Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Larrivé, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée :Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 12 avril 2001, de l'arrêté du 11 avril 2001 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du 8 de l'article 25 de l'ordonnance susmentionnée : Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (...) 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; que ces dispositions ont été rendues applicables aux mesures de reconduite à la frontière par le troisième alinéa de l'article 25 de la même ordonnance ;
Considérant que si le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé, pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, sur les dispositions précitées, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé, qui était hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Rouen pour y subir une opération chirurgicale bénigne, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a estimé que M. X relevait du champ d'application des dispositions du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sur la motivation :
Considérant que l'arrêté par lequel le PREFET DE SEINE-MARITIME a décidé la reconduite à la frontière de M. X, en relevant que l'intéressé s'est maintenu plus d'un mois après la notification le 12 avril 2001 d'une décision de refus de titre de séjour, et en visant le 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de séjour de résident à un étranger mentionné à l'article 15 (...) ; que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1998 susvisé n'a pas entendu écarter les ressortissants tunisiens du bénéfice des dispositions de l'article 12 quater rappelées ci-dessus, dans les cas où ces ressortissants entrent dans le champ d'application soit des dispositions auxquelles se réfère l'article 12 quater, soit des stipulations de l'accord franco-tunisien ayant le même objet que ces dispositions ;
Considérant qu'aux termes des stipulations du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien précité : Un titre de séjour d'une durée de dix ans est délivré de plein droit : (...) b) à l'enfant tunisien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans, ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants tunisiens d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (...) ; que ces stipulations ont le même objet que les dispositions du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, aux termes desquelles : sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° à l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents (...) ; qu'ainsi les dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée sont applicables aux ressortissants tunisiens entrant dans le champ d'application des stipulations du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien précité ;
Considérant toutefois que, si le requérant se prévaut des stipulations du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien précité, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X, qui est né en 1974, ait été à la charge de sa mère, de nationalité française, à la date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, en ne saisissant pas la commission du titre de séjour, n'a méconnu ni les dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, ni les stipulations du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien précité ;
Considérant que si M. X, qui est entré en France en 1999 à l'âge de vingt-cinq ans et n'allègue pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, soutient que la décision dont il est excipé de l'illégalité a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des pièces du dossier que, en l'absence de circonstances particulières, le refus de titre de séjour ait porté au droit du requérant au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise ladite décision ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle- même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;
Sur l'autre moyen dirigé contre l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que si M. X soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des pièces du dossier que, en l'absence de circonstances particulières, ladite décision ait porté au droit du requérant au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer la somme que la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. X, demande, sur le fondement de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, pour les frais que M. X aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen du 19 juin 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : La demande présentée par l'avocat de M. X et tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Radhouane X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.