Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 5 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE, dont le siège est ... ; la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 6 février 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 3 mai 2001 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Blois à lui payer la somme de 21 757 880,59 francs hors taxes au titre du règlement du marché du 26 octobre 1993, majorée des intérêts au taux contractuel à compter du 17 avril 1996, capitalisés, ainsi qu'à la remise des pénalités de retard que lui a infligées ladite commune ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du tribunal et de faire droit à ses conclusions présentées en première instance ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Blois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76.87 du 21 janvier 1976 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Blois,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE a été chargée, par un marché conclu avec la ville de Blois le 3 juin 1993, de la réalisation du lot gros oeuvre pour la construction du Centre national de la langue française ; que, par un jugement en date du 3 mai 2001, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la requête de la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE tendant d'une part, à la condamnation de la ville de Blois à lui payer une somme de 21 757 880,59 francs en règlement de ce marché et d'autre part à la remise des pénalités de retard qui lui ont été infligées ; que par un arrêt en date du 6 février 2004, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel interjeté par la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE contre ce jugement ; que la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président de la formation de jugement de la cour administrative d'appel de Nantes a pris une ordonnance de clôture d'instruction au 8 novembre 2002 ; que la ville de Blois a produit le 20 février 2003 un nouveau mémoire en réplique ; que, toutefois, ce mémoire ne contenait aucun élément de droit ou de fait nouveau sur lequel la cour aurait fondé son arrêt ; que, par suite, la circonstance que la cour a visé ce mémoire sans rouvrir l'instruction, ni communiquer ce mémoire à la société n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie devant elle ;
Considérant que si la cour a fait référence à un second courrier du 2 juillet 1996 adressé par la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE au maître de l'ouvrage, il ressort de la motivation de sa décision que la cour entendait mentionner en réalité le courrier envoyé au maître d'oeuvre ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier mais commis une simple erreur matérielle qui est demeurée sans incidence sur son raisonnement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : L'entrepreneur doit, dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. …Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif…Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50./ Si les réserves sont partielles, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas ; qu'aux termes de l'article 50 du même cahier des clauses administratives générales : 50.22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage…50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de la réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché… ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le mémoire de réclamation transmis par la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE le 2 juillet 1996 au maître d'oeuvre et annexé au mémoire de réclamation adressé le même jour à la personne responsable du marché, ne comportait de contestation motivée qu'en ce qui concerne les abattements opérés par la ville de Blois à raison de malfaçons ou de prestations non réalisées ; que s'il mentionnait l'existence de différences avec le projet de décompte présenté par l'entreprise s'agissant des intérêts moratoires et des paiements au sous-traitant, ces allégations générales n'étaient assorties d'aucune justification ; qu'ainsi, en jugeant que la société requérante n'avait présenté de mémoire de réclamation qu'en ce qui concerne les abattements opérés par la ville de Blois, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ; que pour définir l'objet et l'étendue de la réclamation formée par l'entrepreneur, la cour a tenu compte non seulement du mémoire adressé le 2 juillet 1996 à la personne responsable du marché mais aussi au mémoire du même jour transmis au maître d'oeuvre et joint à ce premier mémoire ; que si elle a refusé de prendre en considération les pièces dont la société requérante affirmait qu'elle les avait annexées au mémoire envoyé au maître d'oeuvre, c'est parce qu'elle a jugé, sans dénaturer les pièces du dossier, que la réalité de l'envoi de ces pièces, que ce soit au maître d'oeuvre ou à la ville de Blois, n'était pas établie ; qu'ainsi la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en se référant au seul mémoire adressé à la personne responsable du marché pour délimiter le contenu de la réclamation de l'entrepreneur ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le mémoire de réclamation transmis par la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE le 2 juillet 1996 au maître d'oeuvre et annexé au mémoire de réclamation adressé le même jour à la personne responsable du marché contestait les abattements opérés par la ville de Blois à raison de malfaçons ou de prestations non réalisées par l'entreprise sans mentionner le montant des sommes dont la société revendiquait le paiement pour chacun des abattements en cause ; que ce mémoire méconnaissait ainsi l'obligation imposée par les dispositions précitées de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de préciser le montant des sommes dont le paiement est demandé par l'entrepreneur en cas de refus ou de réserves à la signature du décompte général ; que par suite, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit et sans dénaturer les pièces du dossier, juger qu'en l'absence d'indication, pour chacun des abattements contestés, du montant de la somme dont le paiement était réclamé, la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE devait être regardée comme ayant implicitement accepté le décompte général ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de Blois, venant aux droits de la ville de Blois, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de Blois et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE versera à la communauté d'agglomération de Blois une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EN NOM COLLECTIF QUILLERY CENTRE, à la communauté d'agglomération de Blois, venant aux droits de la ville de Blois, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.