Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 décembre 2004 et 21 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE MARITIME, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE MARITIME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l' ordonnance du 25 novembre 2004 du magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Douai en tant que, après avoir annulé l'ordonnance de référé du 3 septembre 2004 du tribunal administratif de Rouen rejetant la demande de la société Peinture Normandie, elle l'a condamné à verser à titre de provision à la société Peinture Normandie la somme de 107 879,74 euros majorée des intérêts moratoires à compter du 29 juillet 2004 ;
2°) de rejeter la demande de la société Peinture Normandie tendant à la condamnation du département à lui verser une provision de 116 989,79 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Peinture Normandie le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE MARITIME et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Peinture Normandie,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Peinture Normandie a été chargée par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME de la réalisation des lots carrelages et peintures dans le cadre des travaux de rénovation de plusieurs collèges et bâtiments de gendarmerie ; qu'elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation du département à lui verser une provision d'un montant de 116 989,76 euros correspondant aux sommes qui lui seraient dues dans le cadre de l'exécution de ces marchés et qui ont d'ailleurs fait l'objet de mandatements de la part de cette collectivité ; que ce juge a, par une ordonnance du 3 septembre 2004, rejeté sa demande en faisant droit à l'argumentation du département opposant à cette créance la compensation avec des dettes de la même société nées de l'exécution de marchés relatifs à la rénovation de trois collèges ; que, sur appel de la société, le juge des référés de la Cour administrative d'appel de Douai a, par une ordonnance du 25 novembre 2004, annulé pour irrégularité l'ordonnance du premier juge, puis, après évocation de la demande, a condamné le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à verser à la société une provision de 107 879,74 euros calculée en imputant sur la somme globale réclamée par cette dernière trois créances du département qu'il a estimées non sérieusement contestables et s'élevant à 8 744 euros, 124 euros et 242,05 euros ; que le département demande l'annulation de cette dernière ordonnance en tant qu'elle l'a condamné à verser cette provision ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné au maître d'ouvrage de verser au titulaire d'un tel marché une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi ; que, notamment, lorsque le maître de l'ouvrage ne procède pas au versement d'acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d'une provision représentative de tout ou partie de leur montant ; que, toutefois, la notification par la personne responsable du marché, après l'achèvement des travaux, d'une décision prononçant des pénalités pour retard dans leur exécution, fait obstacle, alors même que le décompte général n'aurait pas encore été notifié à l'entreprise, à ce que ses demandes de paiement d'acomptes présentées antérieurement soient regardées, à concurrence du montant de ces pénalités, comme susceptibles de faire naître une obligation non sérieusement contestable à la charge du maître d'ouvrage ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai qu'à la date à laquelle il a statué, l'autorité compétente du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME avait notifié à la société Peinture Normandie deux acomptes relatifs aux lots n°18 et 19 des travaux de rénovation du collège Pagnol au Havre lui infligeant des pénalités de retard d'un montant respectif de 72 707,97 euros et de 44 310,30 euros et a refusé pour ce motif de payer les acomptes précédents d'un montant de 13 348,07 euros présentés au titre de ces marchés ainsi que les acomptes présentés au titre d'autres marchés ; qu'il résulte de ce qui précède que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant qu'en raison de la contestation par la société des pénalités qui lui ont été infligées et de la circonstance que l'expertise diligentée sur point n'était pas terminée, ces pénalités étaient sérieusement contestables et qu'en conséquence, le département ne pouvait pas, au moins à l'intérieur d'un même compte, opposer de compensation entre ces pénalités et les acomptes relatifs à ces deux lots ; qu'il suit de là que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle l'a condamnée à verser une provision à la société Peinture Normandie ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de provision présentée par la société Peinture Normandie ;
Sur la demande de provision de la société peinture Normandie :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le département ;
Considérant en premier lieu qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME a notifié à la société, après l'achèvement des travaux de rénovation du collège Pagnol au Havre, deux décisions lui infligeant des pénalités d'un montant respectif de 72 707,97 euros et de 44 310,30 euros ; que, dans ces conditions, et alors même qu'elle a contesté ces décisions, l'obligation dont se prévaut la société au titre des acomptes d'un montant de 13 348,07 euros qui ne lui ont pas été réglés en exécution de ces travaux, n'apparaît pas comme non sérieusement contestable ;
Considérant en second lieu que, pour justifier le versement de la provision qu'elle réclame au titre des travaux de rénovation qu'elle a effectués sur d'autres bâtiments, la société Peinture Normandie se borne à produire des mandatements émis par l'ordonnateur du département sans préciser à quels soldes ou acomptes renvoient les sommes portées sur ceux-ci ; que, dans ces conditions, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à la charge de cette collectivité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société Peinture Normandie devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen doit être rejetée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Peinture Normandie au titre des frais supportés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Peinture Normandie la somme que demande le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME au titre des mêmes frais ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 25 novembre 2004 du magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Douai est annulée en tant qu'elle a condamné le DEPARTEMENT DE LA SEINE MARITIME à verser à titre de provision à la société Peinture Normandie la somme de 107 879,74 euros majorée des intérêts moratoires à compter du 29 juillet 2004.
Article 2 : La demande présentée par la société Peinture Normandie devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du DEPARTEMENT DE LA SEINE MARITIME et de la société Peinture Normandie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA SEINE MARITIME et à la société Peinture Normandie .