Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 26 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CCF CHANGE 1, dont le siège est ... ; la SOCIETE CCF CHANGE 1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 14 février 2002, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande d'annulation des jugements du tribunal administratif de Melun du 1er juillet 1999 et du 25 mai 2000 en tant qu'ils ont rejeté ses demandes tendant à être indemnisée par Aéroports de Paris ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler dans cette mesure lesdits jugements et de condamner Aéroports de Paris à lui verser à titre principal la somme de 10 447 331,15 euros, majorée des intérêts à compter du 29 janvier 1998, à titre d'indemnisation de la perte de revenus et, à titre subsidiaire, la somme de 8 105 409,35 euros majorée des intérêts à compter de la même date à titre d'indemnisation de sa perte de chance ;
3°) de condamner Aéroports de Paris à lui payer une somme de 7 622,45 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Balat, avocat de la SOCIETE CCF CHANGE 1 et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat d'Aéroports de Paris,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de deux conventions temporaires d'occupation du domaine public en date des 17 et 26 juin 1992, la SOCIETE CCF CHANGE, aujourd'hui dénommée CCF CHANGE 1, a été autorisée par Aéroports de Paris à exercer une activité de bureau de change dans les aéroports d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle ; que ces conventions, conclues initialement jusqu'au 31 décembre 1994, ont été prorogées par deux avenants du 26 janvier 1996 jusqu'au 31 décembre 1997 ; qu'en 1997, l'établissement public a engagé une procédure de mise en concurrence en vue du choix d'un prestataire autorisé à exercer lesdites activités de change sur l'emprise de chacun de ces aéroports ; que la société requérante s'est portée candidate à sa propre succession ; que, par lettre du 1er octobre 1997, la SOCIETE CCF CHANGE a été informée par Aéroport de Paris que son offre n'avait pas été retenue, l'établissement public ayant choisi la société Travelex France comme future exploitante de l'activité de change dans les deux aéroports précités ; que, contestant son éviction de cette activité, la société requérante a formé cinq requêtes tendant à l'annulation des différentes décisions d'Aéroports de Paris écartant sa candidature, refusant le renouvellement des deux conventions d'occupation temporaires susmentionnées et concluant des conventions de même nature avec la société Travelex pour l'exploitation de l'activité de change à Orly et X... Charles de Gaulle ; qu'elle a également présenté une requête tendant à l'indemnisation de deux chefs de préjudice, d'une part, au titre de la perte de bénéfices subie pour l'année 1998, d'autre part, au titre de la perte de chance d'obtenir le renouvellement des conventions concernées ; que, par jugements du 1er juillet 1999, joignant les diverses requêtes, et du 25 mai 2000, le tribunal administratif de Melun a prononcé l'annulation des cinq décisions contestées d'Aéroports de Paris et rejeté les demandes indemnitaires de la SOCIETE CCF CHANGE ; que la SOCIETE CCF CHANGE 1 demande l'annulation de l'arrêt en date du 14 février 2002, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande d'annulation des jugements du tribunal administratif de Melun du 1er juillet 1999 et du 25 mai 2000 rejetant ses demandes d'indemnisation ;
Sur les conclusions indemnitaires au titre de la perte de revenu :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la convention n° 70 608, conclue le 17 juin 1992 entre la SOCIETE CCF CHANGE et l'établissement public Aéroports de Paris en vue de fixer les conditions d'occupation du domaine public pour l'exercice d'une activité de bureau de change sur l'aéroport d'Orly, et la convention n° 85 600, conclue aux mêmes fins le 26 juin 1992 entre les mêmes parties pour l'aéroport de X..., comportaient toutes deux un article 25, rédigé dans les deux cas en ces termes : La présente convention est conclue pour une durée de cinq ans à compter rétroactivement du 1er janvier 1990 jusqu'au 31 décembre 1994. Elle se poursuivra ensuite, d'année en année par tacite reconduction, à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée au moins douze mois avant le terme de la période annuelle en cours. ; qu'aux termes de sa délibération en date du 16 mars 1995, le conseil d'administration d'Aéroports de Paris a donné son accord, d'une part, à la reconduction tacite de ces deux conventions pour l'année 1995, d'autre part, à leur prorogation du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, tout en précisant que le taux de redevance de 26 % alors applicable serait abaissé à 25 % en 1996 et 1997, pour les produits de change et commissions autres que détaxe au cas où cette dernière activité ne serait plus assurée par CCF-Change à l'issue de la consultation à venir ;
En ce qui concerne l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle :
