Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 23 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 novembre 1998 par lequel la cour régionale des pensions de Caen a annulé le jugement du 10 décembre 1996 du tribunal départemental des pensions de la Manche lui reconnaissant un droit à pension au taux de 10 % pour acouphènes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour régionale des pensions de Rouen que M. X s'est engagé dans l'armée de terre le 20 juillet 1953 ; qu'il a été atteint en 1956 d'une tuberculose pulmonaire pendant son service ; qu'il a été placé à sa demande en position de retraite le 16 août 1977 ; que, par un arrêté du 7 décembre 1993, une pension d'invalidité définitive au taux global de 60 % lui a été accordée pour plusieurs infirmités dont une hypoacousie bilatérale de type mixte évaluée à 15 % ; que M. X a contesté devant le tribunal départemental des pensions de la Manche cette décision en tant qu'elle a rejeté sa demande d'indemnisation pour acouphènes aigus et graves au motif de l'absence d'imputabilité au service ; que, par un jugement du 10 décembre 1996, le tribunal départemental des pensions de la Manche a reconnu à M. X un droit à pension au taux de 10 % pour cette affection auditive ; que la cour régionale des pensions de Caen a annulé ce jugement par un arrêt du 30 novembre 1998 contre lequel M. X se pourvoit en cassation ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêt attaqué que l'affaire a été évoquée en séance publique ; qu'ainsi, le juge de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la procédure suivie ; que l'arrêt attaqué doit donc être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, s'il ne peut, comme en l'espèce, prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, le demandeur de pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un lien direct et certain entre les troubles qu'il invoque et un fait précis ou des circonstances particulières de son service ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du rapport rendu par le docteur Bouvier que, si le taux d'invalidité due aux acouphènes a été évalué à 5 %, le taux d'invalidité imputable au service, en raison de présence conjointe d'acouphènes liés à l'hypoacousie non imputable au service, n'a été fixé qu'à 2,5 % ; que, dès lors que les éléments imputables n'interviennent que pour moitié dans l'origine de l'affection, le service ne peut être considéré comme la cause déterminante des troubles dont souffre M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions de la Manche a reconnu à M. X droit à pension pour acouphènes imputables au service ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que M. X, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Caen en date du 30 novembre 1998 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal départemental des pensions de la Manche en date du 10 décembre 1996 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. X devant le tribunal départemental des pensions de la Manche tendant à ce que lui soit reconnu un droit à pension pour acouphènes imputables au service est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X et au ministre de la défense.