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11/01/2006 | FRANCE | N°273665

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 11 janvier 2006, 273665


Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL CGT ;ANPE, dont le siège est ... ; le SYNDICAT NATIONAL CGT ;ANPE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions du directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) n°s 31/2004 à 36/2004, n°s 38/2004 à 46/2004 du 2 janvier 2004, n° 496/2004 du 16 avril 2004, n° 627/2004 du 18 mai 2004, n° 2004-584 du 6 mai 2004 et n° 2004-585 du 6 mai 2004 ;

2°) de mettre à la charge de l'ANPE le versement de la somme de 3 000

euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu ...

Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL CGT ;ANPE, dont le siège est ... ; le SYNDICAT NATIONAL CGT ;ANPE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions du directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) n°s 31/2004 à 36/2004, n°s 38/2004 à 46/2004 du 2 janvier 2004, n° 496/2004 du 16 avril 2004, n° 627/2004 du 18 mai 2004, n° 2004-584 du 6 mai 2004 et n° 2004-585 du 6 mai 2004 ;

2°) de mettre à la charge de l'ANPE le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-606 du 7 mai 1995 ;

Vu les décrets n° 2003-1370 et n° 2003-1373 du 31 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Bénassy, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non ;recevoir soulevée par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 421 ;1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée» ;

En ce qui concerne les décisions n°s 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45 et 46 du directeur général de l'ANPE en date du 2 janvier 2004 :

Considérant qu'il est constant que ces décisions n'ont pas fait l'objet d'une publication au bulletin officiel de l'ANPE ; que si l'établissement soutient avoir procédé à l'affichage de ces décisions, cette circonstance ne peut, compte tenu des pièces figurant au dossier, être regardée comme établie ;

Considérant, il est vrai, que l'établissement soutient également que ces décisions ont été publiées au plus tard le 16 février 2004 sur le site Intranet « Alice » de l'ANPE auquel tous les personnels ont accès et que, par suite, les conclusions de la requête, enregistrée le 28 octobre 2004, seraient irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions mentionnées ci ;dessus ;

Considérant qu'aucun principe général non plus qu'aucune règle ne s'oppose à ce que la publication d'une décision réglementaire régissant la situation des personnels d'un établissement public prenne la forme d'une mise en ligne de cette décision sur l'Intranet ; que, toutefois, ce mode de publicité n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des intéressés et des groupements représentatifs du personnel qu'à la condition, d'une part, que l'information ainsi diffusée puisse être regardée, compte tenu notamment de sa durée, comme suffisante et, d'autre part, que le mode de publicité par voie électronique et les effets juridiques qui lui sont attachés aient été précisés par un acte réglementaire ayant lui ;même été régulièrement publié ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision prévoyant la publication par voie électronique des décisions régissant la situation des personnels de l'ANPE ait été publiée au bulletin officiel de l'établissement ainsi que l'exige la note du directeur général de l'ANPE du 5 septembre 2000 relative à l'institution du bulletin officiel de l'Agence et à la publication des décisions et instructions de l'ANPE ; que, par suite et en tout état de cause, la mise en ligne le 16 février 2004 sur le site Intranet de l'ANPE des décisions attaquées n'a pu faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre des personnels et de leurs représentants ; qu'il suit de là que l'ANPE n'est pas fondée à soutenir que les conclusions analysées ci ;dessus seraient tardives et, par suite, irrecevables ;

En ce qui concerne les décisions n° 496 du 16 avril 2004, n° 584 et n° 585 du 6 mai 2004 et n° 627 ;I du 18 mai 2004 complétant ou modifiant les décisions du 2 janvier 2004 :

Considérant, d'une part, qu'il est constant que les décisions attaquées ont fait l'objet d'une publication au bulletin officiel de l'ANPE intervenue le 30 août 2004 ; que la circonstance que ces décisions aient fait l'objet d'un affichage dans l'établissement avant même leur publication au bulletin officiel n'est pas établie ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que l'organisation syndicale requérante ait eu connaissance de ces décisions n'était, en tout état de cause, à la supposer établie, pas de nature à faire courir à son encontre le délai de recours contentieux ;

