Vu 1°), sous le n° 258253, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 4 juillet et 10 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain F, demeurant ... ; M. F demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir 1°) les II, III et VI de l'article 10 et le II de l'article 11 du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d'appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative, ainsi que ses articles 1er, 14 et 15 en tant qu'ils concernent les articles 10 et 11 ; 2°) à titre subsidiaire, l'ensemble des dispositions des articles 10 et 11 du même décret ;
Vu 2°), sous le n° 258254, la requête, enregistrée le 4 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Bruno E, demeurant ... ; M. E demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le III de l'article 10, le II de l'article 11 et l'article 14 (alinéa 3) du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d'appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ainsi que les dispositions qui en seraient inséparables ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 3°), sous le n° 259196, la requête, enregistrée le 5 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques D, demeurant ... ; M. D demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003, subsidiairement ses articles 2, 10, 12 et 13 et 1er en tant qu'il mentionne ces articles ; qu'à titre subsidiaire, il demande que le Conseil d'Etat engage la responsabilité de l'Etat et des personnes qui jugeront l'affaire ; précise les garanties supplémentaires qu'offrent les articles 10, 12 et 13 du décret attaqué ; précise les suppressions de garantie ; précise de façon complète les garanties pratiques dont jouiront les justiciables pour que soit assuré l'accès de leur cause à une cour administrative d'appel ;
....................................................................................
Vu 4°), sous le n° 259602, la requête, enregistrée le 20 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Koly Y, ayant élu domicile à ..., M. Dame Z, M. Mamadou A, Mme Khouma B, veuve DOUKOURE, Mme Diara C, veuve OUSMANE, ayant élu domicile à la même adresse et l'ASSOCIATION DES COMBATTANTS DE L'UNION FRANCAISE, dont le siège est Office des anciens combattants, 75, rue Félix Faure à Dakar (Sénégal), représentée par son président en exercice, dûment mandaté ; M. Y et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions de l'article 3, des I et III de l'article 10 et du II de l'article 11 du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 5°), sous le n° 259669, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 7 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association CONTRIBUABLES ASSOCIES, dont le siège social est 42, rue des Jeûneurs à Paris (75077 Cedex 02), représentée par son président en exercice, à ce dûment habilité et agissant tant à ce titre qu'en son nom personnel ; l'association CONTRIBUABLES ASSOCIES et M. Onesto demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d'appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu 6°), sous le n° 259671, la requête, enregistrée le 25 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNION DES CONTRIBUABLES DE FRANCE, dont le siège est 9, rue de la Gare à Saint-Paterne-Racan (37370) et dont l'adresse postale est BP 76 à Bagneux (92224 Cedex), représentée par son président en exercice, à ce dûment habilité ; l'UNION DES CONTRIBUABLES DE FRANCE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les articles 10 à 14 du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d'appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
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Vu 7°), sous le n° 259689, la requête, enregistrée le 22 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Luc X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions de l'article 11 du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d'appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative en tant qu'elles concernent les litiges relatifs à la communication des actes administratifs ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré présentée le 28 novembre 2003 par M. D ;
Vu la Constitution ensemble la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques publié par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 86-14 du 14 janvier 1986 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de l'association CONTRIBUABLES ASSOCIES,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de MM. F, E, X, D, Y et autres, de l'association CONTRIBUABLES ASSOCIES et de l'UNION DES CONTRIBUABLES DE FRANCE sont dirigées contre un même décret et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées aux requêtes par le ministre de la justice ;
Sur la légalité externe :
Considérant que, si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant : - les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; (...) - l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; (...) - les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, les dispositions de la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire, dès lors qu'elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution ou d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ;
Considérant qu'il suit de là que le Premier ministre était compétent pour fixer, par l'article 10 du décret attaqué, les cas dans lesquels le ministère d'avocat est obligatoire dans les instances portées devant une cour administrative d'appel ainsi que, par l'article 11, les cas dans lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que lesdites dispositions seraient entachées d'incompétence ;
Considérant que, si le VI de l'article 10 du décret attaqué abroge l'article R.* 200-17 du livre des procédures fiscales, qui permettait aux contribuables de se faire représenter devant les cours administratives d'appel par un autre mandataire qu'un avocat, une telle disposition n'implique l'intervention d'aucune mesure d'application prise par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; que le moyen tiré de ce que ce ministre aurait dû contresigner le décret ne peut donc être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article 10 :
Considérant, d'une part, que les dispositions contestées qui, sous réserve de cas de dispense, rendent obligatoire le ministère d'avocat devant les cours administratives d'appel ont pour objet tant d'assurer aux justiciables la qualité de leur défense que de concourir à une bonne administration de la justice, en imposant le recours à des professionnels du droit ; qu'eu égard à l'existence d'un dispositif d'aide juridictionnelle, l'obligation nouvelle du ministère d'avocat ne saurait être regardée comme portant atteinte, ni au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par la Constitution et rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni au droit au recours pour excès de pouvoir ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant que la circonstance que l'Etat est dispensé du ministère d'avocat devant les juridictions administratives, n'est contraire ni au principe d'égalité devant la loi, ni au principe d'égalité devant la justice, dès lors que, tant en raison de sa position de défendeur dans les instances où il est mis en cause que du fait qu'il dispose de services juridiques spécialisés, l'Etat se trouve dans une situation différente de celle des autres justiciables ;
