Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre 2002 et 29 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 31 juillet 2002 par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Lille du 5 juillet 2001, rejetant ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1992 ;
2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Boulard, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Le Prado, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Christian X a déduit de ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1992, d'une part le prix de revient des parts de copropriété du navire Le Lalysos et d'autre part une annuité d'amortissement des mêmes parts ; que l'administration a réintégré ces deux déductions ; que M. X se pourvoit contre l'ordonnance du 31 juillet 2002 par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai, confirmant le jugement du 5 juillet 2001 de Lille, a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôts impliqués par ces réintégrations et des intérêts de retard y afférents ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de... cour administrative d'appel peuvent par ordonnance : ... 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui présentent à juger en droit et en fait, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ;
Considérant que le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai, parce que la requête dont il était saisi soulevait les mêmes moyens que celle qu'avait rejetée cette cour par un arrêt n° 00-1271 en date du 5 juin 2002 passé en force de chose jugée, a cru pouvoir faire application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 précité ; que cependant, pour écarter l'un des moyens ainsi soulevé par la requête de M. X tiré de ce qu'il avait été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, l'ordonnance attaquée relève, comme l'avait fait l'arrêt du 5 juin 2002, que le contribuable a fait l'objet non pas d'une vérification mais d'un simple contrôle sur pièces ; qu'il résultait pourtant des pièces du dossier soumis à la cour que l'intéressé, à la différence du requérant de l'affaire n° 00-1271, avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité ; que par suite la requête de M. X posait à juger une question qui différait de celle qu'avait tranchée l'arrêt du 5 juin 2002 ; que M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 modifiée portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété ; qu'aux termes de l'article 35 du même code, présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : ... 7° membres des copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater ; qu'aux termes de l'article 61A du même code, les résultats à déclarer par les copropriétés mentionnées aux articles 8 quater et 8 quinquies sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction respectivement de l'amortissement du navire, du cheval de course ou de l'étalon./ Les copropriétés sont tenues aux obligations qui incombent à ces exploitants ; qu'enfin aux termes de l'article 39 E du même code chaque membre des copropriétés de navire mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ; pour la détermination des plus values, les amortissements pratiqués viennent en déduction du prix de revient ... ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices industriels et commerciaux imposables d'un copropriétaire de navire doivent être déterminés en deux étapes, d'abord au niveau de la copropriété, laquelle doit tenir la comptabilité des opérations d'exploitation du navire, dont elle n'a que la jouissance et qui ne figure donc pas à l'actif de son bilan, ensuite au niveau du copropriétaire, lequel doit comptabiliser, outre sa quote-part des résultats de l'exploitation de la copropriété, ses propres opérations patrimoniales d'acquisition des quirats, les charges d'amortissement et le cas échéant d'emprunt supportées à ce titre, ainsi que le produit de leur cession éventuelle ; que, pour être réduites, les obligations comptables incombant ainsi personnellement au copropriétaire autorisent le service à procéder, comme il l'a fait en l'espèce, à la vérification sur place de leur respect, sans être pour autant tenu de vérifier la comptabilité de la copropriété ; que le requérant, qui a rencontré le vérificateur à deux reprises, n'a pas été privé de la garantie du débat oral et contradictoire attachée à cette procédure ;
Considérant que les notifications de redressement adressées au contribuable l'ont suffisamment informé de la nature et de l'origine des informations sur lesquelles le vérificateur s'est fondé pour écarter l'amortissement du navire au titre de 1992 ;
Considérant que M. X ne peut en tout état de cause pas invoquer les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme, qui ne sont pas applicables à ce litige fiscal ;
Sur le droit au bénéfice des dispositions de l'article 238 bis HA :
Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction alors applicables : I Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 (...) III bis. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés à compter du 1er janvier 1992 dans les secteurs de l'hôtellerie, du tourisme, des transports et de la production et de la diffusion audiovisuelle et cinématographique doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre de l'économie, des finances et du budget ; que toutefois, en vertu du dernier alinéa du même article, cet agrément n'est pas exigé lorsque les biens mobiliers ont été commandés et ont fait l'objet de versements d'acomptes au moins égaux à 10 % de leur prix, avant le 1er décembre 1991 ;
