Vu 1°), sous le n° 288460, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE KPMG, dont le siège est 2 bis, rue de Villiers à Levallois-Perret (92309), agissant poursuites et diligences de son représentant légal ; la SOCIETE KPMG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 288465, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT, dont le siège est 11, allée de l'Arche, Faubourg de l'Arche à Courbevoie (92400), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, ainsi que pour les cent dix-huit associés de cette société ; la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu 3°), sous le n° 288474, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE DELOITTE ET ASSOCIES, dont le siège est 185, avenue Charles de Gaulle à NEUILLY-SUR-SEINE (92200), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux et la SOCIETE GRANT THORNTON, dont le siège est 100, rue de Courcelles à Paris (75017), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; la SOCIETE DELOITTE ET ASSOCIES et la SOCIETE GRANT THORNTON demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune d'entre elles de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu 4°), sous le n° 288485, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT, dont le siège est 63, avenue de Villiers à Neuilly-Sur-Seine (92200), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; la SOCIETE PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 55 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la directive 84/253/CEE, du Conseil, du 10 avril 1984, relative à l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables ;
Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 822-11 et L. 822-16 ;
Vu les articles 1er et 2 du code civil ;
Vu le décret n° 69-810 du 12 août 1969 relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes, modifié notamment par le décret n° 2005-599 du 29 mai 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE KPMG, de Me Spinosi, avocat de la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT et autres, de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIETE DELOITTE ET ASSOCIES et de la SOCIETE GRANT THORNTON et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la SOCIETE KPMG, de la SOCIETE ERNST et YOUNG AUDIT et autres, de la SOCIETE DELOITTE ET ASSOCIES, de la SOCIETE GRANT THORNTON et de la SOCIETE PRICEWATERHOUSE COOPERS AUDIT sont dirigées contre le même décret ; qu'elles présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
I - Sur le cadre juridique du litige :
Considérant que la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, de sécurité financière, a introduit au sein du code de commerce une section 2 du chapitre II du titre II du livre VIII intitulée " De la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes ", comprenant les articles L. 822-9 à L. 822-16, ultérieurement complétée par le V de l'article 162 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 instituant une dérogation à l'obligation de secret professionnel et par les articles 13 à 17 de l'ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005 relative au commissariat aux comptes ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-16 du code de commerce : " Un décret en Conseil d'Etat approuve un code de déontologie de la profession, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes et, pour les dispositions s'appliquant aux commissaires aux comptes intervenant auprès des personnes et entités faisant appel public à l'épargne, de l'Autorité des marchés financiers " ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 822-11 : " Le commissaire aux comptes ne peut prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt auprès de la personne ou de l'entité dont il est chargé de certifier les comptes, ou auprès d'une personne qui la contrôle ou qui est contrôlée par elle au sens des I et II de l'article L. 233-3 " ; qu'aux termes du second alinéa du I, le code de déontologie prévu à l'article L. 822-16 " définit les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou antérieurs à la mission du commissaire aux comptes, incompatibles avec l'exercice de celle-ci. Il précise en particulier les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée, lorsqu'il appartient à un réseau pluridisciplinaire, national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun, par la fourniture de prestations de services à une personne ou à une entité contrôlée ou qui contrôle (...) la personne ou l'entité dont les comptes sont certifiés par ledit commissaire aux comptes. Le code de déontologie précise également les restrictions à apporter à la détention d'intérêts financiers par les salariés et collaborateurs du commissaire aux comptes dans les sociétés dont les comptes sont certifiés par lui " ; que le II de l'article L. 822-11 vise à assurer une séparation des fonctions d'audit et de conseil ; qu'à cette fin son premier alinéa " interdit au commissaire aux comptes de fournir à la personne ou à l'entité qui l'a