Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Djenaba X... Y, demeurant ... ; Mme X... Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2003 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou de la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... Y, qui a été présente en France à compter de 1985 et dont la résidence habituelle sur le territoire est établie depuis 1997, vit maritalement depuis 1998 avec un ressortissant ivoirien, titulaire d'un titre de séjour et d'un emploi stable ; qu'elle l'a épousé en 2000 ; que le couple souhaite depuis plusieurs années avoir un enfant ce qui a conduit Mme X... Y à suivre, à partir de 1998, un traitement contre la stérilité ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à l'ancienneté de son séjour en France et de sa vie maritale, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 22 janvier 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressée a porté au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 10 juin 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ensemble l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 21 janvier 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... Y sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Djenaba X... Y, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.