Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X...
Y... Y, demeurant ... ; Mme Y... ... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 524 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'ordres de virements bancaires effectués au profit de sa fille à destination des Philippines, d'attestations précises et concordantes établies par des employeurs, des médecins et des proches de l'intéressée ainsi que des courriers qu'elle a régulièrement reçus en France, que Mme Y... Y résidait habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans le 24 janvier 2003, date à laquelle lui a été opposé un refus de séjour ; qu'ainsi la décision par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme Y... Y a méconnu les dispositions précitées de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que par conséquent l'arrêté de reconduite à la frontière du 11 juin 2003 fondé sur cette décision de refus de titre de séjour illégale, est lui-même entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, d'ordonner au préfet de police de délivrer, dans un délai d'un mois, une autorisation permettant à Mme Y... Y de séjourner sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à Mme Y... Y la somme de 1 524 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ensemble l'arrêté du préfet de police en date du 11 juin 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... Y sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour à Mme Y... Y.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme Y... Y la somme de 1 524 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme Y... Y est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X...
Y... Y, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.