Vu la requête, enregistrée le 6 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé son arrêté du 16 janvier 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Tayeb X et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative et, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à M. Demmou la somme de 609,80 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. de la Ménardière, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le l2 décembre 2001, de la décision du 4 décembre 2001 par laquelle le PREFET DE L'HERAULT lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...)./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant, d'une part, que si M. X fait valoir qu'il n'a plus d'attaches familiales au Maroc et qu'il a un frère chez qui il réside et de nombreux amis en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions de séjour en France de l'intéressé, qui est célibataire, sans aucune charge de famille, la décision de refus de séjour du 4 décembre 2001 n'a pas porté à son droit au respect de la vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette décision ; que, d'autre part, à la date de ladite décision, M. X ne justifiait pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de 10 ans ; qu'ainsi, l'intéressé ne satisfait pas aux conditions prévues aux 3° et 7° de l'article 12 bis de ladite ordonnance ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 16 janvier 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. X et, par voie de conséquence, la décision du même jour le plaçant en rétention administrative, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce que, faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission susmentionnée, la décision de refus de titre de séjour du 12 décembre 2001 était entachée d'illégalité ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier et devant le Conseil d'Etat ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens tirés de ce que la décision refusant de lui accorder un titre de séjour aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées des 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 doivent être écartés ; que, si M. X fait valoir qu'il dispose de ressources résultant d'une activité régulière et qu'il est bien intégré à la société française, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder le refus de lui accorder une autorisation de séjour à titre de régularisation comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que si l'arrêté refusant un titre de séjour à M. X se fonde également sur un motif concernant une menace à l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était seulement fondé sur les autres motifs ;
Considérant, d'autre part, que, pour les même raisons que celles qui ont été exposées plus haut, les moyens tirés de ce que la mesure de reconduite à la frontière prise par le préfet porterait une atteinte disproportionnée à la situation personnelle et familiale de M. X ne peuvent être accueillis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE l'HERAULT est fondé à demander l'annulation du jugement en date du 22 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 16 janvier 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant que le rejet, par la présente décision, des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X entraîne, par voie de conséquence, le rejet de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui accorder un titre de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 22 janvier 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier par M. X et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Tayeb X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.