Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 10 décembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Amar X ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. Amar X,
- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 27 février 2002, de l'arrêté du 25 février 2002 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté du 10 décembre 2002 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a ordonné la reconduite à la frontière de M. X, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a estimé que des documents fournis par l'intéressé ne pouvaient inférer qu'il n'aurait pas séjourné en France de façon continue pendant plus de dix ans ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les documents produits par M. X ne permettent pas de tenir pour établie sa présence habituelle en France au cours des années 1993 à 1996 ; que, pour ces années, celui-ci ne fait état que d'un document de sécurité sociale établi pour une autre personne déjà détentrice d'un titre de séjour, d'extraits de comptes non nominatifs d'une agence bancaire située au Maroc et de diverses attestations de proches et amis qui ne permettent pas d'établir la réalité des allégations de l'intéressé ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce qu'il pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour en application du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif de Rouen et devant le Conseil d'Etat ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté du 10 décembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant que, par un arrêté du 17 janvier 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du mois de janvier 2002, M. Bruno Fontenaist, préfet de la Seine-Maritime a donné à M. Claude Morel, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Maritime, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Morel n'aurait pas été compétent faute d'être titulaire d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que si M. X fait valoir que ses parents et certains de ses frères et soeurs ont la nationalité française ou sont titulaires d'une carte de résident et qu'il n'a plus aucune perspective professionnelle au Maroc, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine où résident notamment certaines de ses soeurs ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour sur le territoire français de M. X, qui est célibataire et sans enfant, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que ledit arrêté n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 décembre 2002, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 10 décembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que l'avocat de M. Daanoun demande au titre des frais exposés qu'il aurait réclamés à son client si celui-ci n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale soit mise à la charge de l'EtatX, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 17 décembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par M. X est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCP Delaporte, Briard et Trichet sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Amar X, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.