Vu 1°, sous le n° 242483, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 15 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, représentée par le président du conseil régional en exercice ; la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 2001-1116 du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétences en matière de transports collectifs d'intérêt régional en tant qu'il ajoute au code général des collectivités territoriales des articles R. 1614-109 et R. 1614-110 ;
Vu 2°, sous le n° 247 275, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai 2002 et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON, représentée par le président du conseil régional ; la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande de retrait du décret n° 2001-1116 du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétences en matière de transports collectifs d'intérêt régional, ainsi que ce décret ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
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Vu 3°, sous le n° 247 276, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai 2002 et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION PICARDIE, représentée par le président du conseil régional ; la REGION PICARDIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande de retrait du décret n° 2001-1116 du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétences en matière de transports collectifs d'intérêt régional, ainsi que ce décret ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des collectivités locales, notamment ses articles L. 1614-1 à L. 1614-3 et L. 1614-8-1 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, notamment son article 21-1 ;
Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, notamment son article 67 ;
Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France en vue du renouveau du transport ferroviaire, notamment son article 17 ;
Vu la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, notamment ses articles 124 et 125 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la Région Rhône-Alpes, et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON et de la REGION PICARDIE,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes des REGIONS NORD-PAS-DE-CALAIS, LANGUEDOC-ROUSSILLON et PICARDIE sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la REGION RHONE-ALPES a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que les dispositions attaquées de l'article 2 du décret du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétences en matière de transports collectifs d'intérêt régional, qui ont inséré dans le code général des collectivités territoriales les articles R. 1614-109, R. 1614-110 et R. 1614-111, ont été prises en application de l'article 125 de la loi du 13 décembre 2000 ; que, par suite, la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS ne peut pas faire valoir utilement, à l'encontre de ces dispositions, que le pouvoir réglementaire aurait méconnu l'obligation qui lui était faite par la loi du 13 février 1997, en son article 17, de déposer au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la clôture de l'expérimentation prévue par l'article 67 de la loi du 4 février 1995 et relative à l'attribution aux régions de l'organisation et du financement des transports régionaux, et après consultation des régions ayant participé à l'expérimentation, un rapport sur l'évaluation de cette expérimentation ;
Considérant que si le décret du 27 novembre 2001 crée, auprès du ministre des transports, un comité national de suivi de la décentralisation des services de voyageurs d'intérêt régional, il ne modifie pas l'organisation de l'administration centrale du ministère chargé des transports ; que, par suite, les régions LANGUEDOC-ROUSSILLON et PICARDIE ne peuvent faire valoir utilement, à l'encontre des dispositions qu'elles attaquent, que ce décret aurait du être signé par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales : Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées ; qu'aux termes de l'article L. 1614-8-1 du même code, issu de l'article 125 de la loi du 13 décembre 2000 : A compter du 1er janvier 2002, les charges transférées aux régions du fait du transfert de compétences prévu à l'article 21-1 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs sont compensées dans les conditions fixées par les articles L. 1614-1 à L. 1614-3, sous réserve des dispositions du présent article./ La compensation du transfert de compétences mentionnée à l'alinéa précédent, prise en compte dans la dotation générale de décentralisation attribuée aux régions, est constituée : / - du montant de la contribution pour l'exploitation des services transférés / - du montant de la dotation complémentaire nécessaire au renouvellement du parc de matériel roulant affecté aux services transférés / - du montant de la dotation correspondant à la compensation des tarifs sociaux mis en oeuvre à la demande de l'Etat. / Pour l'année 2002, le montant de cette compensation est établi, pour ce qui concerne la part correspondant à la contribution pour l'exploitation des services transférés, sur la référence de l'année 2000. Le montant total de cette compensation est revalorisé en appliquant les taux de croissance de la dotation globale de fonctionnement fixés pour 2001 et 2002. / Le montant de cette compensation est constaté pour chaque région, pour l'année 2002, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur, du ministre chargé du budget et du ministre chargé des transports après avis de la région. / La part de la compensation correspondant à la contribution pour l'exploitation des services transférés donnera lieu à révision, au titre de la dotation de 2003, pour tenir