Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 décembre 2003 et 23 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2002 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) la délivrance d'une carte de séjour temporaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 septembre 2002, de la décision du préfet de l'Hérault du 2 septembre 2002, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant; (...) ;
Considérant que s'il n'est pas contesté que M. A, qui est entré en France en 1982 à l'âge de onze ans dans le cadre du regroupement familial, avait en France sa résidence habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Béziers à plusieurs peines d'emprisonnement entre 1996 et 2000 pour vol, vol aggravé, tentative de vol, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui et tentative d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature ; que, dès lors, et alors même que le tribunal correctionnel n'a pas prononcé de peine d'interdiction du territoire à son encontre, sa présence doit être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il est marié depuis le 18 octobre 2002 avec une ressortissante française, qu'un enfant de nationalité française est né de cette union le 8 avril 2002 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que, eu égard à la menace que constitue sa présence sur le territoire français et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 22 octobre 2002, qui ne prive pas M. A de solliciter, s'il s'y croit fondé, le bénéfice du regroupement familial, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'obtention d'une carte de séjour temporaire :
Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 22 octobre 2002 décidant sa reconduite à la frontière n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite et en tout état de cause, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rachid A, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.