Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 et 19 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. LECAD, dont le siège est ... à Le Houlme (76770) ; la S.A.R.L. LECAD demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 15 novembre 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 28 juin 2001, la mettant en demeure de cesser les travaux entrepris sur les parcelles AC n° 58 et 62 de la commune du Houlme, de faire réaliser une étude établissant la nature des matériaux de remblais utilisés et enfin, de supprimer les remblais situés à une cote supérieure à 33 mètres NGF dans un délai de douze mois suivant la remise de l'étude ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de suspendre l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 28 juin 2001 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 588 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le décret n° 93-743 du 29 mars 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Henrard, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la S.A.R.L. LECAD,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre de l'écologie et du développement durable :
Considérant que si, par ordonnance du 21 mars 2003, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a suspendu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 28 juin 2001, il a limité les effets de cette mesure à la période restant à courir jusqu'à la remise de l'expertise qu'il avait ordonnée le 24 février 2003 ; qu'ainsi, l'ordonnance du 21 mars 2003 n'a pas eu pour effet de priver d'objet les conclusions de la requête de la S.A.R.L. LECAD, dirigées contre l'ordonnance du 15 novembre 2002 par laquelle le même juge avait rejeté une première demande de suspension de l'arrêté préfectoral contesté ; que, par suite, les conclusions à fins de non-lieu présentées par le ministre de l'écologie et du développement durable ne sauraient être accueillies ;
Sur la légalité de l'ordonnance attaquée et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale./ Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ; qu'aux termes de l'article L. 522-3 du même code : Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable, ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée, sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ;
Considérant que pour exercer les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés dispose des deux procédures prévues respectivement aux articles L. 522-1 et L. 522-3 du même code ; que la procédure prévue à l'article L. 522-1 est caractérisée à la fois par une instruction contradictoire entre les parties, engagée par la communication de la demande au défendeur, et par une audience publique ; que la procédure prévue à l'article L. 522-3, qui ne peut être utilisée que s'il apparaît au vu de la demande que celle-ci encourt un rejet pour l'une des raisons énoncées par cet article, ne comporte ni cette communication ni cette audience ; que ces deux procédures sont distinctes ; qu'il suit de là que lorsque, au vu de la demande dont il était saisi, le juge des référés a estimé qu'il y avait lieu, non de la rejeter en l'état pour l'une des raisons mentionnées à l'article L. 522-3, mais d'engager la procédure de l'article L. 522-1, il lui incombe de poursuivre cette procédure et, notamment, de tenir une audience publique ;
Considérant que, saisi par la S.A.R.L. LECAD d'une demande de suspension présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, après avoir dans les conditions prévues à l'article L. 522-1 entamé une procédure contradictoire et notamment communiqué, le 4 novembre 2002, le mémoire en défense du préfet de la Seine-Maritime à la société requérante en l'invitant à produire ses observations dans un délai de quinze jours, a rejeté dès le 15 novembre 2002 sa demande comme manifestement infondée, sur la base l'article L. 522-3, sans avoir attendu l'expiration du délai qu'il lui avait imparti pour répliquer ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière et doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que par arrêté du 28 juin 2001, le préfet de la Seine-Maritime a notamment mis en demeure la S.A.R.L. LECAD de cesser les travaux de remblais entrepris sur les parcelles AC n°58 et 62 de la commune du Houlme, de faire réaliser une étude établissant la nature des matériaux utilisés pour ces aménagements et enfin, de supprimer les remblais situés à une cote supérieure à 33 mètres NGF, dans un délai de douze mois suivant la remise de l'étude ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du devis que la S.A.R.L. LECAD a fait établir par une entreprise spécialisée et dont le montant n'est pas contesté, que le coût des travaux de déblaiement prescrits par l'autorité préfectorale s'élèverait à plus de 250 000 euros ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de l'instruction et notamment du procès-verbal établi le 1er octobre 2002 par la délégation interservices de l'eau, à la suite d'une visite sur les lieux effectuée le 27 août 2002, que les remblais mis en place pour le compte de la S.A.R.L. LECAD, en violation de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, qui soumet à autorisation préalable les ouvrages ou travaux susceptibles de nuire au libre écoulement des eaux ou d'accroître notablement le risque d'inondation, l'ont été sur des parcelles qui constituent une zone d'expansion naturelle des crues et contribuent, par là-même, à la protection des personnes et des biens ; qu'ainsi, le surélèvement des terrains qui résulte de ces travaux empêche tout débordement du cours d'eau adjacent et reporte sur les parcelles voisines les conséquences d'inondations dont le risque est avéré dans cette partie de la commune ;
Considérant que dans ces conditions il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'urgence, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 28 juin 2001 ; que, par suite, les conclusions de la S.A.R.L. LECAD demandant la suspension de cet arrêté doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A.R.L. LECAD la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 15 novembre 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.
Article 2 : La requête de la S.A.R.L. LECAD devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la S.A.R.L. LECAD tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. LECAD et au ministre de l'écologie et du développement durable.