Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 8 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre-Manuel A, demeurant ..., M. Luc B, demeurant ... et M. Jérôme C, demeurant ... ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé le jugement du 14 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le permis de construire du 13 décembre 1999 délivré par le maire de Paris à la société Reale Mutua di Assicurazioni en vue de l'édification d'un ensemble immobilier sis 32 rue de Mogador et 55 rue de la Chaussée d'Antin à Paris (75009) et, d'autre part, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette autorisation ;
2°) statuant au fond, de rejeter les requêtes d'appel de la ville de Paris et de la société Reale Mutua di Assicurazioni ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la société Reale Mutua di Assicurazioni une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. A et autres, de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la société Reale Mutua di Assicurazioni et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 5° de l'article L. 123 ;1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : Les plans d'occupation des sols doivent (…) en prenant en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de l'évolution : (…) 5º Délimiter les zones ou parties de zones dans lesquelles la reconstruction ou l'aménagement de bâtiments existants pourrait, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant les règles fixées au 13º ci ;dessous, et fixer la destination principale des îlots ou immeubles à restaurer ou à réhabiliter ; que, faisant application de ces dispositions, le règlement du plan d'occupation des sols de Paris prévoit, en son article UF 14.2, que l'aménagement ou la reconstruction sur un même terrain de bâtiments ou de corps de bâtiments dont la surface hors oeuvre nette dépasse la limite qu'autorisent les coefficients d'occupation des sols (COS) peut, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être autorisé ou imposé, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles UF 14.1 et UF 15, pour des motifs et dans les limites fixées par l'article UF 14.2.2 du même règlement ; qu'aux termes de cet article : Les projets doivent respecter l'ensemble des conditions suivantes : (…) 5. La proportion de SHON de bureaux dans la SHON reconstituée ne doit pas être supérieure à leur proportion initiale ; que ces dispositions réglementaires n'ont pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet d'autoriser la construction de locaux d'une densité supérieure à celle qui était initialement bâtie, même de façon minime ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux autorisait une surface hors oeuvre nette de bureaux de 3 497,5 m² sur une surface hors oeuvre nette totale de 3 746,8 m², soit une proportion de 93,35 % supérieure de 0,97 % à la surface construite initialement dans laquelle la proportion de bureaux était de 92,38 % ; qu'en jugeant que les dispositions rappelées ci ;dessus du règlement du plan d'occupation des sols de Paris autorisaient la construction de surfaces de bureaux supérieures à leur surface hors oeuvre nette initiale, au motif qu'elles ne feraient pas obstacle à des dépassements minimes, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
Considérant que par application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, pour l'application de l'article L. 600 ;4 ;1 du code de l'urbanisme, il y a lieu pour le juge d'appel saisi de conclusions contre le jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme de se prononcer sur le bien ;fondé de tous les moyens retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté du 13 décembre 1999 par lequel le maire de Paris a délivré un permis de construire à la société Reale Mutua di Assicurazioni, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur deux moyens, l'un tiré de la méconnaissance du 5. de l'article UF 14.2.2 du règlement du plan d'occupation des sols de Paris, l'autre du caractère incomplet du dossier au vu duquel le maire de Paris s'est prononcé en ce qui concerne le respect de la réglementation des établissements recevant du public ;
Considérant, d'une part, que comme il a été dit ci ;dessus, il ressort des pièces du dossier que la proportion de surface hors oeuvre nette affectée à des bureaux excède dans la construction autorisée celle initialement bâtie, en méconnaissance des dispositions de l'article UF 14.2.2. du règlement du plan d'occupation des sols de Paris ; que, d'autre part, dès lors qu'une partie des locaux faisant l'objet du permis de construire contesté relevait d'une des catégories d'établissements recevant du public, l'autorité délivrant l'autorisation de construire, qui tient alors lieu, en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, de l'autorisation exigée au titre de la réglementation relative à l'accessibilité de ces établissements, ne pouvait délivrer celle ;ci qu'au vu d'un dossier qui permette de vérifier que l'avis préalable de la commission de sécurité n'était pas requis s'agissant d'un établissement de cinquième catégorie, ou qui comporte les éléments requis par les règles de sécurité applicables à cet établissement, notamment l'avis de la commission de sécurité compétente ; que, faute de la présence au dossier de telles informations, l'autorisation litigieuse a été délivrée en méconnaissance des dispositions, tant de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, que de l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, en vertu desquelles le permis de construire ne peut être délivré qu'après consultation de la commission de sécurité compétente ; que, par suite, la ville de Paris et la société Reale Mutua di Assicurazioni ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le permis de construire délivré le 13 décembre 1999 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A et autres qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance les sommes que demandent la société Reale Mutua di Assicurazioni et la ville de Paris à ce titre ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande de M. A, de M. B et de M. C et de mettre à la charge de la société Reale Mutua di Assicurazioni la somme de 500 euros et la même somme à la charge de la ville de Paris, au titre des frais exposés par chacun des requérants et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 31 décembre 2004 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la société Reale Mutua di Assicurazioni et de la ville de Paris devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.
Article 3 : La société Reale Mutua di Assicurazioni et la ville de Paris verseront chacune une somme de 500 euros à M. A, de 500 euros à M. B et de 500 euros à M. C.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre-Manuel A, à M. Luc B et à M. Jérôme C, à la société Reale Mutua di Assicurazioni, à la ville de Paris et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.