chargé de certifier ses comptes, ou aux personnes ou entités qui la contrôlent ou sont contrôlées par celle-ci (...), tout conseil ou toute autre prestation de services n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes, telles qu'elles ont définies par les normes d'exercice professionnel mentionnées au sixième alinéa de l'article L. 821-1 " ; que son second alinéa interdit à un commissaire aux comptes affilié à " un réseau national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun et qui n'a pas pour activité exclusive le contrôle légal des comptes " de " certifier les comptes d'une personne ou d'une entité qui, en vertu d'un contrat conclu avec ce réseau ou un membre de ce réseau, bénéficie d'une prestation de services, qui n'est pas directement liée à la mission du commissaire aux comptes selon l'appréciation faite par le Haut Conseil du commissariat aux comptes (...) " ;
Considérant que, sur le fondement et pour l'application de ces dispositions, le décret attaqué a, par son article 1er, approuvé le code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes qui figure en annexe à ce décret ; que le titre Ier de ce code, relatif aux principes fondamentaux de comportement, mentionne notamment, à l'article 5, l'exigence d'indépendance du commissaire aux comptes ; que le titre II, après avoir dressé, à l'article 10, une liste de prestations de services qu'il est interdit au commissaire aux comptes de fournir, fait obligation aux intéressés, lorsqu'il se trouvent dans une " situation à risques ", de prendre des " mesures de sauvegarde " appropriées ; que le titre III est relatif à l'acceptation, à la conduite et au maintien de la mission du commissaire aux comptes ; que le titre IV concerne l'exercice en réseau ; que l'article 22 définit la notion de réseau ; que l'article 23 exclut qu'un commissaire aux comptes affilié à un réseau certifie les comptes d'une personne à laquelle le réseau fournit une prestation de services non directement liée à sa mission ; que l'article 24 énumère les prestations dont la fourniture, par un membre du réseau, à la personne qui contrôle ou est contrôlée par la personne dont les comptes sont certifiés affecte l'indépendance du commissaire aux comptes ; que le titre V a pour objet de préciser les liens personnels (article 27), financiers (article 28) et professionnels (article 29) incompatibles avec l'exercice par un professionnel de sa mission ; que l'article 29 interdit en particulier au commissaire aux comptes d'accepter une mission légale lorsque lui-même ou son réseau a fourni, dans les deux ans qui précèdent, certaines prestations de services à la personne qu'il serait appelé à contrôler ; que l'article 30 impose au commissaire aux comptes de tirer sans délai les conséquences de la survenance en cours de mission d'une des situations mentionnées aux articles 23, 24, 27, 28 et 29 ; qu'enfin, les titres VI et VII fixent les règles relatives aux honoraires et à la publicité ;
II - Sur les moyens tirés de la violation du droit communautaire :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la libre concurrence :
Considérant que si, aux termes du I de l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne, " sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (...) ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, visent uniquement le comportement des entreprises et non les mesures législatives ou réglementaires émanant d'un Etat membre ; qu'il n'en va autrement que lorsqu'un Etat membre, soit impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 81 ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention économique ; que tel n'est ni l'objet, ni l'effet de la réglementation professionnelle édictée par le décret attaqué ; que, dès lors, les requérantes ne sauraient utilement soutenir que celui-ci serait incompatible avec l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'établissement :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne : " (...), les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; que selon le second alinéa du même article : " La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés (...), dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants (...) " ;
Considérant que si le respect, par le commissaire aux comptes, des règles figurant dans le code de déontologie peut, en certaines hypothèses, l'amener à renoncer à exercer une mission de contrôle légal des comptes d'une entreprise souhaitant s'établir en France, cette circonstance, qui ne prive pas l'entreprise en cause de la possibilité de désigner un autre commissaire aux comptes, ne peut, par suite, conduire à regarder la réglementation professionnelle applicable comme une restriction à la liberté d'établissement ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'atteinte portée à cette liberté manque en fait ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la libre prestation de services :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne : " (...), les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation " ; que le premier alinéa de l'article 50 précise qu'au sens du traité, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes ;