compte des incidences sur les charges du service ferroviaire régional, des nouvelles règles comptables mises en oeuvre par la Société nationale des chemins de fer français. Cette révision s'effectue sur la base des services de l'année 2000 et sera constatée sous la forme définie à l'alinéa précédent. / Toute disposition législative ou réglementaire ayant une incidence financière sur les charges transférées en application de l'article 21-1 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée donne lieu à révision dans les conditions prévues aux articles L. 1614-1 à L. 1614-3. Cette révision a pour objet de compenser intégralement la charge supplémentaire pour la région résultant de ces dispositions. / Toute modification des tarifs sociaux décidée par l'Etat, entraînant une charge nouvelle pour les régions, donne lieu à une révision, à due proportion, du montant de la contribution visée au troisième alinéa. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article ;
En ce qui concerne les dispositions attaquées de l'article R. 1614-109 du code général des collectivités territoriales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 1614-109 du code général des collectivités territoriales : Le montant de la contribution qu'en application du troisième alinéa de l'article L. 1614-8-1 l'Etat verse à chaque région pour l'exploitation des services transférés est égal à la somme nécessaire pour assurer l'équilibre du compte attesté de la SNCF, au titre de l'exercice 2000, relatif aux services régionaux de voyageurs de cette région, à l'exclusion des charges non récurrentes et après déduction de la contribution propre de la région telle que déterminée ci-après : a) La contribution propre d'une région qui a participé à l'expérimentation prévue par l'article 67 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire correspond au montant des concours financiers de la région à la SNCF, figurant au compte attesté de l'exercice 2000, dont est déduite la dotation de l'Etat à la région au titre de l'exploitation la première année d'expérimentation, cette dotation étant actualisée en francs 2000 par application de l'indice prévisionnel des prix du produit intérieur brut marchand. Le montant de la dotation de l'Etat à la région au titre de l'exploitation la première année d'expérimentation est égal à la différence entre les concours financiers de la région à la SNCF la première année de l'expérimentation et l'effort propre de la région, constaté par l'audit préalable à l'expérimentation et actualisé en francs de la première année de l'expérimentation par application de l'indice prévisionnel des prix du produit intérieur brut marchand (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1614-1 et L. 1614-8-1 du code général des collectivités territoriales que le transfert par l'Etat aux collectivités locales des ressources nécessaires à l'exercice normal des compétences transférées à ces collectivités n'est destiné à compenser que l'accroissement net de charges résultant pour ces collectivités desdits transferts de compétences ; que les charges non récurrentes supportées par la SNCF en 2000 au titre des services régionaux de voyageurs, qui n'entrent pas dans l'accroissement net de charges résultant pour les régions du transfert, à compter de 2002, de la compétence en cette matière, pouvaient être exclues du calcul du déséquilibre des comptes régionaux attestés de la SNCF pour l'année 2000, retenus comme référence par l'article L. 1614-8-1, pour déterminer le montant de la contribution pour l'exploitation des services transférés ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 1614-109 a pu légalement énoncer le principe suivant lequel le montant total de la contribution due par l'Etat à la région est calculé après déduction des concours volontairement apportés par la région à l'entreprise publique, antérieurement au transfert des compétences, pour améliorer les services régionaux de voyageurs ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 1614-109 que le montant de la contribution due par l'Etat aux régions ayant participé à l'expérimentation est calculé de manière à couvrir le déséquilibre du compte attesté de la SNCF, après déduction, d'une part, du montant actualisé des concours apportés par la région avant le début de l'expérimentation et, d'autre part, du montant actualisé de l'accroissement des concours apportés par la région pendant la phase d'expérimentation au cours de laquelle chaque région expérimentatrice a négocié le niveau des prestations de services exigées de la SNCF, dont dépendait le montant de ses concours ; que, par suite, la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS n'est pas fondée à soutenir que cette contribution serait insuffisante pour compenser les charges transférées en raison du caractère forfaitaire de la dotation accordée par l'Etat au titre de la première année de l'expérimentation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1614-1 précité ou que ce mode de calcul créerait une discrimination illégale au détriment des régions ayant participé à l'expérimentation ;