Considérant que les dispositions attaquées qui dispensent du ministère d'avocat les requêtes dirigées contre les décisions des tribunaux administratifs statuant sur les recours pour excès de pouvoir formés par les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques ainsi que par les agents ou employés de la Banque de France, contre les actes relatifs à leur situation personnelle, ne portent pas atteinte au principe d'égalité devant la justice, dès lors que les agents ainsi visés se trouvent, lorsqu'ils contestent un acte relatif à leur situation individuelle pris par la personne qui les emploie, dans une situation différente de celle des autres catégories d'usagers du service public de la justice ;
En ce qui concerne l'article 11 :
Considérant qu'en prévoyant par les dispositions attaquées les cas dans lesquels il est statué par le tribunal administratif en premier et dernier ressort, sous le contrôle du juge de cassation, les auteurs du décret attaqué, d'une part, n'ont porté atteinte, ni au droit d'exercer un recours effectif protégé par la Constitution et rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés mentionné au préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 et, d'autre part, n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Considérant que les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des articles L. 211-1 et L. 311-1 du code de justice administrative, qui ne traitent pas de l'appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de justice administrative : Les cours administratives d'appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'Etat en qualité de juge d'appel et de celles définies aux articles L. 552-1 et L. 552-2 ; que l'article L. 811-1 prévoit que dans le cas où un jugement rendu en premier ressort est susceptible d'appel, celui-ci est porté devant la juridiction d'appel compétente en vertu des dispositions du livre III ; que si ces dispositions législatives désignent les cours administratives d'appel comme étant en principe compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs, il résulte des termes précités de l'article L. 811-1 qu'elles n'ont pas pour effet de rendre possible l'appel dans tous les cas où est rendu un jugement par un tribunal administratif ; qu'ainsi les auteurs du décret attaqué ont pu, sans méconnaître ces dispositions, prévoir que, pour certaines catégories de litiges d'importance limitée, les tribunaux administratifs statueraient en premier et dernier ressort ;
Considérant que si, lorsqu'un texte ouvre la voie de l'appel à l'encontre d'un jugement, la règle du double degré de juridiction s'impose aussi bien aux justiciables qu'aux juges eux-mêmes, cette règle ne constitue pas un principe général du droit qui interdirait au pouvoir réglementaire de prévoir, dans l'exercice de sa compétence, des cas dans lesquels les jugements sont rendus en premier et dernier ressort ;
Considérant que les dispositions attaquées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice, dès lors que les justiciables se trouvant dans une même situation bénéficient, pour une même catégorie de litiges, de la même procédure ;
Considérant qu'eu égard à l'objectif d'amélioration du fonctionnement de la justice administrative et aux différences existant entre les contentieux administratif et judiciaire, les auteurs du décret attaqué, en prévoyant que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges énumérés aux 1° et aux 4° à 9° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et en fixant au montant de 8 000 euros, déjà déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du même code, le seuil en dessous duquel les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort, s'agissant des litiges visés aux 2° et 3° de l'article R. 222-13, n'ont pas entaché ces dispositions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, que si les requérants invoquent une violation du principe d'égalité des armes ou du principe de confiance légitime, ces moyens ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;
En ce qui concerne les articles 12 et 13 :
Considérant qu'en prévoyant que les requêtes à fin de sursis d'un jugement rendu par un tribunal administratif et d'une décision rendue en dernier ressort et faisant l'objet d'un pourvoi en cassation doivent être présentées par requête distincte à laquelle doivent être joints la requête d'appel ou le pourvoi principal, les auteurs du décret ont instauré une règle de procédure visant à une bonne administration de la justice qui ne contrevient ni aux stipulations des articles 6 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à une disposition législative, ou à un principe général du droit ;
En ce qui concerne l'article 14 :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 14 du décret attaqué : Les dispositions des articles 10, 12 et 13 s'appliqueront aux instances engagées à partir du 1er septembre 2003 ; que, par instance engagée, il faut entendre les recours enregistrés au greffe de la juridiction saisie ; que le moyen tiré de ce que les termes employés par le décret seraient entachés d'inexactitude ou d'imprécision ne peut par suite, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 14 du décret attaqué : Les dispositions de l'article 11 s'appliqueront aux décisions des tribunaux administratifs rendues à compter du 1er septembre 2003 : que le droit de former un appel contre un jugement étant en principe fixé définitivement au jour où ce jugement est rendu, en fonction des textes en vigueur à cette date, les dispositions de l'article 11 qui suppriment dans certains cas la possibilité de l'appel contre certains jugements du tribunal administratif se seraient appliquées, dans le silence du décret, aux jugements rendus postérieurement à la date du 25 juin 2003 à laquelle le décret a été publié au Journal officiel de la République française ; qu'en différant au 1er septembre 2003 la date d'entrée en vigueur de l'article 11 du décret attaqué, dans l'intérêt des justiciables, le pouvoir réglementaire n'a donc ni méconnu les règles du procès équitable, ni commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu'il ne ressort pas de la lecture des dispositions des articles 2 à 13 du décret attaqué que celles-ci ne seraient ni claires dans leur contenu, ni facilement accessibles et contreviendraient ainsi à l'article 2 de la loi du 12 avril 2000 ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requêtes susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. D :
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de connaître de ces conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à chacun des requérants la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de MM. F, E, X, D, Y et autres, de l'association CONTRIBUABLES ASSOCIES et de l'UNION DES CONTRIBUABLES DE FRANCE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. Alain F, Jean-Bruno E, Jacques D, Luc X, Koly Y, Dame Z, Mamadou A, à Mme Khouma B veuve DOUKOURE, à Mme Diara C veuve OUSMANE, à l'ASSOCIATION DES COMBATTANTS DE L'UNION FRANCAISE, à l'association CONTRIBUABLES ASSOCIES, à l'UNION DES CONTRIBUABLES DE FRANCE, au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.