Considérant que si certaines dispositions du code de déontologie se bornent à préciser le contenu d'interdictions édictées par le législateur, cette circonstance est sans incidence sur l'examen de la compatibilité du décret avec le principe de libre prestation de services posé par une norme qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution, s'impose à la loi ;
Considérant que les diverses interdictions ou incompatibilités prévues par le code de déontologie peuvent avoir pour effet de limiter, pour un commissaire aux comptes ou un membre du réseau auquel il appartient, établi en France, la possibilité de fournir des prestations de services à des sociétés établies dans d'autres pays membres de la Communauté européenne, ainsi que la possibilité, pour une personne établie dans un autre pays membre et affiliée au même réseau qu'un commissaire aux comptes établi en France, de fournir des prestations de services à des sociétés établies en France dont les comptes sont certifiés par ce commissaire aux comptes ;
Considérant, toutefois, que les dispositions du code de déontologie ont pour objet, en renforçant l'indépendance des commissaires aux comptes, de garantir le bon fonctionnement du contrôle légal des comptes et d'assurer leur sincérité et leur régularité, dans l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes, et, notamment, des salariés et des actionnaires ; que l'intérêt général qui s'attache à ce que les comptes donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat des sociétés constitue une raison impérieuse, au sens donné à ce concept par la Cour de justice des Communautés européennes, justifiant des limitations à la libre prestation de services ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les mesures en cause, qui sont adaptées à l'objectif poursuivi, ne portent pas, au regard tant du contenu des obligations qu'elles édictent que de leur champ d'application, une atteinte excessive à la libre prestation de services ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 84/253/CEE, du Conseil, du 10 avril 1984, relative à l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables :
Considérant que la directive du 10 avril 1984, si elle énonce le principe selon lequel les personnes qui se livrent à un contrôle légal doivent être indépendantes, renvoie aux Etats membres le soin de déterminer le contenu de cette obligation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne serait pas compatible avec cette directive ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la proposition de directive concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés :
Considérant que si, dès qu'une directive a été adoptée et alors même que son délai de transposition n'est pas expiré, les Etats membres doivent, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes, s'abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par celle-ci, aucune disposition du traité instituant la Communauté européenne non plus qu'aucun principe général du droit communautaire n'impose aux Etats membres une telle obligation lorsqu'une proposition de directive est en cours d'élaboration, y compris dans l'hypothèse où les différentes institutions de la Communauté européenne auraient donné leur accord de principe sur son contenu ; que, par suite, alors même que la proposition de directive concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés a été adoptée par le Parlement européen le 28 septembre 2005 et que le Conseil a donné son accord politique à ce texte le 11 octobre suivant, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait méconnu les principes de coopération loyale entre les Etats membres et de confiance légitime ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
III - Sur les moyens tirés de la violation du droit national :
En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que l'article 10 du code de déontologie se borne à dresser une liste des conseils et autres prestations de service qu'il est interdit au commissaire aux comptes, en application du premier alinéa du II de l'article L. 822-11 du code de commerce, de fournir à la personne ou à l'entité qui l'a chargé de certifier ses comptes, ou aux personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par celle-ci, excepté dans le cas où ces conseils ou autres prestations de service entrent dans les diligences directement liées à sa mission, telles qu'elles sont définies par les normes d'exercice professionnel élaborées, en application de l'article L. 821-1 du code précité, par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'en dressant une telle liste, le Premier ministre, agissant par décret en Conseil d'Etat, n'a pas méconnu la compétence donnée par la loi à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes pour définir les cas dans lesquels ces conseils et prestations doivent être regardés comme entrant dans les diligences directement liées à sa mission ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 10 du décret serait entaché d'incompétence ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :
S'agissant des moyens tirés de l'imprécision qui affecterait certains articles du code de déontologie :
Considérant qu'en vertu du 11° de l'article 10 du code de déontologie, il est interdit au commissaire aux comptes de procéder, au bénéfice, à l'intention ou à la demande de la personne ou de l'entité dont il certifie les comptes, " à la fourniture de toute prestation de services, notamment de conseil en matière juridique, financière, fiscale ou relative aux modalités de financement " ; que la notion de prestation de services, à laquelle font d'ailleurs référence de nombreuses autres réglementations, issues tant du droit interne que du droit communautaire, ne saurait être regardée comme insuffisamment précise ;
Considérant que si les articles 12, 22 et 23 prévoient, dans différentes hypothèses, que le commissaire aux comptes, en cas de doute sur sa situation au regard du droit applicable, saisit le Haut Conseil du commissariat aux comptes pour avis, il n'entrait pas dans l'objet du décret attaqué de préciser, à supposer même que de telles indications fussent nécessaires, les modalités de cette saisine, non plus que les conditions de fonctionnement du Haut Conseil, lesquelles ont été d'ailleurs fixées par le décret du 25 novembre 2003 portant modification du décret du 12 août 1969 relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes et relatif au Haut Conseil du commissariat aux comptes ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des dispositions en cause que la saisine du Haut Conseil constitue une obligation pour le commissaire aux comptes en cas de doute, mais que son avis est juridiquement dépourvu de caractère contraignant ;
Considérant que l'article 22, d'une part, exclut de la définition du réseau dont les membres ont un intérêt économique commun, au sens de l'article L. 822-11 du code de commerce, les associations techniques ayant pour unique objet le partage des connaissances ou l'échange des expériences, et, d'autre part, énumère les situations qui peuvent constituer des indices de l'existence d'un tel réseau ; que de telles dispositions, qui s'adressent à des professionnels, sont de nature à leur permettre, notamment, le cas échéant, en combinant ces différents indices, de déterminer s'ils appartiennent ou non à un réseau ; que, de surcroît, le même article prévoit, en cas de doute, ainsi qu'il a été indiqué, la saisine pour avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 24 : " L'indépendance du commissaire aux comptes qui certifie les comptes est affectée par la fourniture par un membre de son réseau de l'une des prestations suivantes à la personne qui contrôle ou qui est contrôlée par la personne dont les comptes sont certifiés : (...) 8° La fourniture de prestations de services ou de conseils en matière juridique de nature à avoir une influence sur la structure ou le fonctionnement de la personne ou entité dont les comptes sont certifiés ou au bénéfice des personnes exerçant des fonctions sensibles au sens de l'article 27 ; 9° La fourniture de prestations de services ou de conseils en matière de financements ou relatifs à l'information financière ; 10° La fourniture de prestations de services ou de conseils en matière fiscale de nature à avoir une incidence sur les résultats de la personne ou entité dont les comptes sont certifiés " ; qu'en outre, l'article 26 définit les fonctions dites " sensibles " au sein de la personne dont les comptes sont certifiés ; qu'en édictant ces dispositions, le pouvoir réglementaire a circonscrit de façon suffisamment précise les catégories de prestations dont la fourniture est de nature à affecter l'indépendance du commissaire aux comptes ;
Considérant que n'encourent pas davantage le reproche allégué l'article 25, qui impose au commissaire aux comptes de " pouvoir justifier que l'organisation du réseau lui permet d'être informé de la nature et du prix des prestations fournies ou susceptibles d'être fournies par l'ensemble des membres du réseau à toute personne ou entité dont il certifie les comptes, ainsi qu'aux personnes ou entités qui la contrôlent ou sont contrôlées par elle " et le II de l'article 27, qui exclut que le commissaire aux comptes accepte ou conserve une mission de contrôle légal des comptes s'il entretient avec la personne contrôlée ou avec une personne occupant une fonction sensible au sein de celle-ci " des liens personnels étroits, susceptibles de nuire à son indépendance " ;
