Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 14 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Azzedine X et son arrêté fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code général des impôts et notamment son article 1089 B ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Denis-Linton, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de justice administrative : l'introduction des requêtes est subordonnée à l'acquittement d'un droit de timbre dans les conditions prévues par les dispositions des articles 1089 b et 1090 A du code général des impôts et qu'aux termes de l'article R. 411-2 du même code Lorsque la formalité prévue à l'article 1089 B du code général des impôts est requise et n'a pas été respectée, la requête est irrecevable ;
Considérant que la requête d'appel du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 15 janvier 2002, ne comportait pas le timbre fiscal exigé par l'article 1089 B du code général des impôts ; que le secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat a demandé le 21 janvier 2002 en application de l'article R. 612-1 du code justice administrative, au préfet de régulariser cette formalité dans un délai de 15 jours ; qu'il ressort des dispositions de l'article R. 612-1 que l'irrecevabilité résultant de l'absence de timbre fiscal peut encore être couverte après l'expiration de ce délai ; qu'ainsi le préfet a régularisé sa requête en faisant parvenir le timbre manquant le 4 mars 2002 ; que, par suite, sa requête est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, est entré en France en juin 2001 muni d'un passeport portant un visa qui lui aurait été volé ; qu'il s'est maintenu dans de telles conditions sur le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant que le second alinéa de l'article 27 bis ajouté à l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 14 août 1993 dispose qu'un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que ce dernier texte énonce Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que si M. X fait valoir que la mesure d'éloignement a pour effet de lui faire courir des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours contre une décision qui ne désigne aucun pays de renvoi ; que dès lors le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour prononcer l'annulation de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la légalité de l'arrêté fixant le pays de destination :
Considérant qu'ainsi, qu'il vient d'être dit, le moyen tiré des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un arrêté de reconduite qui ne précise pas le pays de renvoi ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté fixant le pays de destination, M. X, né en 1971, fait valoir qu'il a été arrêté et menacé par des membres des groupes islamistes armés qui souhaitaient lui voir rejoindre leur rang, notamment pour profiter de ses connaissances en chimie ; que, toutefois, l'intéressé, qui n'apporte aucune justification à l'appui de ses allégations, n'établit pas qu'il encourt des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE fixant l'Algérie comme pays de destination n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 14 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que son arrêté du même jour fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X :
Considérant que la présente décision qui rejette la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre provisoire de séjour ne peuvent qu'être écartées ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 18 décembre 2001 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, à M. Azzedine X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.