Vu 1°, sous le n° 185632, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février 1997 et 17 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., demeurant Résidence Plein Ciel, bât. C à Fos-sur-mer (13230) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il annule l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 novembre 1992 déclarant que la limite entre les communes de Fos-sur-mer et Port-Saint-Louis du Rhône est constituée par la ligne reliant les points B et A2 déterminés par le rapport d'expertise demandé par ce tribunal, et en tant qu'il déclare que cette limite est constituée par la ligne reliant les points B et A1 déterminés par ledit rapport ;
2°) statuant au fond, de déclarer que la limite entre les communes de Fos-sur-mer et Port-Saint-Louis du Rhône est constituée par la ligne reliant les points B et A2 déterminés par le rapport d'expertise ;
Vu 2°, sous le n° 185633, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février 1997 et 17 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 93LY00114 du 5 décembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer l'intégralité du préjudice résultant de l'interdiction d'exercer son activité de conduite en douane des navires sur les postes 871 et 872 du quai de Brûle-Tabac du port de Fos-sur-Mer ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi du 28 mars 1904 érigeant en municipalité distincte une portion du territoire distraite des communes d'Arles et de Fos-sur-Mer ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. Pierre X..., de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de la commune de Port-Saint-Louis, et de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... demande l'annulation de l'arrêt du 5 décembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a fixé la limite entre les communes de Port-Saint-Louis du Rhône et de Fos-sur-Mer selon la ligne reliant les points B et A1 indiqués dans le rapport d'expertise demandé par ce tribunal ; que M. X... demande également l'annulation d'un autre arrêt de la même date par lequel la cour administrative d'appel a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat l'indemnise du préjudice résultant de ce que, l'administration ayant estimé à tort que les postes 871 et 872 du quai de Brûle-Tabac étaient situés dans la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, il a été illégalement privé de la possibilité d'exercer son activité de conduite en douane sur ces postes depuis le 17 décembre 1985 ; que ces requêtes présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 185632 relative à la délimitation des communes :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que la commune de Port-Saint-Louis du Rhône a été érigée en commune distincte par la loi du 28 mars 1904 ; que le dossier soumis aux juges du fond comprenait deux plans à la même échelle de 1/80 000ème examinés lors de la procédure législative, l'un, aujourd'hui déposé aux Archives nationales, signé par le président de la Chambre des Députés, et l'autre, déposé aux archives départementales des Bouches-du-Rhône, signé par le président du Sénat, chacun de ces deux plans comportant une attestation signée du chef de cabinet du président du Conseil indiquant qu'il avait également été adopté par l'autre Chambre du Parlement ; que ces deux plans doivent dès lors être regardés comme ayant été tous deux adoptés en même temps que le texte de la loi du 28 mars 1904 ; que par suite, en jugeant que les plans déposés aux archives départementales des Bouches-du-Rhône étaient de simples documents préparatoires à la loi, alors que figurait parmi ces plans l'un de ceux qui avaient été adoptés par le législateur, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il est constant que les deux plans adoptés par le Parlement contiennent des tracés différents et que le plan déposé aux Archives nationales comporte des indications manuscrites relatives aux limites de la commune de Port-Saint-Louis du Rhône qui sont absentes du plan déposé aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône ; qu'eu égard aux contradictions qui entachent ces plans, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de se reporter aux travaux préparatoires de la loi du 28 mars 1904 ;
