Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, dont le siège est ... ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la circulaire du 19 avril 2005 par laquelle le directeur des affaires criminelles et des grâces a fixé les suites à réserver à l'avis du 18 avril 2005 de la Cour de cassation concernant la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
2°) que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 62 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 du Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2005-847 du 26 juillet 2005 précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ensemble la décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Ordre des avocats au barreau de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ;
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Sur les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer :
Considérant que l'Ordre des avocats de Paris, le Conseil national des Barreaux et la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ont intérêt à l'annulation de la circulaire attaquée ; qu'ainsi leurs interventions sont recevables ;
Sur les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice :
Considérant qu'il n'est pas établi que la circulaire attaquée du 19 avril 2005 n'ait reçu aucune application avant sa suspension, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, par le juge des référés du Conseil d'Etat le 11 mai 2005 ; qu'ainsi, le recours pour excès de pouvoir introduit par le syndicat requérant le 21 avril 2005 n'est pas devenu sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la circulaire :
Considérant que les énonciations attaquées de cette circulaire, par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a prescrit aux magistrats du parquet les modalités selon lesquelles devaient être appliquées les dispositions résultant de la loi, présentent un caractère impératif ; que les conclusions dirigées contre ces énonciations sont, par suite, recevables ;
Considérant que le second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale, prévoyait, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004 et avant sa modification par la loi du 26 juillet 2005 relative à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, que : « Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique » ; que le deuxième alinéa de l'article 32 du code de procédure pénale prévoit que le ministère public assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence ;
Considérant qu'en faisant savoir aux magistrats du parquet, par sa circulaire du 19 avril 2005, que leur présence n'était juridiquement exigée par la loi qu'au cours de la lecture publique de l'ordonnance d'homologation prévue à l'article 495-9 du code, le ministre de la justice a méconnu les dispositions combinées des articles 32 et 495-9 du code alors applicables ; que, par suite, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation de la circulaire attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1. du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que demande le syndicat requérant ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer sont admises.
Article 2 : La circulaire du 19 avril 2005 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, à l'Ordre des avocats de Paris, au Conseil national des Barreaux, à la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer et au garde des sceaux, ministre de la justice.