Considérant que, par voie de conséquence, doivent être écartés les moyens tirés de la violation de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme et, en tout état de cause, de la méconnaissance de l'exigence de prévisibilité de la norme résultant de stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si la méconnaissance des obligations pesant sur les commissaires aux comptes est passible de sanctions disciplinaires, aucun principe constitutionnel non plus qu'aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce ; que le pouvoir réglementaire a, en l'espèce, défini avec une précision suffisante la nature et la portée de ces obligations ;
Considérant, enfin, que si, par le jeu combiné des articles L. 820-6 et L. 822-10 du code de commerce, l'exercice, par un commissaire aux comptes, d'une activité de nature à porter atteinte à son indépendance est passible d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 7 500 euros, le moyen tiré de ce qu'aurait été méconnu le principe de légalité des délits et des peines du fait des imprécisions qui affecteraient, dans le code de déontologie, la notion d'indépendance, ne peut qu'être écarté, l'infraction ayant été définie par la loi ;
S'agissant des moyens tirés des illégalités qui affecteraient certains articles du code de déontologie :
Quant à l'article 5 :
Considérant qu'en édictant la règle selon laquelle le commissaire aux comptes doit être indépendant, non seulement en réalité, mais aussi en apparence, de la personne ou de l'entité dont il est appelé à certifier les comptes, règle qui, d'ailleurs, figurait déjà dans le code de déontologie dont était antérieurement dotée la profession, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé le champ de l'habilitation prévue à l'article L. 822-16 du code de commerce, eu égard, notamment, à la nécessité de garantir la confiance des différentes parties prenantes dans la régularité et la sincérité des opérations de certification des comptes des entreprises ; que cette exigence, qui se retrouve, au demeurant, dans la proposition de directive communautaire en cours d'adoption, n'est pas excessive ;
Quant à l'article 10 :
Considérant que l'interdiction faite au commissaire aux comptes de fournir à la personne qui l'a chargé de certifier ses comptes, ou aux personnes qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par celle-ci, tout conseil ou toute autre prestation de services n'entrant pas dans les diligences directement liées à sa mission résulte, ainsi qu'il a été dit, de l'article L. 822-11 du code de commerce ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'article 10 du code de déontologie, qui présente une liste des prestations interdites à ce titre, méconnaîtrait le principe de proportionnalité ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en outre, qu'il ressort des termes mêmes de l'article L. 823-10 du code de commerce que la mission des commissaires aux comptes exclut toute immixtion dans la gestion de la personne ou de l'entité dont ils certifient les comptes ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le 2° de l'article 10, qui interdit au commissaire aux comptes de procéder " à la réalisation de tout acte de gestion ou d'administration, directement ou par substitution aux dirigeants ", irait au-delà des exigences posées par la loi doit être également écarté ;
Quant à la procédure de saisine du Haut Conseil du commissariat aux comptes prévue aux articles 12, 22, 23 et 34 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de commerce, le Haut Conseil du commissariat aux comptes a notamment pour mission " de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes " ; que selon l'article L. 821-6 du même code, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes " concourt au bon exercice de la profession, à sa surveillance ainsi qu'à la défense de l'honneur et de l'indépendance de ses membres " ; que, dès lors, le décret attaqué a pu légalement prévoir, à l'article 12 du code de déontologie, une procédure de saisine pour avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes et d'information du président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes par le commissaire aux comptes qui éprouve un doute sérieux ou une difficulté d'interprétation sur l'existence d'une situation à risque et, aux articles 22, 23 et 34, une procédure de saisine pour avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes par le commissaire aux comptes qui éprouve un doute, respectivement, quant à son appartenance à un réseau, quant au lien existant entre sa propre mission et une prestation de services fournie par un membre du réseau à la personne ou à l'entité dont il certifie les comptes et quant à l'existence d'une dépendance financière à l'égard de la personne contrôlée ; que le décret a pu légalement attribuer une telle compétence consultative au Haut Conseil du commissariat aux comptes sans méconnaître l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même que le Haut Conseil est l'instance d'appel en matière disciplinaire contre les décisions prises par les chambres régionales de discipline ;
Quant à l'article 22 et à la notion de réseau :
