Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 12 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 14 septembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 12 juillet 2005 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis partiel d'un an ;
2°) statuant en référé, de prononcer la suspension de l'exécution de cette sanction ;
3°) de mettre à la charge de La Poste le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré présentée le 9 mars 2006 pour La Poste ;
Vu la note en délibéré présentée le 9 mars 2006 pour M. DABRIN ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 19 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment ses articles 66 et 67 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Meyer-Lereculeur, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et de Me Haas, avocat de La Poste,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative, « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (…). Troisième groupe : (…) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : (…) la révocation. » ; qu'aux termes de l'article 15 du décret du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste, le président du conseil d'administration peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, au directeur général, d'une part, et aux chefs des services déconcentrés, s'agissant des personnels qui relèvent de leur autorité, d'autre part ; que le président du conseil d'administration de La Poste a, par une décision du 2 janvier 2004, délégué au directeur général le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires du quatrième groupe, et par une décision du 20 décembre 2004, délégué aux directeurs opérationnels territoriaux courriers le pouvoir de prononcer les autres sanctions disciplinaires ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision prononçant une sanction du troisième groupe à l'encontre de M. A a été prise par le directeur général de La Poste, le 12 juillet 2005 ; que si cette sanction a été prononcée après avis du conseil central de discipline, compte tenu de la proposition de révocation envisagée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit en ne regardant pas comme sérieux, eu égard aux délégations de pouvoirs consenties respectivement au directeur général et aux directeurs opérationnels territoriaux courriers, en matière de sanctions disciplinaires, le moyen invoqué par M. A et tiré de ce que le directeur général de La Poste n'avait pas compétence pour prononcer une sanction du troisième groupe ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant et aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et qu'en cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier, ou, le cas échéant, sur les personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;
Considérant que la décision de La Poste en date du 12 juillet 2005, infligeant à M. A une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, assortie d'un sursis partiel d'un an, est de nature à affecter gravement les conditions d'existence de l'intéressé, dès lors qu'elle a pour effet de le priver de tout traitement pendant un an ; que par ailleurs, l'éventuelle annulation de cette décision par le juge de l'excès de pouvoir est susceptible d'intervenir après son entière exécution ; que par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie au sens des dispositions précitée ;
Considérant, d'autre part, comme il a été dit ci-dessus, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la sanction disciplinaire de troisième groupe prononcée à l'encontre de M. A, soulevé par le requérant devant le juge des référés, est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision prononçant cette sanction ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les deux conditions auxquelles l'article 521 ;1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative sont réunies ; qu'il y a donc lieu de prononcer la suspension demandée ;
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par La Poste, au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en date du 25 août 2005 est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du 12 juillet 2005 de La Poste prononçant à l'encontre de M. A la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis partiel d'un an, est suspendue.
Article 3 : Les conclusions de M. A et de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre A et à La Poste.