Considérant que la SOCIETE CCF CHANGE et l'établissement public Aéroports de Paris ont signé le 26 janvier 1996 un avenant à la convention n° 85 600 dont l'exposé, qui figurait au début du texte du contrat approuvé par les parties, énonçait : Par délibération en date du 16 mars 1995, le conseil d'administration d'Aéroports de Paris a décidé de proroger ladite convention pour une durée de trois ans, soit à compter rétroactivement du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997. Le présent avenant a donc pour objet : - de proroger la présente convention et de supprimer la clause de tacite reconduction (...) ; que, l'article 1er de cet avenant, qui stipulait que : Comme il est énoncé dans l'exposé ci-dessus, l'autorisation d'occupation et d'exploitation consentie au bénéficiaire par convention n° 85 600 est prorogée pour une durée de trois ans, soit à compter rétroactivement du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, faisait explicitement référence aux énonciations précitées de l'exposé relatives à la suppression de la clause de tacite reconduction ; que, dès lors, en jugeant que, dans ces conditions, la commune intention des parties signataires de l'avenant du 26 janvier 1996 avait été de supprimer la clause de tacite reconduction figurant dans la convention initiale, la cour n'a pas entaché l'arrêt attaqué d'une dénaturation ni des stipulations de la convention n° 85 600, ni de celles de son avenant ni des termes du procès-verbal de la délibération en date du 16 mars 1995 du conseil d'administration d'Aéroports de Paris ;
En ce qui concerne l'aéroport d'Orly :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE CCF CHANGE et l'établissement public Aéroports de Paris ont également signé, le 26 janvier 1996, un avenant à la convention n° 70 608 relative à l'aéroport d'Orly, dont les stipulations sont identiques à celles de l'avenant concernant l'aéroport de X... à la seule exception de la mention de l'exposé relative à la suppression de la clause de tacite reconduction ; qu'à l'instar de l'avenant à la convention n° 85 600, l'avenant dont s'agit prévoit, tant dans son exposé que dans son article 1er, la prorogation de la convention pour une période de trois ans expirant au 31 décembre 1997 ; que si l'article 7 de cet avenant stipule que les clauses non contraires au présent avenant demeurent intégralement applicables la reconduction tacite d'année en année prévue par l'article 25 de la convention n° 70 608 est directement contraire aux stipulations de l'article 1er de l'avenant en date du 26 janvier 1996 qui prévoit une prorogation pour une durée de trois ans ; qu'il résulte également des stipulations du même avenant que les taux de redevance applicables sont fixées pour des périodes déterminées, de sorte qu'aucun taux n'est prévu au-delà du 31 décembre 1997 ; que la société requérante ne peut utilement soutenir que l'article 25 de la convention initiale ne figure pas au nombre des articles dont la caducité est prononcée dans l'exposé des motifs de l'avenant litigieux, dès lors que cette énumération ne concerne que les articles devant être remplacés par de nouvelles dispositions ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le conseil d'administration d'Aéroports de Paris a entendu réserver, au plus tard, à l'expiration de la date de prorogation des deux avenants, la possibilité d'un changement de cocontractant à l'issue d'une procédure de consultation ; que, par suite, en jugeant souverainement, après avoir relevé, sans commettre d'erreur de droit, la volonté d'Aéroports de Paris d'autoriser un unique contractant à exercer dans les mêmes conditions à l'intérieur des deux aéroports d'Orly et de X..., et nonobstant l'absence d'une mention explicite en ce sens dans l'exposé de l'avenant en date du 26 janvier 1996, que la commune intention des parties avait également été de supprimer la clause de tacite reconduction figurant dans la convention initiale, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une dénaturation ni des stipulations de la convention n° 70 608, ni de celles de son avenant, ni des termes du procès-verbal de la délibération en date du 16 mars 1995 du conseil d'administration d'Aéroports de Paris ;
Sur les conclusions indemnitaires au titre de la perte de chance :
Considérant, en premier lieu, que la cour s'est bornée, par l'arrêt attaqué, à relever, d'une part, l'illégalité de la décision par laquelle le directeur général d'Aéroports de Paris a retenu l'offre de la société Travelex dans le cadre de la procédure de consultation susmentionnée, pour en déduire l'engagement de la responsabilité de cet établissement public à l'égard de la SOCIETE CCF CHANGE, d'autre part, que les dispositions du règlement de consultation ne faisaient pas obligation à Aéroports de Paris de rejeter la candidature de la société Travelex ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ces mentions ne peuvent être regardées comme procédant d'une motivation par référence à un autre arrêt de la même cour lu le même jour que l'arrêt attaqué ; que, dès lors, le moyen tiré par la SOCIETE CCF CHANGE 1 d'une insuffisance de motivation de l'arrêt attaqué ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à faire valoir les motifs qui auraient dû conduire Aéroports de Paris à écarter la candidature de la société Travelex, sans établir qu'elle aurait eu intrinsèquement une chance sérieuse d'être retenue parmi les autres candidats ayant répondu à la procédure de mise en concurrence engagée par l'établissement public, la société requérante ne critique pas utilement l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CCF CHANGE 1 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'établissement public Aéroports de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à la SOCIETE CCF CHANGE 1 la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner la SOCIETE CCF CHANGE 1 à payer à l'établissement public Aéroports de Paris une somme de 3 000 euros que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE CCF CHANGE 1 est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE CCF CHANGE 1 versera à l'établissement public Aéroports de Paris une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CCF CHANGE 1, à l'établissement public Aéroports de Paris et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.