Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 avril et 20 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE, dont le siège est 16, rue Villeneuve à Marseille Cedex 1 (13232) ; la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 17 février 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 septembre 1999 du tribunal administratif de Marseille ayant, à la demande de M. Christian Y, annulé l'arrêté du 27 janvier 1997 par lequel le directeur de cette caisse a refusé de renouveler l'agrément de l'intéressé en qualité d'appréciateur du crédit municipal ;
2°) statuant au fond, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. Y la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs
Vu le décret du 30 décembre 1936 modifié arrêtant le texte d'un règlement type déterminant l'organisation des caisses de crédit municipal et monts-de-piété ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Tiberghien, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. Y,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE demande l'annulation de l'arrêt en date du 17 février 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé l'annulation par le tribunal administratif de Marseille de la décision de cette caisse de ne pas renouveler l'agrément de M. Christian Y en qualité d'appréciateur auprès d'elle ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 27 du règlement général déterminant l'organisation des caisses de crédit municipal et monts-de-piété annexé au décret du 30 décembre 1936, dans sa rédaction applicable : L'appréciation des objets remis en nantissement par les emprunteurs est faite par des commissaires-priseurs, qui sont désignés pour une durée de trois ans renouvelable par le directeur de chaque caisse de crédit municipal. / Avant de procéder à la nomination ou de mettre fin aux fonctions d'un commissaire-priseur, le directeur sollicite l'avis du conseil d'orientation et de surveillance de la caisse. Il recueille en outre l'avis de la chambre de discipline des commissaires-priseurs compétente préalablement à chaque nomination ; en l'absence de réponse dans un délai de trente jours, l'avis de la chambre de discipline est réputé favorable ; qu'aux termes de l'article 28 du même règlement : Les appréciateurs sont responsables envers l'établissement des suites de leurs évaluations ; en conséquence, lorsque à défaut de dégagement ou de renouvellement il sera procédé à la vente d'un nantissement, (…) ils seront tenus de lui rembourser la différence. (…) / Cette responsabilité est solidaire entre les appréciateurs lorsque ces fonctions sont exercées par plusieurs commissaires-priseurs. / En garantie de cette responsabilité, les appréciateurs doivent verser dans la caisse de l'établissement des cautionnements dont le montant est fixé par le conseil d'administration ; qu'aux termes de l'article 29 de ce règlement La rémunération de chaque appréciateur est fixée par le conseil d'orientation et de surveillance de l'établissement. Elle ne peut excéder 0,5 % du montant des prêts qui ont été consentis par engagement ou renouvellement sur la base de l'appréciation ; qu'il résulte de ces dispositions que si les appréciateurs, obligatoirement choisis parmi les commissaires-priseurs, sont liés aux caisses de crédit municipal par un rapport de droit public qui les fait participer à l'exécution du service public administratif d'aide sociale confié à ces caisses, il ne sont pas placés à leur égard dans un rapport de subordination ; que, nommés par le directeur en qualité d'experts auprès de la caisse selon des critères tirés de leur qualification, de leur moralité et de leur solvabilité, ils sont collectivement garants des évaluations qu'ils donnent et sont rémunérés en fonction du montant de leurs appréciations, selon un barème fixé par le conseil d'orientation de la caisse ; qu'en raison des particularités de leur situation, la seule sanction prévue, en son article 27, par le règlement général qui leur est applicable est l'interruption de leur mission au cours de la période de trois ans pour laquelle ils sont désignés ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Y a été nommé appréciateur auprès de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE pour une durée de trois ans à compter du 9 août 1993 par arrêté du directeur en date du 23 novembre 1993 et a sollicité le renouvellement de sa nomination le 6 juin 1996 ; que cette demande de renouvellement a été rejetée par le directeur le 27 janvier 1997 considérant les erreurs répétées d'appréciation de tableaux provençaux qui ont été commises par M. Y ; qu'en effet, entre les mois de janvier et de juillet 1994, M. Y a authentifié comme originales 27 oeuvres de Louis-Mathieu Verdilhan et de Jean-Baptiste Olive, dont la plupart se sont révélées être des faux ; qu'il résulte des dispositions précitées qu'en décidant de ne pas renouveler la désignation de M. Y pour une durée de trois ans, le directeur de la caisse n'a pas pris une sanction disciplinaire mais s'est borné à faire usage de son pouvoir de nomination au regard des aptitudes professionnelles des candidats ; qu'ainsi la cour a inexactement qualifié de sanction disciplinaire le refus de désigner à nouveau M. Y en qualité d'appréciateur ; que la caisse est donc fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que pour annuler la décision litigieuse le tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'eu égard au caractère que présentait, dans les circonstances susmentionnées, le refus de renouvellement d'agrément sollicité, une telle mesure ne pouvait intervenir sans que M. Y eût été mis en mesure de discuter les griefs discutés contre lui ;
