Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre 2003 et 22 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Gheorghe X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 août 2003 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en tant que celle-ci rejette sa demande tendant, d'une part, à ce que lui soient communiquées les informations le concernant figurant dans le système informatique national du système d'information Schengen, d'autre part, à ce que ces données soient rectifiées ou effacées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique aux fichiers et aux libertés, modifiée notamment par la loi du 18 mars 2003, notamment ses articles 6 et 39 ;
Vu la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relative à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de ladite convention ;
Vu le décret n° 95-577 du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, qui s'est vu refuser le 6 août 1997 un visa d'entrée sur le territoire allemand au motif qu'il faisait l'objet de la part des autorités françaises d'un signalement aux fins de non-admission sur le territoire français dans le fichier du système d'information Schengen, a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en lui demandant communication et, le cas échéant, la rectification ou l'effacement des informations le concernant figurant dans ce fichier ; qu'il demande l'annulation de la décision du 27 août 2003 par laquelle la CNIL l'a informé qu'il avait été procédé aux vérifications demandées en application des dispositions de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 en tant que, par cette décision, la commission lui refuse l'accès aux informations le concernant intégrées dans le système informatique national du système d'information Schengen et en tant qu'elle aurait refusé de faire procéder aux modifications demandées ;
Considérant, d'une part, que le système d'information Schengen a pour objet, conformément à l'article 93 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 signée à Schengen le 19 juin 1990 de préserver l'ordre et la sécurité publics y compris sur la sûreté de l'Etat, et l'application des dispositions sur la circulation des personnes de la présente convention, sur les territoires des parties contractantes à l'aide des informations transmises par ce système ; que le droit d'accès au système d'information Schengen est régi par l'article 109 de la convention, qui stipule que : Le droit de toute personne d'accéder aux données la concernant qui sont intégrées dans le système d'information Schengen s'exerce dans le respect du droit de la partie contractante auprès de laquelle elle le fait valoir. Si le droit national le prévoit, l'autorité nationale de contrôle prévue à l'article 114 paragraphe 1 décide si des informations sont communiquées et selon quelles modalités. ; que l'article 110 stipule que : Toute personne peut faire rectifier des données entachées d'erreur de fait la concernant ou faire effacer des données entachées d'erreur de droit la concernant. ; que l'article 114 stipule que : 1. Chaque partie contractante désigne une autorité de contrôle chargée, dans le respect du droit national, d'exercer un contrôle indépendant du fichier de la partie nationale du système d'information Schengen et de vérifier que le traitement et l'utilisation des données intégrées dans le système d'information Schengen ne sont pas attentatoires aux droits de la personne concernée (…) 2. Toute personne a le droit de demander aux autorités de contrôle de vérifier les données la concernant intégrées dans le système d'information Schengen ainsi que l'utilisation qui est faite de ces données. Ce droit est régi par le droit national de la partie contractante auprès de laquelle la demande est introduite ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée : Lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès prévu au présent chapitre s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant. ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen, le droit d'accès aux données enregistrées dans ce système informatique s'exerce auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés, conformément aux articles 109 et 114 de la convention et à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux données susceptibles d'être consultées directement par l'intéressé exerçant ce droit. ;
Considérant, en premier lieu, que M. X a eu, dans le cadre de l'instruction écrite devant le Conseil d'Etat, communication des informations concernant son inscription dans le système informatique national du système d'information Schengen ; que, dès lors, les conclusions de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en tant qu'elle lui refuse la communication de ces informations sont devenues sans objet ;
Considérant, en second lieu, que l'état de l'instruction ne permet pas de connaître les motifs de l'inscription de M. X dans ce système ni d'apprécier par conséquent la légalité du refus qu'aurait opposé la commission à sa demande tendant à la rectification ou à l'effacement de cette inscription ;
Considérant que si, conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties, il lui appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ;
Considérant qu'en l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de lui communiquer - pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire - tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux motifs concernant l'inscription, à la date de sa décision du 27 août 2003, de M. X dans le système informatique national du système d'information Schengen ; que, dans l'hypothèse où la Commission nationale de l'informatique et des libertés estimerait que ces motifs, ou certains d'entre eux, sont couverts par un secret garanti par la loi ou que, s'agissant de données intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, leur communication mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où elle estimerait en conséquence devoir refuser leur communication, il lui appartiendrait néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre au Conseil d'Etat de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets garantis par la loi ou imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; qu'enfin, dans le cas où un refus serait opposé à une demande d'information formulée par lui, il appartiendrait au Conseil d'Etat, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément de décision à l'ensemble des données fournies par le dossier ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. X en tant qu'elle concerne la communication des informations concernant son inscription dans le système informatique national du système d'information Schengen.
Article 2 : Avant-dire-droit sur la requête n° 261358 de M. X, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, il est ordonné à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de communiquer au Conseil d'Etat, dans un délai de deux mois, les éléments d'informations définis par les motifs de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gheorghe X, au président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.