Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 19 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS, dont le siège est à Eugénie-Les-Bains (40320) ; la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 18 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 18 novembre 1999 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1989 au 30 avril 1992 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 (77/388/CEE) modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bénard, Auditeur,
- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS, qui a pour activité l'exploitation d'établissements thermaux comportant également des activités hôtelières et de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1989 au 30 avril 1992 , à l'issue de laquelle l'administration fiscale a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les arrhes que lui avaient versé les clients lors de la réservation des chambres et qu'elle a conservées après l'annulation de la réservation ; que la société requérante demande l'annulation de l'arrêt du 18 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le bien-fondé de cet assujettissement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, qui transpose en droit français les dispositions de l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ;
Considérant que pour juger que les arrhes versées par les clients de la société requérante et conservées par elle en cas d'annulation de la réservation, devaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur ce que ces arrhes devaient être regardées, dans cette hypothèse, comme la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de services individualisable consistant à établir le dossier du client et à réserver son séjour ; que la société soutient, au contraire, que ces arrhes doivent être regardées comme des indemnités versées en réparation du préjudice subi par elle du fait de la défaillance de ses clients, et comme telle non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il y a lieu de rechercher une application uniforme, au sein de la Communauté européenne, des règles d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée fixées, en ce qui concerne les prestations de services, par l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive susmentionnée ; qu'il convient donc, pour répondre au moyen de la société requérante, de déterminer si des sommes versées d'avance à titre d'arrhes dans le cadre de contrats de vente portant sur des prestations de services assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être regardées, lorsque l'acquéreur fait usage de la faculté de dédit qui lui est ouverte et que ces sommes sont conservées par le vendeur, comme rémunérant la prestation de réservation et, comme telles, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, ou comme des indemnités de résiliation versées en réparation du préjudice subi, à la suite de la défaillance du client, sans lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux et, comme telles, non soumises à cette même taxe ;
Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige et qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir si des sommes versées à titre d'arrhes dans le cadre de contrats de vente portant sur des prestations de services assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée doivent être regardées, lorsque l'acquéreur fait usage de la faculté de dédit qui lui est ouverte et que ces sommes sont conservées par le vendeur, comme rémunérant la prestation de réservation et comme telles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ou comme des indemnités de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client, sans lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux, et, comme telles, non soumises à cette même taxe.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE THERMALE D'EUGENIE-LES-BAINS, au président de la Cour de justice des Communautés européennes, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des affaires étrangères.