Considérant qu'eu égard à la nature des décisions attaquées qui sont relatives à la situation des personnels de l'Agence, la publication au bulletin officiel du 30 août 2004 a fait courir le délai de recours contentieux à leur encontre ; que, toutefois, la requête du syndicat requérant, ayant été enregistrée ainsi qu'il a été dit le 28 octobre 2004, les conclusions dirigées contre les décisions des 16 avril, 6 mai et 18 mai 2004, ont été présentées dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, la fin de non ;recevoir qui leur est opposée ne peut qu'être écartée ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions n°s 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45 et 46 du directeur général de l'ANPE en date du 2 janvier 2004 :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que le comité consultatif paritaire de l'établissement a été consulté le 29 décembre 2003 sur les projets de décision dont il s'agit ; que la circonstance que cette consultation est intervenue avant la publication des décrets du 31 décembre 2003 pour l'application desquels ces décisions devaient être prises est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de cette consultation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le décret n° 2003 ;1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'ANPE a renvoyé au directeur général de l'ANPE le soin de fixer, dans les conditions qu'il détermine, les modalités d'application du statut des personnels de l'Agence ; que les décisions n°s 31, 33, 35 et 43, qui définissent une classification des emplois de l'Agence, prévoient des conditions de durée de service pour se présenter aux épreuves d'évaluation des compétences ou des modalités particulières d'examen des dossiers professionnels et de validation des expériences professionnelles et ouvrent la possibilité aux commissions de reclassification de proposer des formations préalablement aux reclassifications des agents, ont été prises par le directeur général de l'Agence dans le cadre des pouvoirs qu'il tient du décret précité et n'en méconnaissent aucune prescription ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 2003 ;1373 du 31 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire des agents contractuels de l'Agence : « Une prime liée aux compétences certifiées peut être attribuée aux agents qui obtiennent un certificat interne de compétences approfondies, qui a pour objet de valider et de certifier un effort particulier de développement de compétences dans un des domaines d'expertise intéressant à l'ANPE et définis par décision du directeur général après avis du comité consultatif paritaire national. Le montant forfaitaire de la prime varie selon le niveau du certificat acquis, tous les deux ans, (…) » ; que le directeur général de l'Agence, habilité par cet article 5 ainsi que par l'article 14 du décret précité à fixer les modalités du nouveau régime indemnitaire du personnel pouvait, sur ce fondement, réserver le bénéfice de la prime liée au certificat de compétence aux agents en activité des cadres d'emplois de conseillers et conseillers principaux justifiant de deux ans d'ancienneté et dont la compétence est certifiée par un jury ; que la circonstance que la composition de ce jury n'ait pas été fixée par le directeur général est sans influence sur la légalité de la décision n° 45 ;

Considérant, toutefois, que des dispositions réglementaires sont entachées de rétroactivité et sont, dans cette mesure, illégales en tant qu'elles prennent effet avant la date où leur publication les fait régulièrement entrer en vigueur ; que le syndicat requérant est, par suite, fondé à soutenir que les décisions n° 36 et n° 38, lesquelles prévoient une entrée en vigueur au 1er janvier 2004, soit à une date antérieure à leur publication, sont entachées de rétroactivité illégale et doivent, dans cette mesure, être annulées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve de l'application dans le temps des décisions n° 36 et n° 38, les conclusions dirigées contre les décisions du 2 janvier 2004 doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision n° 496 du 16 avril 2004 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés au soutien de ces conclusions ;

Considérant qu'en vertu de l'article 7 du décret du 6 mai 1995 relatif aux organismes consultatifs de l'ANPE, le comité consultatif paritaire national est compétent notamment pour connaître de questions relatives « aux dispositions générales applicables aux personnels » ;