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article 22 que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'entend régir que les réseaux dont les membres ont un intérêt économique commun ; que le moyen tiré de ce qu'il excéderait l'habilitation du législateur ne peut donc qu'être écarté ;
Considérant, en outre, que les autres articles du code qui se réfèrent à la notion de réseau doivent être interprétés comme relatifs aux seuls réseaux dont les membres ont un intérêt économique commun ; qu'il suit de là qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le code imposerait des sujétions aux commissaires aux comptes appartenant à des réseaux n'ayant pas un tel caractère ;
Quant à l'article 23 :
Considérant que le second alinéa du II de l'article L. 822-11 du code de commerce interdit au commissaire aux comptes affilié à un réseau dont les membres ont un intérêt économique commun de certifier les comptes d'une personne bénéficiant, de la part de ce réseau, d'une prestation de services, une telle situation étant réputée affecter son indépendance, en dehors de l'hypothèse où la prestation est directement liée à l'exercice de sa mission ; qu'il revient, le cas échéant, au Haut Conseil du commissariat aux comptes, saisi par le commissaire aux comptes, d'apprécier l'existence d'un tel lien ; que l'article 23 du code de déontologie, qui se borne à préciser " qu'en cas de fourniture de prestations de services par un membre du réseau à une personne ou entité dont les comptes sont certifiés par le commissaire aux comptes, ce dernier s'assure, à tout moment, que cette prestation est directement liée à la mission de commissaire aux comptes " et qu'en cas de doute, il saisit, pour avis, le Haut Conseil du commissariat aux comptes, fait une exacte application de la loi ; que, de surcroît, il n'impose une obligation qu'au seul commissaire aux comptes, et non aux autres membres du réseau ;
Quant à l'article 24 :
Considérant, en premier lieu, que le second alinéa du I de l'article L. 822-11 du code de commerce confie au code de déontologie le soin de préciser les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée par la fourniture de services, par un membre du réseau, à une personne qui est contrôlée par la personne dont les comptes sont certifiés ou qui la contrôle ; qu'en dressant, à l'article 24 du code de déontologie, une liste de prestations dont la fourniture affecte l'indépendance du commissaire aux comptes dans une telle situation, le décret n'est pas entaché d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que, s'il n'est pas contestable que l'article 24 a un champ d'application étendu, nombre des interdictions qu'il énumère se justifient d'elles-mêmes, alors que certaines des prestations figurant dans la liste ne sont réputées affecter l'indépendance du commissaire aux comptes que si elles sont de nature à avoir une incidence sur, selon les cas, la structure, le fonctionnement ou les résultats de la personne dont les comptes sont contrôlés ; que, par suite, les dispositions de cet article, qui ne sauraient être regardées comme instituant un régime d'interdiction complet de fourniture de prestations autres que le contrôle légal des comptes, ne sont pas excessives au regard de l'objectif de sauvegarde de l'indépendance du commissaire aux comptes ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 24 ayant un objet différent de celui de l'article 23, le moyen tiré de ce qu'il serait incompatible avec celui-ci ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'article 24, qui a le même champ d'application territorial que les dispositions législatives sur le fondement desquelles il a été pris, n'édicte une obligation qu'à la charge des commissaires aux comptes établis en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait inapplicable au motif qu'il chercherait à régir des prestations fournies à l'extérieur du territoire et, le cas échéant, par des personnes étrangères doit être écarté ; qu'il en va pareillement, pour la même raison, du moyen tiré de ce qu'il imposerait des obligations aux autres membres des réseaux pluridisciplinaires ;
Quant à l'article 25 :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 du code de déontologie, le commissaire aux comptes appartenant à un réseau doit " pouvoir justifier que l'organisation du réseau lui permet d'être informé de la nature et du prix des prestations fournies ou susceptibles d'être fournies par l'ensemble des membres du réseau à toute personne ou entité dont il certifie les comptes, ainsi qu'aux personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elle (...) " ; que s'il résulte de l'article 24 du même code que le commissaire aux comptes ne peut, sans que son indépendance soit affectée, certifier les comptes d'une entreprise lorsque le réseau auquel il est affilié fournit à la personne ou entité qui contrôle cette entreprise ou est contrôlée par elle certaines catégories de prestations de services, cette circonstance, loin de pouvoir être regardée comme privant partiellement de portée utile l'article 25, rend d'autant plus nécessaire que le commissaire aux comptes soit informé des caractéristiques des prestations fournies ou susceptibles d'être fournies par le réseau ; que les difficultés pratiques qui affecteraient la mise en oeuvre de cette obligation sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des dispositions critiquées ;
