Vu les requêtes enregistrées les 4 juillet 2003 et 7 juillet 2003 sous les numéros 258270 et 258338 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. Ahmed Ali Saleh X demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre sous astreinte au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale en application de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 ;
4°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule et même décision ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris et dirigée contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X a fait valoir que le préfet de police avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation professionnelle ; que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur ce moyen ; que par suite, le jugement en date du 26 mai 2003 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité syrienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 juin 2002, de la décision du préfet de police du 11 juin 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'a pas contesté la décision du préfet de police lui refusant un titre de séjour en date du 11 juin 2002, dans les deux mois suivant sa notification le 13 juin 2002 ; qu'elle est par suite devenue définitive, et que l'intéressé ne peut dès lors exciper de son illégalité ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant que par un arrêté du 2 janvier 2003 publié le 7 janvier 2003 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. JEAN de CROON pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
Considérant que l'arrêté du 20 mars 2003, par lequel le préfet de police a décidé la reconduite à la frontière de M. X, comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ;
Considérant que si M. X, qui a séjourné en France en qualité d'étudiant, fait valoir qu'il y réside depuis le 13 février 1986, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas d'établir une présence habituelle en France depuis plus de quinze ans à la date de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, notamment pour les années 1993 à 1997, 1999 et 2000 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si, M. X allègue qu'à la date de l'arrêté attaqué, il entretenait une liaison amoureuse avec une ressortissante française et que sa soeur est de nationalité française, il ressort des pièces du dossier, qu'eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision du préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant enfin que si M.XYX fait valoir qu'il est en possession d'une promesse d'embauche, cette circonstance ne suffit pas à établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a faite des conséquences de la mesure contestée sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 20 mars 2003 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 26 mai 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. X présentée devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed Ali Saleh X, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.