En ce qui concerne les dispositions attaquées de l'article R. 1614-110 du code général des collectivités territoriales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 1614-110 du code général des collectivités territoriales : Pour déterminer la dotation complémentaire nécessaire au renouvellement du parc de matériel roulant prévue au quatrième alinéa de l'article L. 1614-8-1, sont considérés comme affectés aux services transférés à chaque région ceux des matériels roulants qui, ayant fait l'objet de dotations aux amortissements portées au compte de ces services ou ayant été mis à la disposition de ces services, ont été effectivement utilisés au cours de l'année 2000 pour les besoins de ces services. / Pour calculer la dotation complémentaire due à chaque région, il est retenu un trentième de la valeur de renouvellement du parc de matériel défini ci-dessus, déterminée à partir de la valeur d'une caisse autotractée neuve et d'une voiture tractée neuve estimée respectivement à 1 677 000 euros et 1 143 000 euros, un coefficient multiplicateur de 1,25 étant appliqué à la valeur des matériels à deux niveaux. Le montant ainsi obtenu est majoré de 15 % au titre des dépenses de modernisation du matériel au cours de sa durée d'utilisation. Il est réduit, pour les matériels roulants faisant l'objet d'une dotation aux amortissements portée au compte attesté de la SNCF au titre de l'exercice 2000 relatif aux services régionaux de voyageurs de la région, du montant de cette dotation nette des reprises de subvention ;
Considérant que, pour fixer les modalités de calcul de la dotation complémentaire nécessaire au renouvellement du parc de matériel roulant, le Premier ministre a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, retenir, au vu des prix effectivement constatés dans les marchés conclus au cours des années précédentes, les estimations mentionnées ci-dessus de la valeur d'une caisse autotractée et d'une voiture tractée neuve, assortie d'un coefficient multiplicateur de 1,25 pour les voitures à deux niveaux ;
Considérant qu'en ne modulant pas, d'une part, le calcul de cette dotation en fonction de la composition particulière du parc ferroviaire des régions à dominante urbaine, et en prévoyant, d'autre part, que le versement de cette dotation s'étalerait sur trente ans, sans instituer de dispositifs prenant spécifiquement en compte les différences d'ancienneté du parc ferroviaire de chacune des régions concernées ou l'augmentation des charges fiscales éventuellement supportées par les régions du fait du renouvellement accéléré du matériel roulant au cours des années suivant le transfert, le Premier ministre n'a méconnu ni les dispositions législatives précitées du code général des collectivités territoriales, ni celles de l'article 67 de la loi du 4 février 1995 selon lesquelles le financement des transports collectifs d'intérêt régional est assuré dans le respect de l'égalité des aides accordées par l'Etat aux régions ;
Considérant, enfin, que si les requérants reprochent au décret attaqué de ne pas avoir fixé de valeur de renouvellement pour les locomotives, il est constant que les dispositifs de traction dont les régions pourront avoir à supporter le coût d'achat seront exclusivement constitués de caisses autotractées et non de locomotives ; qu'ainsi la prise en compte des locomotives actuellement en service dans l'évaluation de la dotation complémentaire impliquera une appréciation, adaptée aux données concrètes propres à chaque région, de la répartition du nombre de caisses autotractées et de voitures tractées qui devront être acquises en remplacement de son parc actuel pour faire circuler les rames futures ; que le Premier ministre n'a pas méconnu sa compétence en s'abstenant de préciser les règles selon lesquelles il sera procédé à cette appréciation, qui ne pourra être contestée qu'à propos du calcul de la cotisation correspondant au renouvellement de chaque parc de matériel ;
En ce qui concerne les dispositions attaquées de l'article R. 1614-111 du code général des collectivités territoriales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 1614-111 du code général des collectivités territoriales : Le montant de la dotation correspondant à la compensation des tarifs sociaux mis en ouvre à la demande de l'Etat, prévue au cinquième alinéa de l'article L. 1614-8-1, est égal au montant de la contribution ayant le même objet telle qu'elle figure en recettes au compte de la SNCF au titre de l'exercice 2001 relatif aux services régionaux de voyageurs de chaque région ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1614-1 à L. 1614-3 et de l'article L. 1614-8-1 du code général des collectivités territoriales qu'à l'exception du cas où des charges nouvelles résultent pour les régions d'une modification ultérieure des tarifs sociaux décidée par l'Etat, qui donne lieu à révision, à due proportion, de la contribution globale instituée par l'article L. 1614-8-1, les variations de la charge résultant pour les régions des tarifs sociaux mis en ouvre à la demande de l'Etat avant 2003 sont compensées par l'indexation de cette contribution sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les REGIONS LANGUEDOC-ROUSSILLON et PICARDIE, le Premier ministre ne pouvait retenir, comme l'auraient souhaité les régions requérantes, des modalités d'ajustement de la dotation visée par l'article R. 1614-111 précité destinées à tenir compte des variations de cette charge liées, à régime constant, aux évolutions des tarifs de la SNCF ou du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux mis en ouvre à la demande de l'Etat avant 2003 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des dispositions attaquées du décret du 27 novembre 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, soit condamné à payer à la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON et à la REGION PICARDIE la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la REGION RHONE-ALPES est admise.
Article 2 : Les requêtes des REGIONS NORD-PAS-DE-CALAIS, LANGUEDOC-ROUSSILLON et PICARDIE sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, à la REGION RHONE-ALPES, à la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON, à la REGION PICARDIE, au Premier ministre, au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et au ministre de l'écologie et du développement durable.