Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d 'annuler le jugement du 3 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... Rocio Y ;
2°) de rejeter la requête présentée par cette dernière devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Josseline de Clausade, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Mme Y,
- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; que, selon l'article 12 bis de la même ordonnance : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3º A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant que, si Mme Y, ressortissante colombienne qui s'est trouvée dans le cas prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, fait valoir qu'elle réside de façon continue en France depuis 1991, soit plus de dix ans à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière, les différentes pièces qu'elle produit au dossier, essentiellement des témoignages non contemporains et des courriers reçus, ne suffisent pas à établir la réalité et le caractère continu de sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il était intervenu en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels repose la mesure de reconduite ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, âgée de 42 ans, serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; que si elle a fait venir en France ses deux enfants majeurs, également en situation irrégulière et dont l'un a, au demeurant, fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, et si elle fait valoir qu'elle vit en concubinage, depuis une date qui n'est d'ailleurs pas établie, avec un ressortissant colombien en situation régulière, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 juin 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme X... Rocio Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.