Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 février 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fatima X ;
2°) de rejeter la demande de Mme X devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme Fatima X,
- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; que Mme X, de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire plus d'un mois à compter de la notification, le 27 juin 2001, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas, prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ;
Considérant que, si Mme X, ressortissante marocaine était célibataire et sans charge de famille à la date de l'arrêté du PREFET DE POLICE décidant sa reconduite à la frontière, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en France en 1990 et apporte des soins à sa mère dont la santé est déficiente et qui a la nationalité française ; que ses dix frères et soeurs vivent en France, six d'entre eux munis de titres de séjour réguliers et les quatre autres détenant la nationalité française ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X ait conservé des attaches familiales directes en Algérie ; qu'ainsi, et dans les circonstances de l'espèce, le PREFET DE POLICE, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a, par suite, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 février 2002 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme Fatima X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que la SCP Delaporte, Briard, Trichet demande au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme X, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Fatima , et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet X, à et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et les libertés locales.