Considérant que la décision n° 496 en date du 16 avril 2004 modifiant la décision n° 43 du 2 janvier 2004, fixe la composition des commissions de reclassification chargées d'examiner les dossiers professionnels des agents de l'Agence bénéficiaires d'un reclassement ; qu'une telle mesure est au nombre des dispositions générales applicables au personnel de l'établissement ; qu'il est constant que le comité consultatif paritaire national n'a pas été consulté sur ce point préalablement à l'intervention de la décision n° 496 ; que cette décision a ainsi été adoptée suivant une procédure irrégulière ; qu'elle doit pour ce motif être annulée ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions n°s 584 et 585 du 6 mai 2004 et n° 627 du 18 mai 2004 :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision n° 627 du 18 mai 2004 n'aurait pas été précédée de la consultation du comité consultatif paritaire national de l'établissement manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que les décisions n° 584 et n° 585 du 6 mai 2004 qui déterminent le nombre et la nature des emplois à reclassifier au 1er juillet 2004 dans la filière « appui et gestion » et dans la filière « systèmes d'information » sont des mesures de simple gestion qui n'entrent dans aucune des catégories de mesures pour lesquelles l'avis préalable du comité consultatif paritaire national est requis ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce comité ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que les décisions susanalysées doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions du 2 janvier 2004 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions n° 584 et n° 585 du 6 mai 2004 et n° 627 du 18 mai 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'ANPE la somme que le SYNDICAT NATIONAL CGT-ANPE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de ce syndicat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'ANPE demande au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision n° 496/2004 du 16 avril 2004 du directeur général de l'ANPE est annulée.

Article 2 : Les décisions n°s 36 et 38 du 2 janvier 2004 sont annulées en tant qu'elles prennent effet à une date antérieure à celle de leur publication.

Article 3 : Les conclusions de l'ANPE tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions du SYNDICAT NATIONAL CGT ;ANPE sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL CGT ;ANPE, à l'Agence nationale pour l'emploi et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 273665
Date de la décision : 11/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - PROMULGATION - PUBLICATION - NOTIFICATION - PUBLICATION - FORMES DE LA PUBLICATION - DÉCISION RÉGLEMENTAIRE RÉGISSANT LA SITUATION DES PERSONNELS D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC - PUBLICATION SOUS FORME DE MISE EN LIGNE SUR L'INTRANET DE L'ÉTABLISSEMENT - CONDITIONS [RJ1].

01-07-02-02 Aucun principe général non plus qu'aucune règle ne s'oppose à ce que la publication d'une décision réglementaire régissant la situation des personnels d'un établissement public prenne la forme d'une mise en ligne de cette décision sur l'intranet de l'établissement. Toutefois, ce mode de publicité n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des intéressés et des groupements représentatifs du personnel qu'à la condition, d'une part, que l'information ainsi diffusée puisse être regardée, compte tenu notamment de sa durée, comme suffisante et, d'autre part, que le mode de publicité par voie électronique et les effets juridiques qui lui sont attachés aient été précisés par un acte réglementaire ayant lui-même été régulièrement publié.

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC - RÉGIME JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS - PERSONNEL - DÉCISION RÉGLEMENTAIRE RÉGISSANT LA SITUATION DES PERSONNELS D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC - PUBLICATION SOUS FORME DE MISE EN LIGNE SUR L'INTRANET DE L'ÉTABLISSEMENT - CONDITIONS [RJ1].

33-02-06 Aucun principe général non plus qu'aucune règle ne s'oppose à ce que la publication d'une décision réglementaire régissant la situation des personnels d'un établissement public prenne la forme d'une mise en ligne de cette décision sur l'intranet de l'établissement. Toutefois, ce mode de publicité n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des intéressés et des groupements représentatifs du personnel qu'à la condition, d'une part, que l'information ainsi diffusée puisse être regardée, compte tenu notamment de sa durée, comme suffisante et, d'autre part, que le mode de publicité par voie électronique et les effets juridiques qui lui sont attachés aient été précisés par un acte réglementaire ayant lui-même été régulièrement publié.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cour d'arbitrage belge, 16 juin 2004, arrêt n°106/2004.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2006, n° 273665
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Marc Bénassy
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:273665.20060111
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