Considérant que les mentions manuscrites figurant sur le plan déposé aux Archives nationales indiquent que la limite entre Port-Saint-Louis-du-Rhône et Fos-sur-Mer relie, dans la zone en cause, le Grau du Lièvre à l'extrémité nord de la digue de Brûle-Tabac (avant-port du canal Saint-Louis) à travers l'étang de Gloria ; qu'il résulte de l'instruction que le rédacteur de ces indications s'est fondé, pour les rédiger, sur un plan au 1/5000ème, contenu dans le dossier établi par le ministre de l'intérieur, qui retenait comme limite entre les deux communes la séparation entre la 4ème et la 5ème feuille de la section F du cadastre de Fos-sur-Mer ; qu'il est constant que sur ce plan, la digue de Brûle-Tabac n'est dessinée que partiellement, jusqu'à la limite entre les deux communes, la partie nord de cette digue, située sur la commune de Fos-sur-Mer, n'étant pas figurée ; que c'est, par suite, par une erreur matérielle que le rédacteur des indications précitées a indiqué que la limite entre les deux communes rejoignait, dans ladite zone, l'extrémité nord de la digue de Brûle-Tabac ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le législateur a entendu fixer la limite entre Port-Saint-Louis-du-Rhône et Fos-sur-Mer à la séparation entre la 4ème et la 5ème feuille de la section F du cadastre de Fos-sur-Mer ; qu'il est constant que cette ligne est celle qui relie les points B et A2 déterminés par l'expert désigné par le tribunal administratif ; que par suite, la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 17 novembre 1992 par lequel ce tribunal a déclaré que la limite entre les deux communes était constituée par la ligne reliant ces deux points ;
Sur la requête n° 185633 relative aux conclusions indemnitaires de M. X... :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les postes 871 et 872 du quai de Brûle-Tabac sont situés sur le territoire de la commune de Fos-sur-Mer ; que par suite, en jugeant que ces postes étaient situés sur le territoire de la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de fait ; que cet arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 74 du code de commerce, alors en vigueur : La loi reconnaît, pour les actes de commerce, des agents intermédiaires, savoir : les agents de change et les courtiers. Il y en a dans toutes les villes qui ont une bourse de commerce ; que l'article 80 du même code dispose que les courtiers interprètes et conducteurs de navires font le courtage des affrètements ; ils ont, en outre, seuls le droit de traduire, en cas de contestations portées devant les tribunaux, les déclarations, chartes-parties, connaissements, contrats, et tous actes de commerce dont la traduction serait nécessaire ; enfin, de constater le cours du fret ou du nolis. Dans les affaires contentieuses de commerce, et pour le service des douanes, ils serviront seuls de truchement à tous étrangers, maîtres de navire, marchands, équipages de vaisseau et autres personnes de mer ; qu'il résulte de ces dispositions que les courtiers interprètes et conducteurs de navires bénéficient d'un monopole pour la conduite en douane des navires accostés sur le territoire de leur commune d'implantation ;
Considérant que M. Pierre X... a été nommé courtier interprète et conducteur de navire à Fos-sur-Mer par arrêté en date du 2 février 1976 ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, les postes 871 et 872 du quai de Brûle-Tabac sont situés sur le territoire de la commune de Fos-sur-Mer ; que par suite, en refusant à l'intéressé, à compter du 17 octobre 1985, la possibilité de réaliser la conduite en douane des navires accostés sur ces deux postes, l'administration a pris une décision entachée d'illégalité ; que cette illégalité, qui ne se rattache pas, contrairement à ce que soutient le ministre, aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il suit de là que le ministre du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par M. X... du fait de l'impossibilité dans laquelle celui-ci a été mis d'exercer la conduite en douane des navires accostés sur les postes 871 et 872 du quai de Brûle-Tabac à compter du 17 octobre 1985 ;
Considérant que si M. X... demande au Conseil d'Etat, en cas de règlement de l'affaire au fond, après cassation, de statuer sur le montant du préjudice subi, ces conclusions ne sauraient être accueillies dès lors que le tribunal administratif de Marseille s'est borné à statuer par le jugement attaqué sur le principe de la responsabilité de l'Etat et qu'il s'est prononcé sur le montant du préjudice par un jugement en date du 24 juin 1997, frappé d'appel devant la cour administrative d'appel de Marseille, à laquelle il appartiendra de tirer les conséquences de la présente décision en statuant dans cette dernière instance ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat et la commune de Port-Saint-Louis du Rhône à payer chacun à ce titre à M. X... la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts susvisés du 5 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation des jugements du 17 novembre 1992 du tribunal administratif de Marseille sont rejetées.
Article 3 : L'Etat et la commune de Port-Saint-Louis du Rhône sont condamnés à payer chacun à M. X... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X..., à la commune de Fos-sur-Mer, à la commune de Port-Saint-Louis du Rhône, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.