Quant aux articles 27, 28 et 29 :
Considérant que ces articles sont relatifs aux liens personnels, financiers et professionnels incompatibles avec l'exercice de la mission de commissaire aux comptes ;
Considérant, en premier lieu, qu'il est soutenu que présenterait un caractère excessif l'incompatibilité avec l'exercice de la mission de commissaire aux comptes de tout lien familial entre, d'une part, une personne occupant une fonction sensible, telle que définie à l'article 26, au sein de la personne ou entité dont les comptes sont certifiés et, d'autre part, non seulement le commissaire aux comptes lui-même, mais aussi, les membres de l'équipe de contrôle légal, les membres de la direction de la société de commissaires aux comptes et les associés du bureau auquel appartient le signataire ; que, toutefois, ni la notion de " lien familial ", telle qu'elle a été définie par le décret ni l'étendue de l'incompatibilité ainsi édictée ne sont disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; qu'il résulte, d'ailleurs, des termes de l'article 27 que le bureau doit s'entendre d'un " sous-groupe distinct défini par une société de commissaires aux comptes sur la base de critères géographiques ou d'organisation ", une telle formulation excluant toute incompatibilité en l'absence de relations fonctionnelles entre le commissaire aux comptes et l'associé ayant un lien familial avec une personne exerçant une fonction sensible au sein de la personne dont les comptes sont certifiés ; qu'il ne peut être non plus valablement soutenu que les incompatibilités instituées par l'article 27 méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en définissant comme constitutif d'un lien financier incompatible avec l'exercice de la mission de commissaire aux comptes " tout dépôt de fonds, sous quelque forme que ce soit, auprès de la personne " dont les comptes sont certifiés, ainsi que " l'obtention d'un prêt ou d'une avance, sous quelque forme que ce soit ", de la part de cette personne, que ce lien financier concerne le commissaire aux comptes lui-même ou les autres catégories de membres de la société de commissaires aux comptes dont il dresse la liste, l'article 28 répond à la nécessité de prévenir tout risque de voir mise en cause, de ce chef, l'indépendance du commissaire aux comptes ; que l'interdiction en cause n'est pas excessive dès lors qu'elle ne s'applique qu'aux personnes qui peuvent être regardées comme impliquées de manière directe et significative dans le contrôle légal des comptes ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en interdisant, par l'article 29, au commissaire aux comptes d'accepter une mission légale, d'une part, lorsque lui-même ou la société à laquelle il appartient, a établi ou fourni, dans les deux années précédentes " des évaluations comptables, financières ou prévisionnelles ou, dans le même délai, a élaboré des montages financiers sur les effets desquels il serait amené à porter une appréciation dans le cadre de sa mission ", et, d'autre part, lorsque " le réseau auquel il appartient a accompli dans cette même période une prestation, notamment de conseil, portant sur des documents, des procédures, des évaluations ou des prises de position en matière comptable et financière de nature à affecter son appréciation ou de le mettre en situation d'autorévision ", le pouvoir réglementaire s'est borné à faire application du second alinéa du I de l'article L. 822-11 du code de commerce, en vertu duquel, comme il a été indiqué, il appartient au code de déontologie " de définir les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou antérieurs à la mission du commissaire aux comptes, incompatibles avec l'exercice de celle-ci " ; qu'eu égard à la nature des prestations visées, cette interdiction, tant dans son principe que par le délai retenu, n'est pas disproportionnée ;
Quant au moyen tiré de ce qu'il résulterait des dispositions combinées des articles 11, 23, 24 et 30 du code de déontologie une atteinte au principe de l'absence de responsabilité pénale du fait d'autrui et au principe de la présomption d'innocence :
