Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Kamel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'arrêt du 21 septembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, à la demande du ministre de l'intérieur, a annulé le jugement du 16 octobre 1998 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a annulé l'arrêté du 23 janvier 1998 dudit ministre décidant son expulsion du territoire français ;
2°) la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Devys, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a omis de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. X et tirée de ce que l'appel du ministre de l'intérieur aurait été présenté postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ; que M. X est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 21 septembre 2000 par lequel ladite cour a annulé le jugement du 16 octobre 1998 du tribunal administratif de Versailles en tant que ce dernier avait annulé l'arrêté du 23 janvier 1998 du ministre de l'intérieur décidant son expulsion du territoire français ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le jugement du tribunal administratif de Versailles du 16 octobre 1998 a été notifié au ministre de l'intérieur le 2 novembre 1998 ; que le délai de recours contentieux expirait donc le lundi 4 janvier 1999, date à laquelle le recours du ministre de l'intérieur a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris ; qu'ainsi la fin de non recevoir opposée par M. X et tirée du caractère tardif de l'appel formé par le ministre de l'intérieur doit être écartée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, né en 1958, a commis entre 1974 et 1983 des faits de vols avec violence, pour lesquels il a été condamné à diverses peines d'emprisonnement entre 1984 et 1986, des faits de trafic de stupéfiants, pour lesquels il a été condamné à une peine de huit années d'emprisonnement et, en 1988, des faits de recel d'un bon au porteur provenant d'une agression à main armée, pour lesquels il a été condamné à une peine de deux années d'emprisonnement ; que, s'il fait valoir qu'il séjourne régulièrement en France depuis 1961, qu'il est marié à une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, père de deux enfants de nationalité française et qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en Algérie, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas, eu égard à la nature et à la gravité des faits qui lui sont reprochés, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler son arrêté du 23 janvier 1998 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant que M. Hervé Masurel, chef de service, signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation de signature pour signer les actes, arrêtés et décisions relevant de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 14 novembre 1997, régulièrement publié au Journal officiel de la République française le 18 novembre 1997 ; qu'ainsi, le moyen selon lequel l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;
Considérant que la circonstance que l'ampliation de l'arrêté litigieux notifié à M. X ne porte pas la signature du ministre est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un bulletin de notification du 5 novembre 1997, M. X a été informé de la procédure d'expulsion engagée à son encontre, des faits qui motivaient cette procédure, de son droit à se présenter devant la commission d'expulsion prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, seul ou assisté d'un conseil, et à demander l'aide judiciaire ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le principe des droits de la défense aurait été méconnu ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait à l'administration de convoquer à deux reprises, soit les 12 février 1996 et 1er décembre 1997, la commission d'expulsion prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que l'avis émis par ladite commission le 1er décembre 1997, au vu duquel a été prise la décision attaquée du 23 janvier 1998, comporte l'énoncé des circonstances retenues par la commission pour justifier son avis et est donc suffisamment motivé ; que la circonstance que l'avis de la commission d'expulsion émis le 12 février 1996 n'ait pas été notifié au requérant est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui n'a pas été pris au vu de cet avis ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission d'expulsion lors de sa séance du 1er décembre 1997 n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant qu'eu égard à la gravité et à la répétition des faits rappelés ci-dessus et non contestés, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 26 b) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en estimant que l'expulsion de M. X constituait une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 23 janvier 1998 ordonnant l'expulsion de M. X du territoire français ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 21 septembre 2000 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Le jugement du 16 octobre 1998 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Kamel X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.