Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed A demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2004 par lequel préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 juin 2003, de la décision du préfet de police du 4 juin 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger (...) qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ; que les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ne font pas obstacle à ce qu'il soit fait application de ces dispositions qui régissent l'octroi des cartes temporaires ;
Considérant que si M. A, né en 1966, fait valoir qu'il serait entré en France en 1992 et y résiderait depuis lors, il ne l'établit pas par la seule production pour les années 1992 à 1995 des factures d'électricité de la personne qui l'aurait hébergé, de quelques enveloppes, d'un unique bulletin de paie et d'un certificat médical daté de 2003 ; qu'il ne peut être regardé comme justifiant, à la date de la décision attaquée, d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans ; que dès lors le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si M. A qui n'établit pas ne plus disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine, fait valoir qu'il a noué des relations pendant son séjour en France, et notamment une liaison amoureuse qu'il entretiendrait depuis 1995, le préfet de police n'a pas, en prenant la mesure de reconduite attaquée, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait, en prenant cette décision, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les circonstances qu'il n'a commis aucune infraction pénale, qu'il est intégré et qu'il subvient à ses besoins en travaillant, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed A, au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.