Vu la requête, enregistrée le 3 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 13 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 mars 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Vjollca X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ,
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,
- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme X,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, , de nationalité albanaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 7 juin 2001, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, soutient qu'elle a vendu ses biens en Albanie, que sa famille réside en France depuis plus de cinq ans et que ses deux filles obtiennent de bons résultats scolaires, elle n'établit pas ne plus avoir de familles en Albanie, ni qu'elle ne pourrait emmener avec elle ses enfants et son mari qui a également fait l'objet le 22 mars 2002 d'un arrêté de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté susvisé du 22 mars 2002, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X, devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement ; que l'arrêté de reconduite à la frontière du 22 mars 2002, eu égard aux termes de la demande présentée au préfet, vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi la disposition ci-dessus mentionnée et est suffisamment motivé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE n'ait pas procédé à l'examen particulier de la situation de Mme X, en prenant en compte les éventuels éléments nouveaux présentés par celle-ci depuis la première décision du 26 octobre 1999 ;
Sur la décision distincte désignant le pays de reconduite :
Considérant que si Mme X, soutient qu'à la suite d'un changement politique en Albanie, son mari a été destitué de ses fonctions de conseiller diplomatique et qu'ils encourraient des risques en cas de retour en Albanie, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que Mme X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la commission des recours des réfugiés, n'établit pas l'existence des risques personnels que lui ferait courir son retour en Albanie ; qu'ainsi elle n'est pas fondée à soutenir que la décision désignant l'Albanie comme pays de destination aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du 13 novembre 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'avocat de Mme X, la somme que demande celui-ci correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 13 novembre 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X, devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la SCP Bouzidi, avocat de Mme X, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer la somme de 1 500 euros sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Vjollca X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.