Considérant que pour soutenir que son investissement dans le navire Le Lalysos était, en application de dispositions précitées, dispensé d'agrément, M. X fait valoir que ledit navire a été commandé le 12 septembre 1991 par la société de droit américain Jet Sea USA aux chantiers canadiens Beach Boat Builders et qu'un acompte, supérieur à 10 % de son prix, a alors été versé par cette société ; que toutefois il résulte de l'instruction que la Société Jet Sea USA, qui a réalisé une plus value de 10 900 000 F en rétrocédant le navire à la copropriété, devait être regardée comme ayant agi dans son intérêt exclusif et non en tant que mandataire de la copropriété du Lalysos nonobstant les stipulations de l'article 15 de la convention de copropriété du navire, intervenue le 31 décembre 1992, soit après l'expiration de la période de dispense d'agrément, selon lesquelles la copropriété a repris les engagements de la commande par la société Jet Sea S.A. pour le compte de la copropriété Lalysos à la date du 12 septembre 1991 ; que M. LEBLAN ne peut à cet égard, en tout état de cause, invoquer les dispositions de l'article 1843 du code civil, aux termes desquelles la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci, dès lors que la portée rétroactive attachée à une telle reprise d'engagement ne peut s'appliquer à l'acquisition du navire dont les copropriétaires conservent la propriété et qui n'est qu'apporté en jouissance à la copropriété ; que M. LEBLAN n'est pas davantage fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédure fiscales, une instruction du 16 juin 1992 qui ne concerne pas la période de dispense de l'agrément ; qu'ainsi les conclusions de la requête relatives au bénéfice des dispositions de l'article 238 bis HA doivent être rejetées ;
Sur le droit à l'amortissement dégressif :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 E du code général des impôts : Pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1978, chaque membre des copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ; que, selon l'article 39 A du même code : L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les plafonds de l'amortissement dégressif par référence au taux de l'amortissement linéaire tel qu'il résulte de la législation existante ; que l'article 22 de l'annexe II au même code relatif, à l'amortissement dégressif des biens d'équipement, dispose que : Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif dans les conditions fixées aux articles 23 et 25 les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : matériels et outillage utilisé pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport... ; qu'enfin aux termes de l'article 23 de la même annexe : Le montant de l'annuité d'amortissements afférente à chacune des immobilisations énumérées à l'article 22 peut être déterminé :1° En ce qui concerne l'exercice en cours à la date de l'acquisition ou de la construction de l'immobilisation, en appliquant au prix de revient de ladite immobilisation le taux obtenu en multipliant le taux d'amortissement linéaire correspondant à la durée normale d'utilisation de cette immobilisation par celui des coefficients définis à l'article 24 qui lui est applicable. L'annuité ainsi calculée est réduite, s'il y a lieu, selon la proportion existant entre, d'une part, la durée de la période allant du premier jour du mois d'acquisition ou de la construction à la date de clôture de l'exercice, d'autre part, la durée totale dudit exercice ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration a remis en cause l'amortissement des parts de copropriété pratiqué par M. X sur les résultats de l'année 1992 au motif que le navire n'avait été livré qu'en 1994 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi susmentionnée du 3 janvier 1967 : Sauf convention contraire, le constructeur est propriétaire du navire en construction jusqu'au transfert de propriété au client. Ce transfert se réalise avec la recette du navire après essais ; qu'en l'absence de stipulations particulières le transfert de la propriété s'est réalisé avec la recette du navire, laquelle doit être réputée intervenue en 1994 compte tenu de l'ensemble des éléments du dossier au nombre desquels figurent le document d'entrée sur le territoire et de contrôle de la navigation maritime, visé par le service des douanes de Pointe-à-Pitre le 27 janvier 1994, la déclaration d'importation en date du 7 février 1994 et visée le même jour par ce service et le permis de navigation accordé le 3 février 1994 au vu d'un certificat international conditionnel de franc-bord dressé le même jour, et bien qu'un acte de francisation provisoire dudit navire ait été établi le 30 décembre 1992 par le receveur des douanes de Pointe-à-Pitre ; que par suite aucun amortissement ne pouvait être opéré au titre de l'année 1992 ; que la doctrine administrative, invoquée par M. X sur le fondement de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, qui autorise à certaines conditions l'armateur d'un navire à anticiper l'amortissement dégressif d'un an avant l'année de sa livraison, c'est à dire de sa recette, n'est pas davantage de nature à justifier l'amortissement litigieux pratiqué au titre de 1992 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 5 juillet 2001, le tribunal administratif de Lille a refusé de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre de l'année 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X, qui est la partie perdante dans ce litige, en obtienne le bénéfice ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance en date du 31 juillet 2002 rendue par le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai est annulée.
Article 2 : Les conclusions d'appel de M. X et le surplus des conclusions de son pourvoi en cassation sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Christian X et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.