Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 octobre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. et a renvoyé à une formation collégiale les conclusions de ce dernier tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE POLICE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. devant le président du tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de M. ,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , ressortissant de la République du Mali, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, faite le 24 août 2001, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français ; qu'il était ainsi dans le cas où, en application des dispositions législatives précitées, le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : La carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ... ;
Considérant que, si M. soutient être entré en France en 1985, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations sont insuffisantes pour établir qu'il aurait résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date à laquelle le PREFET DE POLICE a décidé sa reconduite à la frontière ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 10 octobre 2001, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que M. aurait dû bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. devant le président du tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant que l'arrêté du 10 octobre 2001 énonce avec une précision suffisante les éléments de droit et de fait sur lesquels le PREFET DE POLICE s'est fondé pour décider la reconduite à la frontière de M. ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé doit être écarté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'exception tirée de l'illégalité de la décision du PREFET DE POLICE du 24 août 2001 refusant à M. la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant que la décision du 24 août 2001 est suffisamment motivée ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que le préfet n'est tenu de saisir la commission départementale du titre de séjour avant de refuser la délivrance d'un titre de séjour que dans le cas où l'étranger remplit l'une des conditions prévues à l'article 12 bis de cette ordonnance et non dans le cas où l'étranger se prévaut des dispositions de ce dernier article ; que, comme il a été dit ci-dessus, M. ne satisfaisait pas à la condition posée au 3° de l'article 12 bis de ladite ordonnance ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission départementale du titre de séjour avant de rejeter sa demande d'admission au séjour ;
Considérant que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées pour contester le défaut de saisine de la commission départementale du titre de séjour, laquelle ne constitue pas un tribunal au sens de ces stipulations ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que, si M. , âgé de 43 ans, qui est célibataire et sans enfant, soutient que plusieurs membres de sa famille résideraient sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, que le PREFET DE POLICE ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a pris l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une méconnaissance desdites stipulations doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. ;
Sur les conclusions de M. aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. , n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE POLICE de lui délivrer un titre de séjour, doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 5 février 2002 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. devant le président du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.