Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 8 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1() d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 12 novembre 1998 par lequel celle-ci a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia condamnant l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Corse à lui verser la somme de 104 439,35 F avec les intérêts de droit au titre des heures complémentaires d'enseignement qu'il a effectuées dans cet établissement ;
2() d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l'administration sur sa réclamation tendant au versement de cette somme et à la condamnation de l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse à lui verser ladite somme, avec les intérêts de droit et leur capitalisation, sous astreinte d'une somme de 1 000 F par jour de retard ;
3() de condamner l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse à lui verser la somme de 15 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n( 90-867 du 28 septembre 1990 ;
Vu le décret n( 93-461 du 25 mars 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pignerol, Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'institut universitaire de formation des maîtres,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un jugement en date du 16 janvier 1996, le tribunal administratif de Bastia a alloué à M. X..., professeur agrégé de mathématiques affecté à l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse, une indemnité de 62 641,36 F correspondant au paiement d'heures complémentaires effectuées pendant les années 1992-1993 et 1993-1994, dont le nombre n'était pas contesté par l'institut universitaire de formation des maîtres ; que, pour calculer l'indemnité due, les premiers juges ont estimé, en se fondant sur les décomptes présentés par M. X..., qu'une partie de ces heures complémentaires correspondaient à des cours magistraux et devaient être rémunérées selon le coefficient en vigueur pour ce type de cours ; que, saisie par l'institut universitaire de formation des maîtres d'un appel tendant à ce que l'indemnité due soit calculée sur la base du coefficient en vigueur pour les travaux dirigés et non pour les cours magistraux, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt en date du 12 novembre 1998, rejeté la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Bastia ; qu'en n'indiquant pas les motifs qui la conduisaient à rejeter la totalité de la demande de M. X..., alors qu'il n'était pas contesté que le paiement d'heures supplémentaires, au moins au taux des travaux dirigés, lui était dû, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas légalement motivé sa décision ; que son arrêt doit dès lors être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (.) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 17 du décret du 18 septembre 1990 le directeur d'un institut universitaire de formation des maîtres "a autorité sur l'ensemble des personnels de l'établissement et nomme à toutes les fonctions pour lesquelles aucune autre autorité n'a reçu de pouvoir de nomination (et) répartit les services après avis des équipes pédagogiques" et, d'autre part, qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 2 du décret du 25 mars 1993, s'agissant des enseignants titulaires ou stagiaires en poste dans un établissement d'enseignement supérieur : "Dans le cas particulier où des cours magistraux leurs sont confiés, ceux-ci sont pris en compte, pour le calcul du service d'enseignement (.) à raison d'une heure et demie pour une heure d'enseignement effective" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un enseignant du second degré ne dispense de cours magistraux au sein d'un institut universitaire de formation des maîtres que sur décision du chef d'établissement de lui faire assurer de tels cours ; qu'il résulte des pièces du dossier, notamment de la note de service du 20 octobre 1992 du directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse relative au décompte de service, que sur la période 1992-1993 et 1993-1994 le directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres n'a pas entendu confier aux enseignants du second degré en poste à l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse des heures de cours magistral ; qu'il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier que les enseignements effectivement confiés à M. X... au cours de cette période ont présenté le caractère de cours magistraux ;
Considérant que les enseignants du secondaire qui effectuent leur service dans un établissement public d'enseignement supérieur ne se trouvent pas dans la même situation que les maîtres de conférences ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance du principe d'égalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia s'est fondé dans son jugement du 16 janvier 1996 sur la circonstance que M. X... aurait accompli des cours magistraux sur la période 1992-1993 et 1993-1994 pour le condamner à lui verser la somme de 62 641,36 F ;
Considérant en revanche qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'au titre de l'année universitaire 1992-1993 M. X... a effectué treize visites à des élèves, comptabilisées aux termes de la note de service du directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse du 20 octobre 1992 "pour une heure trentre minutes équivalent TD" et, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne la forme des enseignements dispensés, 423 heures d'enseignement soit un total de 442 heures trente minutes d'enseignement qui, compte tenu de ses obligations de services fixées en vertu de l'article 2 du décret du 25 mars 1993 à 384 heures annuelles, représentent 58,5 heures complémentaires ; d'autre part, qu'au titre de l'année universitaire 1993-1994 il a effectué dix visites d'élèves en stage et, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne la forme des enseignements dispensés, 493,5 heures d'enseignement soit un total de 508,5 heures de services qui compte tenu de ses obligations de service représentent 124,5 heures complémentaires ; qu'au titre des deux années universitaires considérées M. X... a donc droit au versement d'une somme correspondant à 183 heures complémentaires au taux de 221,74 F de l'heure soit un montant de 40 578,42 F soit 6 186,14 euros ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X... n'a pas perçu le remboursement des sommes exposées par lui au titre des frais de transport soit pour les années 1992-1993 et 1993-1994 un montant de 13 082,47 F soit 1 994,41 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... a droit au règlement des heures complémentaires effectuées et des frais de déplacement exposés par lui pour les années considérées au versement d'une somme d'un montant de 53 660,89 F soit 8 180,55 euros de laquelle il convient de déduire la provision de 40 578,42 F accordée par l'ordonnance du juge des référés de Bastia du 12 janvier 1995 ; que l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse doit en conséquence verser à M. X... la somme de 13 082,47 F soit 1 994,41 euros ; que la somme que l'institut universitaire de formation des maîtres a été condamné à lui verser par le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia doit en conséquence être ramenée à ce montant ;
Sur les intérêts :
Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette demande ; que, par suite, M. X... a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 8 180,55 euros entre le 13 décembre 1994, date à laquelle il a demandé à l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse le versement des sommes qui lui étaient dues et la date à laquelle il a perçu la provision allouée par l'ordonnance du juge des référés de Bastia, et aux intérêts légaux afférents à la somme de 1 994,41 euros à compter de cette dernière date ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : "Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière" ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X... a demandé par un mémoire du 10 février 1999 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. X... n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu de condamner l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens et, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X... à verser à l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 12 novembre 1998 est annulé.
Article 2 : L'institut universitaire de formation des maîtres de Corse versera à M. X... la somme de 1 994,41 euros au titre des années universitaires 1992-1993 et 1993-1994, assortie des intérêts légaux dans les conditions indiquées ci-dessus. Les intérêts échus à la date du 10 février 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 janvier 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus de la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Bastia, de la requête de l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse devant la cour administrative d'appel de Marseille et des conclusions de M. X... et de l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Vincent X... et à l'institut universitaire de formation des maîtres de Corse et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.