Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 4 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude YX, demeurant ... ; M. Y Y demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 8 novembre 2001 par laquelle le président de la 3ème chambre B de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 13 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 à 1986 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Boulard, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. YX se pourvoit contre l'ordonnance du 8 novembre 2001 par laquelle la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté pour tardiveté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 à 1986 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le pli contenant le jugement du 13 novembre 1997 du tribunal administratif de Nice a été présenté à l'adresse de M. YX le 6 décembre 1997 puis lui a été distribué à une date non précisée ; que toutefois la réexpédition par la poste au tribunal de la formule d'accusé de réception est datée du 9 décembre ; que c'est par suite à cette dernière date que le délai de deux mois imparti à M. YX pour faire appel doit être regardé comme ayant commencé à courir ; que ce délai n'était pas expiré le 10 février 1998 lorsque l'appel de M. YX a été enregistré au greffe de la cour ; que l'ordonnance attaquée, qui a rejeté la requête de M. Y comme tardive, doit par suite être annulée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que M. YX soutient que la procédure de vérification de comptabilité de son cabinet d'avocat effectuée au titre des années 1985 et 1986 était irrégulière dès lors qu'il n'aurait reçu ni l'avis de vérification ni la Charte du contribuable vérifié ; qu'il ressort de l'instruction qu'il a reçu le 28 mars 1988, alors qu'il était incarcéré, un avis de vérification qui mentionnait qu'un exemplaire de la Charte lui était annexé et qui lui rappelait la faculté de se faire assister d'un conseil et de désigner, en son absence, une personne chargée de le représenter ; que, dès lors, le requérant doit être regardé comme ayant été régulièrement avisé de la vérification et faute d'avoir désigné un représentant pour suivre les opérations de contrôle pendant son incarcération, n'est fondé à se plaindre ni d'avoir été privé d'un débat oral avec le vérificateur, ni, en tout état de cause, de n'avoir pu assister à la consultation de sa comptabilité par celui-ci chez le juge d'instruction ;
Considérant que la seule circonstance que la notification de redressement a été adressée le 28 novembre 1988 ne suffit pas à établir que la vérification de comptabilité aurait excédé la durée de trois mois prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'en vertu de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales c'est la dernière intervention sur place du vérificateur et non la notification de redressement qui marque l'achèvement de la vérification ; que le requérant n'établit pas la fausseté de la mention, portée sur la notification de redressement du 28 novembre 1988, selon laquelle la vérification de comptabilité s'est achevée le 17 juin 1988 ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements contestés ont pour seul fondement d'une part, le rehaussement de ses bénéfices non commerciaux effectué à l'occasion de la vérification de sa comptabilité professionnelle et, d'autre part, la taxation de détournements opérés au préjudice de ses clients en 1982, 1984 et 1985, révélés dans le cadre d'une instance pénale ; que par suite le moyen tiré de l'irrégularité de l'examen de la situation fiscale personnelle du requérant est inopérant ;
Considérant que l'administration n'est pas tenue d'engager avec le contribuable un débat oral préalable à la notification de redressement contradictoire qu'elle adresse à partir des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication ; que les notifications de redressements afférentes aux années 1982, 1984 et 1985 étaient, au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, suffisamment motivées pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations ; que le vérificateur, affecté à la direction régionale des impôts de Marseille, était territorialement compétent pour contrôler M. YX qui résidait dans le Var ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à contester la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle au cours de laquelle a été prise la décision qui a clos l'instance ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que cette possibilité de reprise doive nécessairement s'opérer entre la date de la décision qui a clos l'instance et la fin de l'année suivante ; qu'il suffit qu'elle soit mise en oeuvre au plus tard avant l'expiration de l'année suivant celle au cours de laquelle a été prise la décision qui a clos l'instance ; qu'en l'espèce, l'instance pénale devant le tribunal de grande instance de Toulon à l'encontre du requérant a été ouverte en 1988 ; que la notification de redressement du 18 novembre 1988 et la mise en recouvrement du 31 juillet 1989 concernant les impositions au titre des années 1982 et 1984 sont intervenues avant la fin de l'instance pénale et donc à plus forte raison avant l'expiration du délai de reprise prévu à l'article 170 précité ;
