Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août et 6 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 14 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 12 novembre 1997 du tribunal administratif de Rennes qui a condamné Electricité de France à leur verser la somme de 210 000 F en réparation des conséquences dommageables entraînées par la présence, à proximité de leur maison d'habitation, de deux lignes électriques à très haute tension et diverses sommes au titre des frais exposés ;
2°) de mettre à la charge d'Electricité de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 juin 1906 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. et Mme X et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme X ont fait construire en 1979 une maison d'habitation dans la commune de Plaintel dans les Côtes d'Armor ; qu'en 1980, Electricité de France a implanté en bordure de leur propriété une ligne de transport électrique à très haute tension qui a fait l'objet d'une convention de servitude de surplomb ; qu'en 1990, une seconde ligne à très haute tension a été édifiée parallèlement à la première ; que le tribunal administratif de Rennes, par un jugement en date du 12 novembre 1997, a accordé à M et Mme X une indemnité pour le préjudice anormal et spécial causé par la présence de ces deux lignes électriques ; que M. et Mme X se pourvoient contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 14 mai 2002 qui a annulé ce jugement et rejeté leur demande de première instance ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 que les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître de dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées par cette loi au profit de concessionnaires de distribution d'énergie ; qu'en revanche, les préjudices subis par les riverains du fait de l'existence et du fonctionnement des lignes qui ne sont pas installées en surplomb des propriétés ressortissent à la compétence des juridictions administratives ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes s'est à tort reconnue compétente pour statuer sur les conclusions de M et Mme X tendant à la réparation des conséquences dommageables de la première ligne électrique à très haute tension ayant donné lieu à une convention autorisant le surplomb de leur propriété, qui relèvent des juridictions judiciaires ; que si la cour administrative d'appel était compétente pour se prononcer sur la demande de réparation des dommages causés aux requérants du fait de l'existence et du fonctionnement de la seconde ligne électrique à très haute tension implantée à proximité des limites de leur propriété, elle a statué sur l'ensemble des préjudices invoqués sans distinguer ceux imputables à chacune de ces deux lignes électriques ; que dès lors, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions relatives aux dommages causés par la ligne électrique à très haute tension implantée en 1980 :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci dessus, le tribunal administratif de Rennes s'est à tort reconnu compétent pour statuer sur les conclusions de M. et Mme X tendant à la réparation des conséquences dommageables de la première ligne électrique à très haute tension ayant donné lieu à une convention autorisant le surplomb de leur propriété, qui relèvent des juridictions judiciaires ;
Sur les conclusions relatives aux dommages causés par la ligne électrique à très haute tension implantée en 1990 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la maison d'habitation de M et Mme X est située à soixante mètres d'une voie ferrée secondaire et à 200 mètres d'une route départementale ; que si l'axe de la ligne électrique à deux circuits de 400 KV implantée en 1990 à environ 125 mètres de cette maison constitue une gêne visuelle, celle-ci est atténuée par des plantations d'arbres ; que les grésillements provoqués en temps de pluie par le fonctionnement de cette ligne ne sont pas d'une intensité anormale ; que l'existence de risques pour la santé des riverains, qui seraient dus aux champs électromagnétiques induits par cette ligne, ne peut être regardée, en l'état actuel des connaissances scientifiques, comme établie ; que dès lors, les préjudices allégués ainsi que celui résultant de la dépréciation de la valeur vénale de la propriété ne revêtent pas, compte tenu du caractère des lieux avoisinants, un caractère anormal et spécial de nature à leur ouvrir un droit à réparation ; que M. et Mme X ne sauraient utilement invoquer la circonstance que d'autres riverains auraient été indemnisés par Electricité de France ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'Electricité de France est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser une indemnité à M. et Mme X ; que par voie de conséquence, les conclusions incidentes de ces derniers qui ont pour objet l'augmentation de l'indemnité attribuée doivent être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de M. et Mme X les frais d'expertise d'un montant de 2 522, 26 euros exposés en première instance ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Electricité de France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 14 mai 2002 et le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 12 novembre 1997 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif de Rennes, leurs conclusions incidentes présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes, et leurs conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X, à Electricité de France, au ministre de l'équipement, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.