Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 avril 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Cécilia Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bouchez, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêté (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., de nationalité philippine, s'est maintenue sur le territoire français après la notification, le 20 novembre 2001 de l'arrêté du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si Mme Y... fait valoir à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière qu'elle séjourne en France depuis 1993, qu'elle vit en concubinage avec M. Y, ressortissant libanais, titulaire d'une carte de résident, depuis 1998 et que de cette union est né un enfant en août 2000, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du caractère récent de sa vie commune avec M. Y et de la présence de sa famille aux Philippines et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 22 avril 2002 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ledit arrêté a été pris ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du PREFET DE POLICE ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que M. Jean-Pierre X..., sous-directeur de l'administration des étrangers de la direction de la police générale qui a signé l'arrêté attaqué, a reçu délégation du préfet de police pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière par un arrêté du 25 mars 2002 publié au bulletin officiel de la ville de Paris le 2 avril 2002 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;
Considérant que la circonstance que Mme Y... n'a jamais troublé l'ordre public est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 23 octobre 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Cécilia Y... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.