Considérant que la décision refusant de désigner à nouveau M. Y comme expert auprès de la CAISSE DU CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE ne fait pas obstacle à l'exercice de sa profession par l'intéressé, qui est à titre principal commissaire-priseur dans plusieurs villes du sud-est de la France ; qu'il appartenait au directeur, comme il l'a fait, d'apprécier l'aptitude du candidat à remplir correctement sa mission d'expert eu égard, notamment, à la manière dont il l'avait exercée au cours de la période antérieure ; que sa décision, qui ne présentait pas un caractère disciplinaire et se bornait à refuser une nouvelle désignation à laquelle M. Ribière n'avait aucun droit, n'avait pas à être précédée d'une invitation de l'intéressé à présenter ses observations écrites ou orales et n'avait pas à respecter d'autres formalités que celles prévues par l'article 27 du règlement général susmentionné ; que la caisse est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision pour méconnaissance des droits de la défense ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. Ribière au soutien de sa demande devant le tribunal administratif ;
Sur la légalité externe :
Considérant en premier lieu que la nomination en qualité d'expert auprès d'une caisse de crédit municipal ne constitue pas un droit pour les commissaires-priseurs ; que le refus de nomination n'a dès lors pas à être motivé en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant en deuxième lieu que le directeur de la caisse a, conformément aux dispositions précitées du règlement général, préalablement recueilli d'une part l'avis du conseil d'orientation de la caisse le 16 décembre 1996, lequel a été défavorable, et celui de la chambre de discipline des commissaires-priseurs, qui ne s'est pas prononcée dans le délai de trente jours à compter de sa saisine le 21 octobre 1996 et doit donc être réputée avoir donné un avis favorable à la nomination ; que contrairement à ce que soutient M. Ribière, le directeur de la caisse n'était pas tenu de saisir à nouveau la chambre de discipline s'il envisageait un refus de désignation malgré l'avis favorable réputé émis par cette chambre ;
Considérant en troisième lieu qu'aucune disposition ne faisait obstacle à ce que le directeur de la caisse sollicite, en complément des avis prévus à l'article 27 du règlement précité, le doyen de la bourse commune des commissaires-priseurs afin d'éclairer son appréciation sur l'aptitude professionnelle de M. Ribière ; que le recueil, à l'initiative du doyen, de l'avis de l'association des commissaires-priseurs appréciateurs auprès de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE n'est pas de nature à affecter la légalité de la décision du directeur ; qu'ainsi le moyen tiré de l'illégalité de cette consultation facultative et de son incompatibilité avec le règlement général doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant en premier lieu que le régime de responsabilité solidaire organisé par l'article 28 du règlement général susmentionné ne faisait pas obstacle à ce que le directeur de la caisse retienne les erreurs commises personnellement par M. Ribière pour apprécier son aptitude à l'exercice des fonctions d'appréciateur ;
Considérant en deuxième lieu qu'en estimant, malgré l'avis réputé favorable émis par la chambre de discipline des commissaires-priseurs, que M. Ribière ne justifiait pas en janvier 1997, en raison des erreurs répétées commises entre janvier et juillet 1994 dans l'attribution d'oeuvres de l'école provençale, de l'aptitude requise pour exercer la mission d'expert auprès de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE, le directeur de cette caisse n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant en troisième lieu que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. Ribière une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE au cours de l'instance et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les sommes que M. Ribière demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soient mises à la charge de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Marseille en date du 17 février 2004 et le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 23 septembre 1999 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. Ribière devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : M. Ribière versera à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. Ribière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE MARSEILLE, à M. Christian Ribière et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.