Considérant qu'en vertu des articles 1658 et 1659 du code général des impôts, la date de mise en recouvrement de l'impôt établi par voie de rôle est celle de la décision administrative homologuant le rôle et non celle de l'envoi de l'avertissement délivré au contribuable ; qu'au regard des règles de prescription, l'imposition est régulièrement établie dès lors qu'elle a été mise en recouvrement avant l'expiration du délai de répétition ; qu'il ressort des pièces du dossier que les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement par voie de rôle le 31 juillet 1989 ; que la prescription d'assiette avait été interrompue par les notifications de redressements en date du 28 novembre 1988 dans le délai de reprise, qu'il s'agisse du délai général applicable au redressement des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 1985 ou du délai de reprise spécial prévu par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales pour la correction des insuffisances d'imposition révélées par l'instance pénale ; que les impositions ont été régulièrement établies avant l'expiration des délais de répétition ;
Considérant que si le requérant entend opposer la prescription de recouvrement en soutenant que l'administration ne justifierait pas de l'interruption en temps utile de ladite prescription dès lors qu'il n'aurait jamais reçu d'avis d'imposition des sommes mises en recouvrement par voie de rôle le 31 juillet 1989, un tel moyen qui concerne la régularité de la procédure de recouvrement ne peut utilement être invoqué au soutien de conclusions tendant à la décharge des impositions ;
Sur les redressements relatifs aux détournements :
Considérant que M. YX a fait l'objet d'une procédure pénale à la suite de plaintes déposées par plusieurs de ses clients en raison du détournement à son profit de sommes qu'ils lui avaient remises ; que l'administration, qui a la charge de la preuve, démontre le bien-fondé des impositions établies en retenant les montant et les dates des détournements révélés par l'instance pénale, dont M. YX se borne à alléguer le caractère erroné ;
Sur les charges non admises en déduction au titre de l'année 1985 :
Considérant qu'à la suite de la vérification de la comptabilité au titre de l'année 1985, l'administration a procédé à la réintégration d'une somme de 89 750 F correspondant à des rétrocessions d'honoraires non déclarées, d'une somme de 35 563 F correspondant à des charges salariales non effectivement supportées et de frais professionnels non justifiés s'élevant à 105 247 F : que M. YX, à qui il incombe de justifier des charges dont il demande la déduction, n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations sur la réalité desdites charges ;
Sur les pénalités :
Considérant que, par courrier du 24 janvier 1989, l'administration a fait savoir au requérant que, s'agissant des redressements afférents aux profits réalisés à l'occasion de détournements de fonds en 1982, 1984 et 1985, la bonne foi ne pouvait être retenue en raison d'une part, de l'importance des droits éludés et d'autre part, des dissimulations de revenus dont le caractère imposable ne pouvait échapper au contribuable ; que, par ces indications, l'administration a, en tout état de cause, suffisamment motivé les pénalités de mauvaise foi établies en application du I de l'article 1729 du code général des impôts, dont les dispositions ne sont pas incompatibles avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision d'appliquer les pénalités de mauvaise foi n'a pas été prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire manque en fait ;
Considérant que les allégations du requérant relatives à de prétendues erreurs commises dans le calcul des pénalités ne sont pas assorties de précisions suffisantes pour en apprécier la portée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. YX n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement susvisé du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 et 1984 à 1986 ;
Sur les conclusions présentées devant la cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. Y qui est la partie perdante dans ce litige en obtienne le bénéfice ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre B de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 8 novembre 2001 est annulée.
Article 2 : La requête présentée par M. YX devant la cour administrative de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Y devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude YX et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.