Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 novembre 2001, présentée par Mme Yamina X... épouse Y..., ; Mme X... épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2001 du préfet de la Marne ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention franco-algérienne en date du 27 décembre 1968 et son protocole annexe modifié par avenant du 27 décembre 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ....) 3°) Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ....)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 septembre 2001, de la décision du 12 septembre 2001 du préfet de la Marne lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du 23 août 2001 refusant le bénéfice de l'asile territorial :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X..., épouse Y... excipe de l'illégalité de la décision du 23 août 2001 du ministre de l'intérieur lui refusant l'asile territorial ; qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile aux termes desquels : "Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (.)" ;
Considérant que si Mme X... soutient qu'elle a fait l'objet, en Algérie, de menaces personnelles émanant d'un groupement terroriste, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'Intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder le bénéfice de l'asile territorial ; que, par suite, et alors même que Mme X... épouse Y... ne serait pas venue en France dans le but de participer à de activités illégales, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal en raison de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur refusant de lui accorder l'asile territorial ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X... épouse Y... fait valoir qu'une partie de sa famille réside en France, que certains de ses frères et soeurs sont de nationalité française et qu'elle n'entretient presque aucune relation avec sa famille restée en Algérie, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, âgée de 28 ans à la date de l'arrêté attaqué, n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside encore son mari ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard à la durée et aux conditions de séjour de Mme X... épouse Y... en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X... épouse Y... fait valoir qu'elle est parfaitement intégrée à la société française ; qu'elle a fait ses études en France ; qu'elle parle et écrit couramment le français et qu'elle a déjà, étant mineure, séjourné en France plus de dix ans ; que ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "(.) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950" ;
Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 23 octobre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... épouse Y... doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le préfet de la Marne a décidé que l'intéressée serait éloignée à destination de son pays d'origine ; que si Mme X... épouse Y... soutient qu'elle court des risques personnels en cas de retour en Algérie, elle n'apporte pas d'élément permettant d'établir la réalité des risques allégués ; que, par suite, le préfet de la Marne a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, fixer l'Algérie comme pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X..., épouse Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de Mme X... épouse Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Yamina X... épouse Y..., au préfet de la Marne et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.