Vu 1°), sous le n° 247255, la requête, enregistrée le 24 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Salima en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de renvoi et a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu, 2°) sous le n°247346, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai 2002 et 26 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Salima X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2002 en tant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2001 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, et ce dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. du Marais, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du PREFET DE POLICE et de Mlle X concernent le même arrêté du préfet de police et le même jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête présentée par Mlle X :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, ressortissante de nationalité algérienne née en 1960, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 28 décembre 2000, de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du 10 novembre 2000 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'accorder à Mlle X l'asile territorial :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mlle X excipe de l'illégalité de la décision du 10 novembre 2000 lui refusant l'asile territorial ;
Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 : Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. (...) Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. ;
Considérant en premier lieu, que si Mlle X soutient que la décision du 10 novembre 2000 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'asile territorial a été rendue après une procédure irrégulière, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien fondé de cette allégation ;
Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur se prononce sur une demande d'asile territorial n'a pas à être motivée ; que les fondements de cette décision ressortent des écrits ultérieurs du préfet de police et tiennent à l'absence d'éléments probants justifiant le caractère réel et personnel des menaces dont fait état Mlle X ;
Considérant en troisième lieu, que si Mlle X soutient que la décision lui refusant l'asile territorial méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations concernant les risques qu'elle encourt en Algérie ;
Considérant en quatrième lieu, que si Mlle X invoque les liens qu'elle avait déjà avec la France et les pathologies dont elle souffrait a son entrée en France, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder le rejet de sa demande d'asile comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour en date du 28 décembre 2000 :
Considérant que Mlle X, célibataire alors même qu'elle s'est mariée religieusement le 26 novembre 2000 à un ressortissant égyptien titulaire d'une carte de résident, n'avait pas de charge de famille et n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que dès lors, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que Mlle X ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui de conclusions dirigées contre une décision refusant un titre de séjour ;
Considérant que si Mlle X soutient qu'elle souffrait de diverses affections d'ordre psychologique à son arrivée en France et si elle fait état de son attachement à la langue et à la culture françaises qu'elle enseignait dans son pays, il ne ressort pas de l'instruction que la décision du 28 novembre 2000 soit entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 11 décembre 2001 :
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, eu égard, en l'absence de mariage civil, au caractère religieux du mariage avec un ressortissant étranger de Mlle X, née en 1960 et qui a conservé des attaches dans son pays d'origine, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et ne méconnaît pas, par suite, l'article 8 de la convention précitée ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, en troisième lieu, que si Mlle X invoque la circonstance qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle était enceinte depuis trois mois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la reconduite à la frontière de l'intéressée sur sa situation personnelle ; que si elle présente une grossesse à risque depuis lors, une telle circonstance, postérieure à la décision attaquée, est sans influence sur sa légalité ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que celle-ci méconnaîtrait les dispositions du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut qu'en tout état de cause être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 26 mars 2002, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 11 décembre 2001 en tant qu'il ordonne sa reconduite à la frontière ;
Sur la demande d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que la présente décision qui rejette la requête de Mlle X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ne sont, dès lors, pas recevables ;
Sur les conclusions de Mlle X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur la requête du PREFET DE POLICE :
Considérant que l'arrêté du préfet de police du 11 décembre 2001 prévoit que Mlle X sera reconduite à destination de l'Algérie ; que si la requérante soutient qu'elle fait l'objet de menaces de la part de groupes islamistes, il résulte des pièces du dossier qu'elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations relatives aux risques personnels que comporterait pour elle son retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 décembre 2001 en tant qu'il désigne l'Algérie comme pays de destination ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er du jugement du 26 mars 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mlle X et sa requête en appel sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle Salima X, au PREFET DE POLICE et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.