Vu la requête, enregistrée le 20 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'ordonnance du 9 juillet 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté, en application de l'article L.522-3 du code de justice administrative, sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 avril 2002 par lequel le maire de la commune de Cap d'Ail a retiré le permis de construire qui lui avait été accordé le 11 décembre 2000 en vue de l'édification d'un bâtiment à usage d'habitation ;
2°) de suspendre l'arrêté du 11 avril 2002 ;
3°) de condamner la commune de Cap d'Ail à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER et de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la commune de Cap d'Ail,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Considérant que la circonstance que la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER, dont le siège est à Boulogne (Hauts-de-Seine), a indiqué l'adresse de sa succursale de Nice lorsqu'elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre l'arrêté en date du 11 avril 2002, par lequel le maire de Cap d'Ail a retiré le permis de construire qui lui avait été accordé le 11 décembre 2000, est sans incidence sur sa qualité de partie recevable à se pourvoir en cassation contre l'ordonnance qui a rejeté cette demande ;
Sur le bien-fondé du pourvoi :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; que la décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que par arrêté en date du 11 avril 2002 le maire de Cap d'Ail a retiré le permis de construire délivré le 11 décembre 2000 à la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER pour la construction d'un immeuble à usage d'habitation comportant dix-huit logements ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision litigieuse n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que par suite, en ne regardant pas comme propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté dont la suspension était demandée, le moyen tiré de ce que le maire de Cap d'Ail ne pouvait retirer l'autorisation de construire accordée à la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER sans avoir préalablement mis l'intéressée à même de présenter ses observations, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit ; que dès lors, la société Bouygues est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le retrait du permis de construire délivré à la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER est intervenu alors que les travaux étaient en cours et que les logements correspondants étaient soit déjà vendus, soit réservés par de futurs acquéreurs ; que dans ces conditions, alors même que ce programme ne représenterait qu'une partie mineure de l'ensemble des programmes de la société requérante, la demande de référé présentée par la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER présente le caractère d'urgence requis par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
Considérant, d'autre part, que les moyens tirés de ce que la décision de retrait du permis de construire a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de ce que le maire ne pouvait, plus de quatre mois après sa signature, retirer le permis de construire initialement octroyé, dès lors que celui-ci n'avait pas été obtenu par fraude, sont propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER est fondée à demander la suspension de l'arrêté en date du 11 avril 2002 par lequel le maire de Cap d'Ail a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré le 11 décembre 2000 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
Considérant que si la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER demande la suppression, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, de certains passages du mémoire en défense produit par la commune de Cap d'Ail, ceux-ci ne présentent pas de caractère injurieux et diffamatoire ; que les conclusions de la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER tendant à leur suppression doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Cap d'Ail la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la commune de Cap d'Ail à verser à la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER la somme de 3 000 euros que celle-ci demande au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 9 juillet 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté en date du 11 avril 2002 du maire de Cap d'Ail est suspendue.
Article 3 : La commune de Cap d'Ail versera à la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Cap d'Ail tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER, à la commune de Cap d'Ail et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.