Considérant que les articles 11, 23, 24 et 30 du code de déontologie imposent au commissaire aux comptes, en premier lieu, d'identifier les situations susceptibles de présenter un risque pour son indépendance, notamment lorsqu'il appartient à un réseau pluridisciplinaire, en deuxième lieu, de s'assurer, lorsqu'une prestation de services est fournie par un membre du réseau auquel il appartient à la personne ou entité dont il certifie les comptes, que cette prestation est directement liée à sa mission, et lorsqu'une telle prestation est fournie à la personne ou entité qui contrôle celle dont il certifie les comptes ou qui est contrôlée par elle, qu'elle n'est pas de nature à affecter son indépendance, en troisième lieu, de tirer sans délai les conséquences de la survenance en cours de mission d'une situation prohibée ; qu'il résulte de ces dispositions que commet une faute professionnelle susceptible d'entraîner des poursuites disciplinaires le commissaire aux comptes qui n'a pas accompli les diligences requises pour s'assurer qu'il n'est pas placé dans une telle situation ou qui n'y met pas fin lorsqu'il en est informé ; qu'en revanche, elles n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir légalement pour effet, de permettre de sanctionner le commissaire aux comptes du seul fait de la fourniture d'une prestation de services par un membre de son réseau à la personne ou entité dont il certifie les comptes ou à la personne ou entité qui la contrôle ou est contrôlée par elle lorsque l'intéressé, tout en ayant satisfait à l'obligation de vigilance prévue par le code de déontologie, n'a pu avoir connaissance de l'existence d'une telle prestation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de l'absence de responsabilité pénale du fait d'autrui et le principe de la présomption d'innocence doit être écarté ;
S'agissant des moyens relatifs à l'entrée en vigueur immédiate du décret :
Quant au moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime :
Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la directive du 10 avril 1984 relative à l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables, si elle affirme le principe selon lequel les personnes qui effectuent un contrôle légal doivent être indépendantes, se borne à renvoyer aux Etats membres le soin de définir le contenu de cette obligation ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est, par suite, inopérant ;
Quant au moyen tiré de l'application du code de déontologie aux situations contractuelles en cours :
Considérant qu'une disposition législative ou réglementaire nouvelle ne peut s'appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d'entrée en vigueur, sans revêtir par là même un caractère rétroactif ; qu'il suit de là que, sous réserve des règles générales applicables aux contrats administratifs, seule une disposition législative peut, pour des raisons d'ordre public, fût-ce implicitement, autoriser l'application de la norme nouvelle à de telles situations ;
Considérant qu'indépendamment du respect de cette exigence, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées ;
Considérant que les dispositions de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière relatives à la déontologie et à l'indépendance des commissaires aux comptes, dont la mise en oeuvre est assurée par le code de déontologie, ont, en raison des impératifs d'ordre public sur lesquels elles reposent, vocation à s'appliquer aux membres de la profession ainsi réglementée et organisée sans que leur effet se trouve reporté à l'expiration du mandat dont les intéressés ont été contractuellement investis ; que toutefois, à défaut de toute disposition transitoire dans le décret attaqué, les exigences et interdictions qui résultent du code apporteraient, dans les relations contractuelles légalement instituées avant son intervention, des perturbations qui, du fait de leur caractère excessif au regard de l'objectif poursuivi, sont contraires au principe de sécurité juridique ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le décret attaqué en tant qu'il ne comporte pas de mesures transitoires relatives aux mandats de commissaires aux comptes en cours à la date de son entrée en vigueur intervenue, conformément aux règles de droit commun, le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française du 17 novembre 2005 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés par les requérantes et non compris dans les dépens, le versement d'une somme de 5 000 euros, respectivement, à la SOCIETE KPMG, à la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT et autres, aux SOCIETES DELOITTE ET ASSOCIES et GRANT THORNTON et à la SOCIETE PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie est annulé en tant qu'il ne prévoit pas de mesures transitoires relatives aux mandats de commissaires aux comptes en cours à la date de son entrée en vigueur.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 5 000 euros, respectivement, à la SOCIETE KPMG, à la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT et autres, aux SOCIETES DELOITTE ET ASSOCIES et GRANT THORNTON et à la SOCIETE PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SOCIETE KPMG, de la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT et autres, des SOCIETES DELOITTE ET ASSOCIES et GRANT THORNTON et de la SOCIETE PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE KPMG, à la SOCIETE ERNST etYOUNG AUDIT et autres, à la SOCIETE DELOITTE ET ASSOCIES et à la SOCIETE GRANT THORNTON, à la SOCIETE PRICEWATERHOUSE COOPERS AUDIT, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.