Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 30 juillet 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Haci Omer Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Glaser, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (...) : 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité turque, qui est entré en France irrégulièrement, a demandé l'asile politique ; que la décision en date du 8 décembre 2000 du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides lui refusant, pour la deuxième fois, le statut de réfugié a été confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés en date du 21 juin 2001 ; qu'il est constant que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après cette date sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., qui n'est entré en France qu'en juillet 1999, ne connaissait Mlle X... que depuis sept mois et ne vivait avec elle, sans être marié, que depuis un mois, à la date de l'arrêté attaqué ; que, ni cette relation ni les autres éléments invoqués par M. Y... ne sont de nature à établir que le PREFET DU BAS-RHIN aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que son arrêté de reconduite à la frontière du 30 juillet 2001 pouvait avoir sur la situation personnelle de l'intéressé ; que le PREFET DU BAS-RHIN est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur l'existence d'une telle erreur pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant que l'arrêté attaqué du 30 juillet 2001 énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du fait qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. Y... ne connaissait Mlle X... que depuis sept mois, qu'eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger n'a pas pour objet de fixer le pays de destination, lequel est déterminé par une décision distincte ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques encourus par M. Y... en cas de retour en Turquie est inopérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière, lequel ne désigne pas le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN est fondé à demander l'annulation du jugement du 10 décembre 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 30 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 10 décembre 2001 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU BAS-RHIN, à M. Haci Omer Y... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.