Vu le recours, enregistré le 1er septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 1er juillet 2004 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 10 février 2000 du préfet de police refusant de verser à M. Hervé X... la somme de 1 525,49 euros au titre de la protection fonctionnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 95-73 du 21 juin 1995 ;
Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
Vu le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carine Moreau-Soulay, Auditeur,
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté et qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé (...) ; qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 21 janvier 1995 en vigueur à la date de la décision du préfet de police : La protection de l'Etat dont bénéficient les fonctionnaires de la police nationale en vertu de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires s'applique aux préjudices qu'ils subissent à l'occasion ou du fait de leurs fonctions ; qu'aux termes de l'article 32 du décret du 9 mai 1995 : La protection de l'Etat qui est due aux fonctionnaires actifs de services de la police nationale, lorsqu'eux-mêmes ou leurs conjoints ou enfants sont victimes, à l'occasion ou du fait de leurs fonctions, d'atteintes contre les personnes ou leurs biens résultant de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages, comporte : a) La prise en charge des frais résultant des procédures judiciaires engagées avec l'accord de l'administration par les fonctionnaires ; b) La réparation pécuniaire, le cas échéant, de chaque chef de préjudice ;
Considérant que si la protection instituée par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 comprend, le cas échéant, la réparation des préjudices subis par un agent victime d'attaques dans le cadre de ses fonctions, elle n'entraîne pas la substitution de la collectivité publique dont il dépend pour le paiement des dommages et intérêts accordés par une décision de justice, aux auteurs de ces faits lorsqu'ils sont insolvables ou se soustraient à l'exécution de cette décision de justice, alors même que l'administration serait subrogée dans les droits de son agent ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par jugement du 17 janvier 1996, confirmé par la cour d'appel de Paris, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. Y, auteur d'accusations calomnieuses à l'égard de M. X..., brigadier de police, à verser à celui-ci une somme de 10 000 F au titre de dommages et intérêts ; que cette somme n'ayant pu être recouvrée du fait de l'insolvabilité de M. Y, M. X... a demandé qu'elle lui soit versée par l'Etat ;
Considérant que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, annulé la décision par laquelle le préfet de police a refusé de verser les sommes en cause à M. X... ; qu'en jugeant ainsi que la collectivité publique devait se substituer à l'auteur des outrages, insolvable, pour verser à M. X... les dommages et intérêts résultant de la condamnation de M. Y par le juge civil, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES est par suite fondé à demander l'annulation de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans ces conditions, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la protection instituée par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 n'entraîne pas la substitution de la collectivité publique dont dépend l'agent, pour le paiement des dommages et intérêts accordés par une décision de justice, aux auteurs de ces faits lorsqu'ils sont insolvables ou se soustraient à l'exécution de cette décision de justice, alors même que l'administration serait subrogée dans les droits de son agent ; que c'est par suite à bon droit que le préfet de police a rejeté la demande de M. X..., laquelle tendait non à ce que soit assurée une juste réparation du préjudice qu'il avait subi du fait des attaques dirigées contre lui, mais à ce que l'Etat fût substitué à M. Y pour le paiement des sommes que le juge civil l'avait condamné à verser à cet agent ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 1er juillet 2004 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant ce tribunal est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et à M. Hervé X....