du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière ; qu'ainsi et alors même qu'il a été rédigé à l'aide d'un formulaire, il répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant que M. Pierre Z..., chargé de mission auprès du directeur de la police générale, qui a signé l'arrêté de reconduite contesté, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DE POLICE en date du 9 avril 2001 régulièrement publiée au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 13 avril 2001 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que M. Z... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté de reconduite attaqué ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il est entré en dernier lieu en France en octobre 1999 et qu'il a deux enfants nés en France en 2000 et 2002, il ressort des pièces du dossier qu'il a également un enfant né en Algérie et y résidant, et que son épouse de nationalité algérienne, elle-même en situation irrégulière en France, où elle est entrée en 2000, fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que, dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de toute circonstance mettant M. X... et Mme X... dans l'impossibilité d'emmener leurs deux enfants avec eux, la mesure prise à l'égard de M. X... ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les attestations produites par M. X... ne suffisent pas à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision du 31 juillet 2001 par laquelle le PREFET DE POLICE a ordonné la reconduite vers son pays d'origine de l'intéressé, dont la demande tendant à obtenir le bénéfice de l'admission à l'asile territorial a d'ailleurs été rejetée par décision en date du 7 mars 2001 du ministre de l'intérieur, n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 23 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et désignant l'Algérie comme pays de renvoi ;
Article 1er : Le jugement du 23 novembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mohamed X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.